En un moment où je cherche à me distraire, je zappe la radio. Je tombe alors sur une émission de la BBC qui présente un reportage à propos du droit à l’avortement aux États-Unis.
Peu avant la fin de l’émission, la reporter déclare nonchalamment que la question de l’avortement est « trop importante pour être abandonnée aux débats politiques ». Ce genre d’affirmation constitue une prise de position idéologique très marquée, inattendue dans un reportage. Pourtant, elle est lâchée comme s’il s’agissait d’une donnée naturelle du genre « le soleil se lève à l’est ».
Voilà un exemple frappant de conviction idéologique qui s’est frayé un chemin dans les esprits de telle sorte qu’on annonce comme une évidence factuelle une opinion parfaitement contestable.
Le discrédit jeté sur le rôle pourtant essentiel du débat politique dans les affaires de la cité fait partie de l’hégémonie culturelle actuelle. La négation de la primauté qu’il devrait avoir ajoute à la sensation d’impuissance d’une large part de la population et contribue, entre autres, à la déréliction électorale.
Ce ne serait qu’un moindre mal s’il y avait par ailleurs, chez les personnes ainsi désabusées, un engagement citoyen dans des comités destinés à faire entendre la voix populaire. Mais, hélas, ces individus qui rejettent le politique (en même temps que la politique) sous prétexte qu’ils n’y peuvent rien se réfugient dans la consommation ostentatoire laissant les rênes de leur destin à ceux-là-mêmes dont ils disent se méfier.
À l’inverse de la déclaration de la reporter britannique, plus une question est importante, plus elle doit faire l’objet de discussions politiques, car les affaires de la cité ne relèvent pas des croyances, mais bien de l’art du possible dans la poursuite du bien commun.
LAGACÉ, Francis
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