Les liquides de fracturation contiennent des dizaines de tonnes de composés chimiques, jusqu’à 700 produits différents, dont plusieurs sont reconnus pour causer des cancers (cancérigènes), des malformations génétiques (tératogènes), des troubles de la reproduction et des glandes (perturbateurs endocriniens), en plus de tuer les organismes vivants (biocides) [2] [3]. Les liquides de fracturation contiennent également du radon, une substance radioactive [4].
Nos égouts sont du petit lait en comparaison de cette soupe chimique. Aucune usine de traitement des eaux ne peut dépolluer les liquides de fracturation. Dans les endroits du monde où la fracturation hydraulique est encore permise, les liquides de fracturation sont entreposés « de façon sécuritaire » dans des bassins de rétention ou réinjectés dans les puits afin d’éliminer les risques de contamination en surface. Mais ces précautions n’ont malheureusement pas empêché la pollution atmosphérique ni la pollution des nappes phréatiques, en plus de provoquer des tremblements de terre [5].
Au Québec, on innove. Les eaux toxiques de la fracturation hydraulique seront rejetées directement dans le fleuve Saint-Laurent, un écosystème marin exceptionnel, habitat de baleines, de homards, de salicorne et d’autres espèces indigènes des eaux et des rives. Comme si cela n’aurait pas d’impact sur la santé des mammifères marins. Comme si les tonnes de produits toxiques ne se retrouveraient pas dans la chair des poissons et crustacés qui sont pêchés dans le golfe, ni sur les plages et dans l’air qu’on respire sur la Côte-Nord, en Gaspésie et dans les provinces maritimes.
Les « bonnes pratiques » en usage dans l’industrie pour faire de la fracturation hydraulique recommandent de ne pas forer horizontalement à moins de 1000 mètres sous le plancher d’une nappe d’eau souterraine. En effet, les statistiques montrent qu’il n’est pas rare que des failles verticales s’ouvrent dans la roche lors des forages, laissant remonter les gaz et le liquide de fracturation jusqu’à 550 mètres des puits et même davantage. Mais au Québec, on innove. La fracturation est permise à partir de 400 mètres sous le plancher des nappes souterraines [6]. Par ici la pollution !
Des experts ont démontré que l’exploitation des hydrocarbures sur l’île d’Anticosti serait un gouffre financier. L’île n’a même pas les ressources en eau pour fournir l’industrie. Sans compter les infrastructures pour le transport et le stockage du gaz ou du pétrole qui nécessiteraient des investissements publics de l’ordre de 14 milliards de dollars [7]. De plus, un collectif de scientifiques indépendants a démontré que le potentiel d’hydrocarbures présents sur l’île avait été surévalué [8] [9]. Ce ne serait donc pas pour exploiter les hydrocarbures que le gouvernement a permis d’y effectuer des forages avec fracturation. Peut-on penser qu’Anticosti servirait plutôt de laboratoire permettant à l’industrie de tester ses méthodes en vue d’autres exploitations dans des zones sensibles au Québec ?
Alors qu’il est interdit aux citoyens de rejeter leurs eaux usées domestiques sans traitement dans un cours d’eau et de laisser tourner leur moteur de voiture au ralenti plus de trois minutes, le gouvernement de Philippe Couillard donne toutes les licences pour que se développe chez nous l’exploitation d’un hydrocarbure au moins aussi polluant que le charbon [10]. Et cela, dans le contexte de la crise climatique, alors qu’il faut tout mettre en œuvre afin de stopper nos émissions de gaz à effet de serre.
Les forages avec fracturation hydraulique sur Anticosti sont bien plus que le sacrifice de « quelques arpents de neige ». Ils sont l’affirmation d’un gouvernement dépourvu de conscience environnementale et de vision d’un développement économique viable à long terme ; un gouvernement qui méprise l’expertise scientifique et le droit des citoyens à un environnement sain et sécuritaire.
Louise Morand
Comité vigilance hydrocarbures l’Assomption
Le 7 juillet 2016