Mais pour l’ONU, là n’est pas la question, parce qu’elle sait que ce bilan existe bel et bien, et qu’il est un véritable fiasco. C’est pourquoi elle s’évertue maintenant de faire oublier les vrais impacts de cette occupation mortifère sur la population haïtienne : viols d’enfants, d’adolescents et adolescentes, assassinats de jeunes dans les quartiers populaires, introduction de l’épidémie du choléra causant plus de 10 000 morts, etc.
Ce bilan est connu. On en discute, on en parle. Et les voix se lèvent un peu partout pour réclamer justice et réparation. À ces cris, l’ONU répond par un silence assourdissant, ou pire encore par des excuses perfides de Ban Ki-moon et aujourd’hui par des promesses fallacieuses de Mamadou Diallo.
Ce dernier, responsable maintenant de la Minujusth (Mission onusienne pour l’appui à la justice en Haïti), prend fonction dans un pays où toute une partie de la population fut traumatisée, décimée et continue de mourir à cause d’une force militaire onusienne qui occupa le pays pendant plus de treize ans.
M. Diallo dit en être conscient, pourtant sa mission actuelle consiste à diluer un double paradoxe : celui de faire oublier par des fausses promesses les méfaits de la Minustah, malgré qu’il soit évident que ces crimes ne peuvent en aucun cas être passés sous silence, et celui de légitimer un autre organisme de l’Onu, la Minujusth, dont la fonction serait d’aider à l’établissement de la justice, malgré le fait que l’Onu elle-même est responsable de l’une des plus grandes injustices commises contre le peuple haïtien durant les vingt dernières années.
Si on analyse effectivement la mission de la Minujusth, les contradictions éclatent au grand jour. Son principal objectif consiste à aider l’État haïtien à développer et à professionnaliser la police nationale déjà existante, le CIMO (Centre d’intervention et de maintien d’ordre) ce qui, dans les faits, se traduira par une plus grande répression du peuple haïtien. On a vu cette force réprimée violemment les ouvriers et ouvrières du textile lors des manifestations pacifiques exigeant l’augmentation du salaire minimum. Le pouvoir de maintenir l’ordre dont cette police se dit investie est en réalité le pouvoir de défendre le statu quo, le pouvoir de garder intact l’ordre des dominants.
On ne peut dans la situation actuelle renforcer l’État du droit comme le prétend la Minujusth sans du coup interroger le droit de cet État d’exister, de fonctionner tel quel, c’est-à-dire ayant à sa tête un gouvernement illégitime qui ne prend en considération aucun des besoins réels de la population. On ne peut prétendre « renforcer » un État de droit, alors que cet État, de par sa nature et son orientation, n’existe que pour défendre, sans compromis, les intérêts de la classe dominante et d’une certaine classe politique. On ne peut considérer instituer une « pratique » de droit à l’intérieur des institutions de l’État au bénéfice du plus grand nombre, alors que cet État est assujetti aux intérêts de puissances étrangères et à ceux d’une oligarchie sous-traitante qui perçoit la classe ouvrière comme un ensemble d’individus n’ayant aucun droit, ou pire, comme un groupe d’indigènes à exploiter à volonté.
Prétendre défendre les « droits de l’homme » dans un tel contexte, comme le veut encore la Minujusth, c’est tomber dans la plus pure hypocrisie, une mise en scène macabre digne d’un roman de Kafka.
Si nous pointons du doigt l’hypocrisie de la mission de la Minujusth, ce n’est pas pour « tomber » dans une espèce de moralisme, mais pour faire comprendre plutôt que, sous ces contradictions apparentes, se dessine toute une politique de continuation de l’occupation. Une politique dont l’objectif essentiel est d’assurer la continuation de la domination du pays, l’exploitation outrancière des ouvrières et ouvriers des zones franches et la mise à sac des ressources naturelles du pays.
C’est pourquoi la Minujusth, comme la Minustah, doit être dénoncée comme une force d’occupation. Elle est l’autre visage de cette présence onusienne sur notre territoire. Demandons donc sans tarder son départ du sol national.
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