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États-Unis. Le plan de Biden pour l’Amérique centrale et l’externalisation de la politique de « contrôle des migrations »

Joe Biden est entré à la Maison Blanche avec des positions stimulantes mais contradictoires sur l’immigration et l’Amérique centrale. Il a promis d’inverser les politiques draconiennes anti-immigration de Donald Trump tout en rétablissant, grâce à son « Plan pour construire la sécurité et la prospérité en partenariat avec les peuples d’Amérique centrale », le « leadership états-unien dans la région » que Trump avait, selon lui, abandonné. Pour les Centraméricains, cependant, un tel « leadership » a une résonance inquiétante.

1 avril 2021 | tiré du site Alencontre
https://alencontre.org/ameriques/americnord/usa/etats-unis-le-plan-de-biden-pour-lamerique-centrale-et-lexternalisation-de-la-politique-de-controle-des-migrations.html

Bien que la deuxième partie de l’intitulé de son plan fasse un fait écho à celle d’organisations de base de gauche comme le Comité de solidarité avec le peuple du Salvador (CISPES), son contenu met en évidence une version de la sécurité et de la prospérité dans cette région qui ressemble plus à la guerre froide qu’au CISPES. Au lieu d’une solidarité (ou même d’un partenariat) avec l’Amérique centrale, le plan de Biden promeut en fait un vieux modèle de développement économique qui a longtemps profité aux entreprises des Etats-Unis. Il vise également à imposer aux habitants de cette région une version nettement militarisée de la « sécurité ». En outre, il vise à inciter les gouvernements d’Amérique centrale et, en particulier, leurs armées à contenir l’émigration par le biais de la répression.

Lier l’immigration et la politique étrangère

L’énoncé le plus clair des objectifs du président concernant l’Amérique centrale apparaît dans sa « Loi sur la citoyenneté américaine de 2021 », envoyée au Congrès le 20 janvier. Cette proposition offre un ensemble de changements radicaux visant à éliminer les expulsions racistes du président Trump, à rétablir les droits d’asile et à ouvrir un chemin vers un statut légal et la citoyenneté pour la population immigrée. Après le barrage anti-immigrants des quatre dernières années, cette proposition semble mériter d’être saluée. En fait, elle suit les pas des précédents compromis bipartisans « globaux » comme la loi de 1986 sur la réforme [Immigration Reform] et le contrôle de l’immigration et un projet de loi non abouti en 2013, qui incluaient tous deux une voie vers la citoyenneté pour de nombreux sans-papiers, tout en consacrant des ressources importantes à la « sécurité » des frontières.

Examinée de près, une partie importante de la proposition de Biden sur l’immigration se concentre sur le postulat selon lequel s’attaquer aux causes profondes des problèmes de l’Amérique centrale réduira le flux des émigrants vers la frontière des Etats-Unis. Selon ses propres termes, le plan Biden promet de promouvoir « l’État de droit, la sécurité et le développement économique en Amérique centrale » afin de « s’attaquer aux facteurs clés » contribuant à l’émigration. Cependant, dans ce langage flou, se cachent des objectifs bipartisans de longue date de Washington qui devraient sembler familiers à ceux qui y ont prêté attention ces dernières années.

Leur spécificité : des millions de dollars d’« aide » doivent être versés pour améliorer les forces militaires et policières locales afin de protéger un modèle économique basé sur l’investissement privé et l’exportation des profits. Surtout, les privilèges des investisseurs étrangers ne doivent pas être menacés. Il se trouve que c’est le modèle même que Washington a imposé aux pays d’Amérique centrale au cours du siècle dernier, un modèle qui a laissé ses terres corrompues, violentes et appauvries, et qui a donc continué à déraciner les Centraméricains et à les faire fuir vers les États-Unis.

Un autre élément essentiel du plan de Biden, comme de ceux de ses prédécesseurs, est de contraindre le Mexique et le Guatemala à servir de mandataires pour l’achèvement du mur qui n’est que partiellement construit le long de la frontière sud des États-Unis et dont les présidents, de Bill Clinton à Donald Trump, ont fait avec fierté la promotion.

Si le modèle économique qui se cache derrière le plan de Biden est effectivement ancien, la tentative de sous-traiter l’application de la législation étatsunienne sur l’immigration à des forces militaires et policières mexicaines et centraméricaines s’est avérée être un tournant nettement plus moderne de la politique frontalière.

Externalisation de la frontière (de Bush à Biden)«  »

L’idée que la politique d’immigration puisse être externalisée a commencé bien avant que Donald Trump ne menace notoirement, à la mi-2019, d’imposer des droits de douane sur les produits mexicains pour faire pression sur le nouveau président (Andrés Manuel López Obrador) de ce pays afin qu’il accède à sa demande de collaboration avec le programme anti-immigration de Washington. Cela comprenait, bien sûr, la politique controversée de Trump consistant à « restez au Mexique », ce qui a continué à y immobiliser des dizaines de milliers de demandeurs d’asile.

Pendant ce temps, depuis près de deux décennies, les États-Unis intimident (et financent) les forces militaires et policières situées au sud de leurs frontières pour faire respecter leurs priorités en matière d’immigration, transformant effectivement les frontières des autres pays comme une extension de celles des États-Unis. Dans ce processus, les forces de « sécurité » du Mexique ont été régulièrement déployées à la frontière sud de ce pays, et celles du Guatemala à sa frontière avec le Honduras, tout cela pour faire respecter violemment les politiques d’immigration de Washington.

Cette externalisation était, en partie, une réponse aux succès du mouvement de défense des droits des immigrants aux Etats-Unis. Les dirigeants étatsuniens espéraient échapper à l’examen juridique et aux protestations dans leur pays en faisant en sorte que le Mexique et l’Amérique centrale appliquent les pires aspects de leurs politiques.

Tout a commencé avec l’Initiative de Mérida [capitale de l’Etat du Yucatan] en 2007, un plan lancé par George W. Bush qui prévoyait l’affectation de milliards de dollars à l’équipement militaire, à l’aide et aux infrastructures au Mexique (des montants moins importants allant à l’Amérique centrale). L’un de ses quatre piliers était la création d’une « frontière du XXIe siècle » en poussant le Mexique à militariser sa frontière sud. En 2013, Washington avait financé 12 nouvelles bases militaires le long de cette frontière avec le Guatemala et un « cordon de sécurité » de 100 miles [161 km] au nord de celle-ci.

En réponse à ce qui était considéré comme une crise des enfants migrants à l’été 2014 (cela rappelle la situation actuelle), le président Barack Obama a encore fait pression sur le Mexique pour qu’il lance un nouveau programme à sa frontière sud. Depuis lors, des dizaines de millions de dollars par an ont été consacrés à la militarisation de cette frontière et le Mexique a rapidement détenu des dizaines de milliers de migrants chaque mois. Il n’est pas surprenant que les déportations et les violations des droits de l’homme à l’encontre des migrants d’Amérique centrale aient connu une hausse spectaculaire. « Notre frontière aujourd’hui est en fait la frontière du Mexique avec le Honduras et le Guatemala », a exulté en 2019 l’ancien tsar des frontières d’Obama, Alan Bersin [responsable du Customs and Border Protection de mars 2010 à décembre 2011]. Un activiste local était moins optimiste, affirmant que le programme « a transformé la région frontalière en une zone de guerre ».

Le président Trump a fanfaronné et intimidé le Mexique et divers pays d’Amérique centrale bien plus ouvertement que les deux présidents précédents, tout en élevant ces politiques à de nouveaux niveaux. Sous ses ordres, le Mexique a constitué une nouvelle Garde nationale militarisée et a déployé 12 000 de ses membres à la frontière guatémaltèque, alors même que les financements de Washington ont permis de créer des infrastructures de haute technologie le long de la frontière sud du Mexique, rivalisant avec celles de la frontière des Etats-Unis.

Trump a appelé à réduire l’aide à l’Amérique centrale. Pourtant, sous sa direction, la plupart des 3,6 milliards de dollars alloués par le Congrès ont continué à y être versés, dont environ la moitié pour renforcer les unités militaires et policières locales. Trump a cependant retenu temporairement les fonds d’aide non militaires afin de contraindre le Guatemala, le Honduras et le Salvador à signer des accords de « pays tiers sûrs » qui permettraient aux États-Unis d’expulser vers ces mêmes pays des personnes ayant présenté des demandes d’asile valables.

Trump a également exigé que le Guatemala renforce la sécurité le long de sa frontière méridionale « pour endiguer le flux de migration irrégulière » et « intègre des fonctionnaires du service des douanes et de la protection des frontières et du service de l’immigration des États-Unis pour conseiller et encadrer les homologues de la police, de la sécurité des frontières, de l’immigration et des douanes du pays hôte ». Une fois que les pays d’Amérique centrale ont plié face aux exigences de Trump, l’aide a été rétablie.

En février 2021, le président Biden a suspendu ces accords avec les « pays tiers sûrs », mais il est manifestement prêt à continuer à externaliser la surveillance des frontières au Mexique et en Amérique centrale.

L’autre facette de la militarisation : le « développement économique »

Alors que les administrations démocrates et républicaines ont externalisé une réponse militarisée à l’immigration, elles ont également cherché à vendre leur programme en promettant une aide au développement économique de l’Amérique centrale. Cependant, elles ont constamment encouragé le type même d’aide qui, historiquement, a accru la violence et la pauvreté dans la région – et a donc conduit directement à la crise des migrant·e·s d’aujourd’hui.

Le modèle que Washington continue de promouvoir repose sur l’idée que, si les gouvernements d’Amérique centrale peuvent séduire les investisseurs étrangers en améliorant les infrastructures, en accordant des allégements fiscaux et en affaiblissant les lois sur l’environnement et le travail, le « marché libre » fournira les investissements, les emplois et la croissance économique qui (en théorie) empêcheront les gens de vouloir migrer. Cependant, au cours de l’histoire tourmentée de l’Amérique centrale, c’est exactement le contraire qui s’est produit. Les investissements étrangers ont afflué, désireux de profiter des terres fertiles, des ressources naturelles et de la main-d’œuvre bon marché de la région. Cette forme de développement – qu’il s’agisse de soutenir les plantations de bananes et de café au XIXe siècle ou les exploitations sucrières, cotonnières et d’élevage après la Seconde Guerre mondiale – a conduit l’Amérique centrale à ses révolutions des années 1980 et à sa migration massive vers le Nord aujourd’hui.

Cette forme de développement s’appuie sur des gouvernements militarisés pour déposséder les paysans, libérant ainsi les terres pour les investisseurs étrangers. De même, la force et la terreur sont utilisées pour maintenir une classe ouvrière bon marché et impuissante, permettant aux investisseurs de payer peu et de récolter des profits fantastiques. Ces opérations, à leur tour, ont entraîné la déforestation des campagnes, tandis que leurs exportations bon marché vers les États-Unis et d’autres pays ont contribué à encourager des modes de vie à forte consommation qui n’ont fait qu’accélérer le changement climatique – entraînant des conditions météorologiques toujours plus désastreuses, notamment l’élévation du niveau de la mer, des tempêtes plus intenses, des sécheresses et des inondations qui ont encore sapé les moyens de subsistance des populations paupérisées d’Amérique centrale.

Dès les années 1970, nombre de ces travailleurs et paysans pauvres ont réclamé une réforme agraire et des budgets d’investissement en faveur des droits fondamentaux tels que l’alimentation, la santé et l’éducation, au lieu d’enrichir encore plus les élites locales et étrangères. Lorsque les protestations pacifiques se sont heurtées à la violence, la révolution a suivi, même si elle n’a triomphé qu’au Nicaragua.

Washington a passé les années 1980 à tenter d’écraser la révolution victorieuse du Nicaragua et les mouvements révolutionnaires contre les gouvernements militaires de droite du Salvador et du Guatemala. Les traités de paix des années 1990 ont mis fin aux conflits armés. Mais ils n’ont jamais donné de réponse aux divisions sociales et économiques fondamentales qui les sous-tendaient. En fait, la fin de ces conflits n’a fait qu’ouvrir les vannes régionales à de nouveaux investissements étrangers massifs et à des booms d’exportation. Il s’agissait, entre autres, de l’extension des usines à bas salaires centrées sur les exportations (maquiladoras) et de la culture de nouveaux fruits et légumes « non traditionnels » orientés de même vers l’exportation. Avec, parallèlement, un boom des industries extractives comme l’or, le nickel et le pétrole, sans parler de la création de nouvelles infrastructures pour le tourisme de masse.

Dans les années 1980, les réfugiés ont commencé à fuir vers le Nord, notamment depuis le Salvador et le Guatemala, alors déchirés par la guerre, la répression et la violence des paramilitaires locaux et des escadrons de la mort. Le semblant de paix des années 1990 n’a en rien mis fin à la pauvreté, à la répression et à la violence. Les forces armées étatiques et privées ont assuré la « sécurité », mais uniquement pour les élites et les nouveaux mégaprojets urbains et ruraux qu’elles parrainaient.

Si un gouvernement menaçait d’une manière ou d’une autre les bénéfices des investisseurs, comme lorsque le Salvador a déclaré un moratoire sur les licences d’exploitation minière, l’accord de libre-échange d’Amérique centrale, parrainé par les Etats-Unis, permettait aux sociétés étrangères de poursuivre le gouvernement et de le contraindre à se soumettre à un arbitrage contraignant par un organisme de la Banque mondiale. Au cours des années Obama, lorsque le président élu et réformateur [Manuel Zelaya] du Honduras a tenté de mettre en œuvre des améliorations en matière de travail et d’environnement, Washington a donné son aval à un coup d’État et s’est réjoui lorsque le nouveau président [Roberto Micheletti] a fièrement déclaré le pays « ouvert aux affaires » avec un ensemble de lois favorisant les investisseurs étrangers.

Le journaliste David Bacon a qualifié la nouvelle orientation du pays de « modèle économique basé sur un salaire de misère » qui n’a fait que favoriser la montée des gangs, du trafic de drogue et de la violence. Les protestations ont fait l’objet d’une répression féroce, alors même que l’aide militaire des Etats-Unis affluait. Avant le coup d’État, les Honduriens ne constituaient qu’une petite fraction des migrants d’Amérique centrale à destination des États-Unis. Depuis 2009, ils sont souvent devenus prédominants parmi ceux qui ont été forcés de fuir leurs maisons et de se diriger vers le Nord.

En 2014, l’Alliance pour la prospérité du président Obama a offert une nouvelle série d’aides au développement économique axé sur les investisseurs. La journaliste Dawn Paley a caractérisé cette Alliance comme étant en « grande partie un plan de construction de nouvelles infrastructures qui bénéficieront aux sociétés transnationales », y compris « des allégements fiscaux pour les investisseurs et la construction de nouveaux pipelines, d’autoroutes et de lignes électriques pour accélérer l’extraction des ressources et rationaliser le processus d’importation, d’assemblage et d’exportation dans des maquiladoras à bas salaires ». L’un des projets majeurs était un nouveau gazoduc destiné à faciliter les exportations de gaz naturel étatsunien vers l’Amérique centrale.

C’est Obama qui a supervisé la reconnaissance par Washington du coup d’État au Honduras. C’est Trump qui a détourné le regard lorsque le Guatemala en 2019 et le Honduras en 2020 ont expulsé les commissions internationales de lutte contre la corruption. Et c’est Trump qui a accepté de minimiser l’accumulation des accusations de corruption et de trafic de drogue contre son ami, le président hondurien Juan Orlando Hernández [en fonction depuis janvier 2014], tant qu’il promouvait une économie favorable aux investisseurs et acceptait de collaborer avec le programme anti-immigration du président des Etats-Unis.

La caravane de janvier 2021 marque l’arrivée des années Biden

Tout indique que les années Biden vont poursuivre ce qui est devenu la norme de Washington en Amérique centrale : externaliser la politique d’immigration, militariser la sécurité sur place et promouvoir un modèle de développement qui prétend dissuader la migration tout en l’alimentant. En fait, la proposition du président Biden prévoit 4 milliards de dollars sur quatre ans à distribuer par le Département d’État et l’Agence américaine pour le développement international (USAID). Ce décaissement serait toutefois conditionné par les progrès accomplis dans la réalisation d’objectifs approuvés par Washington, tels que « l’amélioration de la sécurité des frontières », « l’information des citoyens sur les dangers du voyage vers la frontière sud-ouest des États-Unis » et « la résolution des litiges impliquant la confiscation de biens immobiliers d’entités étatsuniennes ». Des ressources importantes seraient également consacrées au développement de la technologie frontalière « intelligente » dans cette région et aux opérations de la Border Patrol en Amérique centrale.

Un avant-goût de la manière dont tout cela est susceptible de fonctionner est apparu juste au moment où Biden a pris ses fonctions en janvier 2021 [voir l’article publié sur ce site le 20 janvier 2021].

L’un des résultats prévisibles de l’externalisation du contrôle de l’immigration par Washington est que le voyage des migrant·e·s en provenance d’Amérique centrale est devenu de plus en plus coûteux et périlleux. En conséquence, certains migrants ont commencé à se rassembler en grandes « caravanes » publiques pour se protéger. Leur objectif : atteindre la frontière des Etats-Unis en toute sécurité, se présenter à la patrouille frontalière [Border Patrol] et demander l’asile. Fin janvier 2021, une caravane de quelque 7500 Honduriens est arrivée à la frontière guatémaltèque dans l’espoir que le nouveau président à Washington annulerait, comme promis, la politique controversée de Trump consistant à être immobilisés au Mexique et à procéder à des internements apparemment sans fin dans des camps surpeuplés et inadaptés juste avant le territoire des États-Unis.

Ils ne savaient pas que Biden allait, en fait, poursuivre l’externalisation de la politique d’immigration de ses prédécesseurs vers le Mexique et l’Amérique centrale. En fait, 2000 policiers et soldats guatémaltèques armés de gaz lacrymogènes et de matraques (armés, entraînés et soutenus par les États-Unis) se sont massés à la frontière entre le Guatemala et le Honduras pour les repousser.

Un ancien fonctionnaire de Trump (maintenu à son poste par le président Biden) a tweeté que le Guatemala avait « assumé ses responsabilités de manière appropriée et légale ». Le gouvernement mexicain, lui aussi, a fait l’éloge du Guatemala alors qu’il massait des milliers de ses troupes à sa propre frontière sud. Et Juan González, le directeur du Conseil de sécurité nationale de Biden pour l’hémisphère occidental, a loué la « gestion du flux de migrants » par le Guatemala.

À la mi-mars, le président Biden a semblé lier une réponse positive à la demande du Mexique d’une partie du surplus de vaccins Covid-19 de Washington à de nouveaux engagements en matière de répression des migrants. L’une des demandes était que le Mexique suspende ses propres lois garantissant des conditions de détention humaines pour les familles avec de jeunes enfants. Or, aucun des deux pays n’avait pris les dispositions aptes à offrir de telles conditions au grand nombre de familles détenues à la frontière au début de l’année 2021. L’administration Biden a préféré faire pression sur le Mexique pour qu’il ignore ses propres lois, afin de pouvoir expulser un plus grand nombre de ces familles et de garder le problème hors de la vue du public américain.

Fin janvier 2021, le CISPES s’est joint à une large coalition d’organisations de paix, de solidarité et de travail qui a demandé à l’administration Biden de repenser ses plans pour l’Amérique centrale. « Les crises croisées auxquelles sont confrontées des millions de personnes en Amérique centrale sont le résultat de décennies de répression étatique brutale des mouvements démocratiques par des régimes de droite et de la mise en œuvre de modèles économiques conçus pour bénéficier aux oligarques locaux et aux sociétés transnationales », écrit le CISPES. « Bien trop souvent, les États-Unis ont été une force déterminante derrière ces politiques, qui ont appauvri la majorité de la population et dévasté l’environnement. »

Cette coalition a appelé Biden à rejeter l’engagement de longue date de Washington en faveur d’une sécurité militarisée liée à la création et au renforcement d’économies extractives favorables aux investisseurs en Amérique centrale. « Faire face aux flux migratoires exige de repenser totalement la politique étrangère des Etats-Unis », a insisté le CISPES. À la mi-mars, le président Biden n’avait répondu d’aucune manière à cet appel. N’attendez pas trop une telle réponse.

(Article publié sur le site TomDispatch, le 30 mars 2021 ; traduction rédaction A l’Encontre)

Aviva Chomsky

Aviva Chomsky est une historienne américaine, professeure à l’Université de Salem (Massachussetts). Spécialiste de l’histoire du travail dans les espaces latino-américains, elle a notamment contribué à façonner une histoire connectée, puis une histoire globale du travail, en étudiant les migrations du travail entre l’Amérique du Sud et les Etats-Unis. Elle a surtout contribué à travailler à rapprocher l’historiographie des mondes du travail de l’histoire environnementale lors de la publication d’un ouvrage remarqué en 2008 : Linked Labor Histories : New England, Colombia, and the Making of a Global Working Class.

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