Édition du 17 décembre 2024

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États-Unis

Etats-Unis : la révolution du gaz de schiste se termine en désastre écologique et social

Deux récents rapports d’organisations indépendantes tirent la sirène d’alarme sur les conséquences de l’exploitation du gaz de schiste aux Etats-Unis.

L’obsession du gouvernement américain pour devenir un pays énergiquement autosuffisant a provoqué en effet une catastrophe écologique et sociale qui a particulièrement touché les Etats de Pennsylvanie, du Texas et de La Louisiane, où se trouvent les plus grandes exploitations de gaz de schiste. 

1° Des conséquences écologiques désastreuses

Rusia Today fait état d’une étude menée par un Freelance Bureau of International Investigation (http://fbii.org/investigations/914.html) selon laquelle l’extraction du gaz de schiste est en train de transformer des terres agricoles en un désert empoisonné par les produits chimiques utilisés lors de la production de gaz par la technique de fracturation, qui a peu évolué depuis son apparition en 1940 et qui a rapidement été appelée « terrorisme vert » en raison de ses effets secondaires catastrophiques,

Les habitants des zones occupées par les sociétés d’extraction de schiste ont commencé à souffrir de diverses maladies parce que l’eau potable est devenue un véritable poison. Les produits chimiques contenus dans la composition liquide de 20 millions de litres introduits dans les puits , joints au gaz qui en est extrait, contaminent les eaux souterraines.

La composition du liquide utilisé est un secret commercial, mais selon un groupe environnemental américain, le fluide de fracturation se compose de plus de 90 substances chimiques différentes. 

En raison des fuites de gaz des puits défectueux, le niveau de méthane et de métaux lourds a largement dépassé les seuils autorisés pour les eaux souterraines. Ce qui est alarmant, c’est que la quantité de fuites de liquides toxiques dans la formation géologique peut dépasser les 70% des volumes injectés.

La seule option pour les familles touchées par l’intoxication afin d’améliorer leur état de santé et de retourner à une vie paisible est de vendre leurs terres à bas prix et de quitter la région. Pendant ce temps, les sociétés concernées essayent de taire le problème. Ainsi, la famille Hallovich dont les enfants sont constamment malades, s’est vue offrir une compensation de 750.000 dollars pour quitter la zone contaminée sans divulguer d’informations sur les effets du gaz. 

Selon Iris Marie Bloom, directrice de la fondation Protecting our waters (http://protectingourwaters.wordpress.com), basée à Philadelphie, des nombreux cas d’intoxication par l’eau ont été recensés. « Nous savons aussi que les victimes sont menacées pour qu’elles gardent le silence. Les producteurs présentent le gaz de schiste comme combustible propre, mais en réalité, il pollue l’environnement à tous les niveaux de sa production. »

Cet été, des chercheurs de l’Université Duke (http://duke.edu/welcome/spanish) ont par ailleurs analysé 141 échantillons d’eau potable provenant de puits privés dans le nord de Pennsylvanie à proximité des zones d’extraction de gaz de schiste. Les résultats ont alarmé les experts : la concentration de méthane dépasse six fois le niveau autorisé aux Etats-Unis et celui de l’éthane, 23 fois. La situation dans la région s’est détériorée à un point tel que cela pourrait enflammer l’eau qui sort du robinet.

Il existe aussi le risque de tomber sur du méthane qui cherche naturellement un accès vers la surface. Un fermier de Pennsylvanie, qui essayait de forer sur son propre terrain, a provoqué ainsi une fuite de 84.000 mètres cubes de méthane pendant trois jours d’affilée. 

Par ailleurs, le rapport de l’Institut de la Terre de l’Université Columbia (http://actualidad.rt.com/economia/view/107028-econom%C3%ADa-razones-europa-crisis) révèle que la technologie de fracturation hydraulique provoque des tremblements de terre suite à une étude a menée dans l’État de l’Ohio, l’un des principaux sites de production de gaz de schiste. Pendant l’observation de la région depuis plus d’un an, les spécialistes ont enregistré 109 tremblements de terre, d’une magnitude maximale de 3,9. 

2° Les conséquences sociales du fracking en Pennsylvanie

Il convient de mentionner également le rapport de l’Organisation Food and Water Watch de septembre 2013 qui porte sur les conséquences sociales du fracking à partir de l’étude du cas de la Pennsylvanie, épicentre du boom de la fracturation hydraulique, avec près de 5000 puits de gaz de schiste forés entre 2005 et 2011.

Pour réaliser cette étude, FWW a entre autres, comparé des données entre les 12 comtés restés vierges de toute exploitation de gaz de schiste (« unfracked ») et les 23 comtés qui procèdent à la fracturation hydraulique (« fracked »).

Selon ce rapport, la situation qu’ont connue certaines régions de l’Etat de Pennsylvanie considérées jusqu’alors comme bucoliques est similaire à celle qui a eu lieu en 1850 en Californie avec la ruée vers l’or.

L’arrivée massive de nombreux travailleurs n’a pas été sans conséquences dans de nombreux domaines.

Dans le domaine de la santé, Food and Water Watch fait état de l »augmentation importantes des MST en raison de l’arrivée massive de la prostitution . Le nombre annuel moyen de cas de chlamydia et de gonorrhée en Pennsylvanie a augmenté de 32,4% entre 2005 et 2010, tandis que dans les comtés sans fracturation l’augmentation n’a été que de 20,1%. Une fois démarrées les opérations de fracturation, le nombre de cas de MST a augmenté en moyenne de 8% par an dans les comtés fortement « fracked » et seulement 3,8% dans les comtés « unfracked. »

Sur le plan de la circulation, le nombre s’accidents impliquant des poids lourds est deux fois supérieur dans les zones de fracking et a augmenté de en moyenne de 7% chaque année depuis l’apparition de la fracturation alors qu’il a baissé de 12% dans les comtés »unfracked ».

L’arrivée massive de travailleurs a crée également des bouleversements sociaux dans les comtés ruraux avec un forte augmentation de l’alcoolisme et de la délinquance. Les capacités d’accueil et d’hébergement insuffisantes ont provoqué la hausse des loyers ainsi que l’apparition de sites-vie dont les conditions d’hygiène et de salubrité ne sont pas souvent conformes.

Il convient également d’évoquer ici l’étude de Thomas Porcher sur les créations d’emplois résultant de l’exploitation du gaz de schiste aux Etats-Unis.

Entre 2005 et 2012, le nombre de puits aux Etats-Unis est passé de 14 000 à plus de 500 000, et cela n’a créé qu’un peu plus d’un emploi par puits. Ce qui n’est guère surprenant car la production de gaz, comme toutes les industries extractives, ne nécessite que peu de main d’oeuvre.

L’université de Cleveland est arrivée aux mêmes conclusions. Dans les comtés d’Ohio au cœur du boom du gaz de schiste, l’emploi a augmenté de 1,4% entre 2011 et 2012 alors que les autres comtés d’Ohio (sans schiste) ont gagné 1,3% sur la même période. En cause, la destruction des emplois dans le tourisme et dans l’agriculture qu’entraîne l’exploitation du gaz de schiste.(Regards : http://www.regards.fr/web/l-exploitation-du-gaz-de-schiste,6481). (Voir l’article consacré au livre de Thomas Porcher, Le mirage du gaz de schiste, de Thomas Porcher, éditions Max Milo : http://www.blogapares.com/gaz-de-schiste-a-peine-un-peu-plus-dun-emploi-cree-par-puits-creuse/).
 
Pour finir, Freelance Bureau of International Investigation pose la question de savoir pourquoi le gouvernement Obama ne tient-il pas compte de cette situation catastrophique ? La réponse est selon elle en fait assez simple : Obama ne fait que tenir ses promesses électorales selon lesquelles sous son gouvernement, interviendrait une révolution du gaz de schiste qui ferait des Etats-Unis un pays auto-suffisant en gaz naturel pendant 100 ans.

Selon Freelance Bureau of International Investigation, ces promesses ne deviendront jamais réalité : le président des USA a oublié de dire qu’il est techniquement impossible d’extraire la majeure partie du schiste, car cela s’avérerait extrêmement coûteux. 

D’après l’expert américain dans le domaine de la production de pétrole et de gaz, David Hughes, pour maintenir le niveau actuel de production annuelle, il faudrait forer jusqu’à 7 000 m, ce qui coûterait 42 milliards $ USD. Or la valeur de tout le gaz de schiste produite par les États-Unis l’an dernier a totalisé 32,5 millions de dollars. « Donc, la rhétorique de l’indépendance énergétique des Etats-Unis dans l’état actuel de la technologie n’est qu »un mensonge » a-t-il déclaré.

Dés lors, en comptant le volume qui peut être extrait à un prix rationnel et compte tenu du rythme actuel de la consommation américaine, les réserves américaines seront suffisantes pour environ onze ans. Et si la consommation de gaz augmente, les ressources seront épuisées beaucoup plus tôt.
D’ailleurs, signe de la fin d’un mirage, les exploitants de gaz de schiste ont commencé depuis cet été à liquider leurs actifs dans l’exploitation du gaz de schiste.

C’était bien la peine…

Sources : Freelance Bureau of International Investigation (http://fbii.org/investigations/914.html) via Rusia Today - Food and Water Watch via Green Report.it : http://www.foodandwaterwatch.org/about/

Lien : Le rapport de Food and Water Watch, en américain : http://documents.foodandwaterwatch.org/doc/Social_Costs_of_Fracking.pdf

Aller plus loin :

THE SKY IS PINK, l’enquête de Josh FOX, auteur de GASLAND. Version sous titrée en français sur le gaz de schiste dans l’Etat de New York avec la mise en lumière de documents internes aux entreprises de forage accablants : https://www.youtube.com/watch?v=fq6eloZi3yI&feature=player_embedded

Eldon

Animateur de blogues.

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