Ce qui frappe c’est l’ampleur des attaques. Pourquoi tant de brutalité ?
Fred Leplat – Le gouvernement poursuit plusieurs objectifs, le premier étant celui de faire payer à la classe ouvrière et à la population en général le coût du renflouement des banques en 2008. Près de 80 milliards de £ [116 milliards de francs] leur ont été offerts par le précédent gouvernement, travailliste, qui a cédé au chantage des banques qui ont dit « soit vous nous sauvez soit le système s’écroule ».
Leurs dettes privées sont ainsi devenues publiques et vont être remboursées par le gel des salaires, la réforme des retraites des fonctionnaires, la hausse de la TVA qui frappe les plus pauvres, la réduction des budgets publics de 25% durant les quatre ans à venir, le triplement -jusqu’à 9000 £ par an, soit - des taxes universitaires et ainsi de suite. En plus d’un demi million de suppressions d’emplois dans le public et d’autant dans le secteur privé, cela va provoquer, pour la première fois depuis 1981, une réduction du pouvoir d’achat.
Mais on touche aussi aux prestations sociales, non ?
En effet, un autre objectif, peut-être le plus important est la démolition de toutes les conquêtes de l’immédiat après-guerre, le « welfare state ». Ce sont les services publics qui sont dans le collimateur, en particulier le National Health Service. Le gouvernement voudrait le réduire à une sorte d’organisme de financement et de contrôle de compagnies privées auxquelles on confierait les tâches de santé publique.
Leur mise en concurrence entraînerait le transfert de plus d’un million d’emplois du NHS vers des myriades de compagnies privées dont certaines sont grandes et puissantes. Cela s’appuie sur une attaque idéologique contre le service public : les conservateurs ne cessent de louer les « bienfaits du marché », de dénoncer le « trop d’Etat » et de promouvoir le volontariat et le bénévolat.
Le 26 mars, la mobilisation a été impressionnante. Comment l’expliques-tu ?
Avec au moins 500’000 syndicalistes dans la rue, c’était probablement la manif syndicale la plus importante de tous les temps. Les syndicats sont de retour sur la scène politique. Cela peut encourager la préparation de mouvements de grève, ne serait-ce sur le plan local, contre les licenciements ou pour défendre les services publics, malgré la position des grands syndicats les TUC et l’UNISON. Certes, ils ont organisé la manif, mais pour eux, il s’agissait juste de protester contre la rapidité d’application des mesures envisagées. Comme les Travaillistes, ils pensent qu’il faut des coupes, mais pas si profondes, ni si rapides.
Et maintenant ?
C’est clair qu’il faut une alternative radicale à la ligne des TUC. Coalition of Resistance, un collectif national soutenu par la majorité de la gauche politique et par des syndicats était fort présente le 26 mars. Ses pancartes portant la revendication « No cuts ! », les gens se les arrachaient des mains. Le slogan, simple et clair, « No cuts ! », dit le refus d’assumer la responsabilité de la crise et donc des coupes budgétaires.
Maintenant il faut soutenir et encourager toutes les actions allant dans ce sens. Pour reprendre les mots de Mark Serwotka, président du syndicat enseignant PCS « c’est pour une alternative qu’on a manifesté, maintenant c’est pour elle qu’il faut se mettre en grève ». C’était d’ailleurs la position adoptée par le congrès des TUC en septembre 2010 : lancer et coordonner des mouvements de grève au niveau national. Voilà à quoi il faut s’atteler maintenant avant que le gouvernement n’applique ses réformes. D’ailleurs, le 30 juin, les syndicats appellent à la grève de tous les enseignants, de l’école primaire à l’université, contre la réforme des retraites.
Et ceci alors que des sommes énormes sont dépensées pour les guerres en Afghanistan et en Libye…
Avec ce que nous a coûté la guerre en Afghanistan on aurait pu construire 23 hôpitaux, créer 60’000 nouveaux postes d’enseignants et engager 77’000 infirmières. Faut choisir.