Édition du 17 décembre 2024

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Politique canadienne

Gaz de houille - le fédéral veut décourager Jessica Ernst

Dans une décision étonnante, le gouvernement Harper met une autre embûche dans une procédure légale très suivie en Alberta qui veut juger la règlementation de la fracturation hydraulique sur la place publique.

Traduction libre d’un reportage d’Andrew Nikiforuk publié dans le journal indépendant The Tyee.

Le fédéral jette un bâton dans les roues d’un procès très médiatisé

La semaine dernière, le Ministère de la Justice Canada a nommé l’honorable juge Barbara L. Veldhuis, une juge de la cour du banc de la reine qui présidait sur le cas juridique très médiatisé, à la cour d’appel de l’Alberta. La promotion, en fait, retire Veldhuis du procès de plusieurs milliers de dollars.

De plus, Veldhuis était sur le point de prononcer sa décision à savoir si le régulateur de l’énergie de l’Alberta pouvait oui ou non se faire actionner par un propriétaire terrien pour avoir failli à des règlements provinciaux, manqué à la protection de l’eau souterraine et au respect des droits constitutionnels des Canadiens.

La promotion du gouvernement Harper veut maintenant dire qu’un autre juge devra être nommé pour entendre la cause, ce qui a été remarqué au travers le globe, notamment aux États-Unis, en Australie, en Pologne et en Irlande.

’Une autre tentative pour retarder et épuiser’ dit Ernst

L’industrie et le gouvernement ont souvent tenté de ralentir le procès en utilisant une variété de tactiques dont celle de retenir des demandes d’accès à l’information ainsi qu’un ordre de refaire et soumettre une requête moins longue.

Le départ soudain de Veldhuis pourrait ajouter d’autres délais aux procédures ainsi que des coûts additionnels de plusieurs dizaines de milliers de dollars pour la propriétaire Jessica Ernst. La consultante indépendante pour l’industrie du pétrole mène cette lutte depuis 2005.

"Cette nouvelle nomination n’est pas de la justice, mais une autre tentative pour retarder et épuiser la plaignante." Ernst a dit au The Tyee. "Mais je ne me laisserai pas dissuader. La plupart des gens auraient abandonné à ce stage-ci. Mais je défend la vérité et l’avenir de l’eau dans cette province et je n’abandonnerai pas."

"On m’a intimidé. Mes droits constitutionnels ont été violés. Le régulateur m’a même bannie. J’ai eu la GRC à ma porte. Mais je ne me laisserai pas intimidée par l’abus de pouvoir." dit Ernst.

Des membres de l’industrie l’on harcelée verbalement et l’ont menacée. Quelqu’un a jeter l’un de ses chiens sous un train. (NDLR : Pauvre Bandit !)

La pratique de la fracturation hydraulique, l’injection de grandes quantités d’eau et de produits chimiques dans les formations géologiques qui emprisonnent des hydrocarbures à des milles de profondeur, a été le sujet de controverses à la grandeur du globe à cause du manque de protection de l’eau, une science imparfaite et des régulateurs achetés.

Le Québec a déclaré un moratoire sur la pratique tandis que des communautés rurales en Afrique du Sud et en Australie ont bloqué l’accès à leurs terres aux opérations de fracturations du schiste pour défendre l’eau souterraine et le bétail.

Le procès de Ernst

Le procès de $33 millions prétend que Encana, l’un des plus importants producteurs de gaz naturel du Canada, aurait foré et fracturé des puits peu profonds dans les formations de houille (charbon) directement dans la source souterraine d’eau potable locale entre 2001 et 2004 près de Rosebud, en Alberta, ce qui aurait pollué le puits d’eau potable de Ernst avec suffisamment de produits chimiques toxiques et de méthane pour le rendre inflammable.

De plus, la requête explique en détails comment les régulateurs de l’énergie en Alberta, la commission Energy Resources Conservation Board (ERCB) et Alberta Environment n’ont pas suivi le processus de mise en application d’enquêtes et de respect des règlements qu’ils se sont fixés et publicisés, malgré les preuves directes de pollution causée par l’industrie et des aveux publics que la fracturation à faible profondeur met l’eau souterraine à risque.

Le mois passé, la juge Veldhuis avait présidé une audience du procès publicisé dans une cour de justice de Calgary où plus de 80 citoyens, dont une douzaine de Rosebud, en Alberta, sont venus pour appuyer Ernst.

Par contre, Ernst elle-même n’y était pas. Elle était à la cour de justice de Drumheller, où, selon la loi, son procès aurait dû avoir eut lieu.

Toutefois, les avocats du gouvernement et d’Encana ont réussi à faire déplacer le procès à Calgary où il se trouverait moins de gens directement lésés par les forages pétroliers et gaziers.

Durant le procès du mois passé, les avocats représentant le ERCB de l’Alberta ont affirmé que le régulateur ne pouvait pas être traîné en justice car il n’avait pas le devoir de protéger les propriétaires ou l’eau souterraine, une ressource publique.

Murray Klippenstein, l’avocat de Ernst, a répliqué que les régulateurs ont en effet le devoir de protéger les ressources publiques comme l’eau souterraine parce que la contamination se déplace et impacte d’autres citoyens. De plus, un régulateur ne peut pas promulguer des lois ou rendre des décisions qui violent les droits constitutionnels de base des citoyens, surtout quand ils demandent aux régulateurs de faire respecter la loi dans l’intérêt du public.

À date, Encana, le gouvernement de l’Alberta et le ERCB n’ont pas présenté leurs mémoires en défense sur des incidents qui se sont produits il y a de cela 9 ans déjà. À ce moment-là, l’industrie forait et fracturait des milliers de puits peu profonds dans une formation de houille au centre de l’Alberta, et il en est résulté plusieurs plaintes, des protestations et des réunions publiques.

Fracturer des veines de houille était si expérimental à ce moment-là que même les travailleurs de l’industrie surnommaient la pratique "Hail Mary Fracks", ’des fracturations Ave Maria’ .

Selon le vérificateur général du Canada, plus de 200,000 puits ont été hydrauliquement fracturés dans l’ouest du pays depuis les années 1950. De plus, 7,500 opérations de grand volume, à plusieurs stages, les plus puissantes du monde, ont eu lieu en Colombie-Britannique depuis 2005.

Pourtant, ni Environnement Canada ni Santé Canada n’ont une connaissance complète des substances contenues dans les fluides de fracturations hydrauliques et les risques qui y sont associés . Des évaluations de risques adéquates n’ont pas été effectuées sur plusieurs des produits chimiques utilisés durant une fracturation hydraulique.

Des études scientifiques récentes ont conclu que des fracturations hydrauliques à grand volume et à plusieurs étapes peuvent provoquer des séismes, compromettre les trous du puits, pénétrer d’autres puits pétroliers et gaziers et contaminer l’eau souterraine peu profonde ou très creuse, surtout si la région a déjà connu plusieurs forages conventionnels.

De plus, des fuites de méthane dans des régions gazières intensivement fracturées peuvent s’élever à 9%, ce qui fait que les opérations de gaz de schiste sont une menace plus grande aux changements climatiques qu’avaient calculé les analystes de charbon.

Une étude de 2012 faite par Virginia Palacios a relevé plus de 60 cas de contamination d’eau souterraine sous enquête par le comité Texas Groundwater Protection Committee, après des fracturations hydrauliques intenses dans la région de forage Texas Eagle. Cette étude a aussi trouvé que ni les régulateurs ni l’industrie ne garde de données de niveau de référence adéquates sur l’eau souterraine ans la région du schiste Eagle Ford.

Gwyn Morgan, l’ancienne PDG d’Encana, avait amassé des fonds pour les Conservateurs fédéraux dans le passé, et a déjà été conseillère pour le gouvernement de Stephen Harper. La femme d’affaires à la retraite maintenant conseille la chef libérale de la Colombie-Britannique Christy Clark.

On peut lire sur le site Web d’Encana que la compagnie a toujours cru fermement que les affirmations de Mme Ernst ne concordent pas avec les faits et son procès est sans mérite.

Andrew Nikiforuk

Journaliste au journal indépendant The Tyee, Canada.

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