Une effroyable réalité s’expose donc à la lumière de tout ce qui a été écrit précédemment, mais heureusement les soins de santé sont pratiqués par des êtres humains sensibles. Par contre, le système, lui, ne l’est pas ; malheureusement, c’est lui qui mène, tandis que les travailleuses et travailleurs de la santé suivent. Tout serait politique dans une société dominée par l’État, selon un certain point de vue. Mais que prêche l’État de nos jours ? La patiente ou le patient des soins de santé ne représente-t-elle ou -t-il pas plutôt une unité humaine à réparer au plus vite dans le but d’un retour sur le marché à titre de travailleuse ou de travailleur, sinon de consommatrice ou de consommateur ?
Elle ou il ferait donc partie du système à maintenir, lui qui conditionne l’existence entière. Et qui dit État de marché, dit néolibéralisme et son règne après une victoire décisive sur l’État providence, à savoir sur l’idéal de la contribution de tous pour tous. Désormais, c’est chacun pour soi ou du moins l’État ne veut plus participer aux soins pour tous, laissant cette tâche à un marché parallèle ou dit services communautaires. Les plus vulnérables, ou les « inutiles » selon le système en vigueur, sont pris en charge par des oeuvres caritatives dont l’État finance peut-être une partie, mais se lave les mains de la tâche la plus difficile.
Car cette forme d’aide n’apporte rien en termes productif, de création de richesses ou d’accumulation, selon ce point de vue. De l’autre côté, les individus ou unités humaines utiles, soit pour le travail ou la production, soit pour la consommation, soit pour les deux, nécessitent certes un support (en raison de leur utilité), mais qui ne doit pas être trop coûteux (ce qui inclut aussi « être trop long »). Selon cette idéologie, c’est « l’individu » qui est responsable de son sort à la base et, en définitive, le plus important n’est pas la santé humaine, mais la santé de l’économie. Il faut juste s’assurer que l’individu ou l’unité humaine utile dure le plus longtemps possible pour créer la richesse espérée (une quantité de richesses pourtant jamais satisfaisante et qui force à toujours en vouloir plus, plus et plus).
Et en ce sens, le support de l’État n’est plus universel, mais bien conditionnel (et tombe dans le moins, moins et moins) ; il intervient seulement lorsque l’individu en a « vraiment » besoin. Au final, le support de l’État, même en santé, rime aujourd’hui avec un devoir de débrouillardise chez l’individu qui doit prendre ses responsabilités face aux risques qui le menacent. Voilà une partie de la réponse, voilà une explication, quoique sommaire, de la réalité de nos services de santé subissant le désengagement bien visible de l’État. Voilà aussi une porte ouverte à la privatisation, pour ne pas dire aux inégalités prévisibles pour l’obtention des soins de santé ; les plus pauvres recevront moins que les riches, le tous pour tous aura disparu du service public.
Un dernier point au sujet du désengagement de l’État : même si le gouvernement investit des sommes magistrales en santé, cela ne signifie pas que les services offerts seront meilleurs ni ne suppose être le signe d’un réengagement. Si ces sommes donc sont investies dans le réseau de la Santé dans un but de rattrapage en effectif causé surtout par la récente pandémie, mais aussi de contrôle plus efficace des dépenses, autrement dit ces sommes visent à justifier une privatisation éventuelle. Car vouloir augmenter le personnel en raison des besoins tout en espérant contrôler les dépenses, voire même à les réduire, équivaut à un paradoxe inextricable. La seule solution consiste à augmenter l’entrée d’argent, une entrée d’argent qui vient de l’extérieur, des unités humaines qui consomment les services. Il faut comprendre que le système aime l’argent et non l’être humain ; il aime compter ce qui entre dans les coffres et non ce qui en sort ; il préfère un État privé à un État public. Ainsi, le désengagement de l’État doit se voir par la tendance à corrompre le système public par le privé et de troquer la maxime « tous pour tous » pour « un service pour celle ou celui qui a la capacité de payer ».
Pour conclure
[428d] SOCRATE.
« Ο mon cher Cratyle ! je suis tout le premier à m’étonner de mon savoir, et à m’en méfier. Aussi serais-je d’avis de revenir sur tout ce que j’ai dit pour l’examiner de nouveau ; car, il n’y a pire erreur que celle ou l’on s’induit soi-même, puisque alors nous sommes inséparables du trompeur qui nous suit partout. Il convient donc de revenir souvent sur ce que l’on a avancé, et de s’appliquer, comme dit ton poète (83), à voir devant et derrière soi. » Platon. Cratyle. https://remacle.org/bloodwolf/philosophes/platon/cousin/cratyle4.htm. Consulté le 14 août 2023.
Un sondage d’opinion correspond à une enquête statistique qui donne une indication quantitative des opinions des personnes sondées sur un sujet, un enjeu, un produit, etc.. Les résultats sont parfois manipulés et ils nous fournissent uniquement une idée des opinions, donc des appréciations subjectives, des personnes qui se sont donné la peine de répondre au questionnaire. Il est établi, depuis Platon, qu’une opinion ne correspond pas à la vérité au sujet de la réalité. Il s’agit plutôt d’une perception qui souvent contribue à embellir la réalité. À ce moment-ci, une chose est certaine, le taux de satisfaction de 71% obtenu dans le cadre d’un projet pilote mené par le MSSS ne peut pas être et ne doit surtout pas être généralisé à l’ensemble des services donnés par le réseau de la santé. Il faut se méfier d’une telle donnée qui ne correspond pas à un authentique savoir…
Guylain Bernier
Yvan Perrier
14 août 2023
13h30
yvan_perrier@hotmail.com
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