Les révélations médiatiques se multiplient après la découverte de comptes suisses millionnaires appartenant à l’ex-trésorier du PP (droite), Luis Bárcenas, accusé de délits contre le fisc et de subornation. Bárcenas avait déjà été au centre de plusieurs scandales de corruption liés à de hauts dirigeants du PP. Ont été aussi dévoilés des salaires additionnels non déclarés au fisc par des dirigeants de ce parti, dont l’actuel Président du gouvernement Mariano Rajoy. L’indignation est grande.
Mais, plus encore, la réduction des services publics s’est accompagné de privilèges accordés à des entreprises privées liées à des hommes du PP qui profitent des privatisations. Il en est de même dans des zones dirigées par le PSOE, où des entreprises liées à des personnalités de ce parti gèrent la sous-traitance de services octroyés par l’administration publique. En plus, les énormes sommes versées aux banques pour les sauver se sont combinées avec les exonérations fiscales pour les hauts revenus. La corruption est un élément de ce puzzle de privilèges, où fusionnent des fractions de la bourgeoisie financière et industrielle avec la caste politique.
Un système parasitaire
L’accumulation par dépossession, alimentée par l’expropriation constante des classes laborieuses telle qu’évoquée par David Harvey, montrent quelques traits particuliers dans l’État espagnol. Entre autres, celle d’un modèle urbain spéculateur et prédateur de l’environnement. Ce modèle a encensé l’enrichissement individuel et la vente du patrimoine naturel et a constitué une source d’enrichissement pour des mairies et des réseaux de l’immobilier, de promoteurs, de banques et partis politiques. Cet « enrichissez-vous » a entraîné une corruption politique légalisée.
Il ne suffit donc pas de dénoncer l’immoralité de quelques dirigeants politiques ni de demander leur démission et de nouvelles élections. Il faut dénoncer toute la logique parasitaire des politiques néolibérales et leur matrice culturelle, le pillage de ce qui est public pour le profit privé. Il faut dire aussi que, autant en ce qui concerne la corruption institutionnelle que la gestion de la dette, les licenciements ou les services publics, la question est « qui décide ? ». Il faut une gauche qui mette au centre la question de la rupture.
Renverser le consensus institutionnel
Face à l’offensive néolibérale, le sentiment défensif du monde du travail est très fort et le développement de la conscience politique est très limité. Cela profite à des courants populistes, comme UPyD, et à la gauche réformiste (Izquierda Unida, coalition autour du PCE) qui participent maintenant à de nombreux gouvernements municipaux et autonomistes (en Catalogne il y a quelques années et maintenant en Andalousie) en alliance avec le PSOE, où ils appliquent des politiques d’austérité.
Mais le bipartisme du PSOE-PP, artisan de l’architecture économique de la bulle spéculative, s’use. Les consensus institutionnels se fissurent, ainsi que la légitimité de toutes les institutions issues de la réforme du système franquiste et de la Constitution de 1978, de la magistrature à la Couronne. Cette crise s’accélère avec la question nationale en Euskadi et en Catalogne, où les attaques contre les services publics accélèrent les tensions dans le modèle territorial.
Il s’agit de partir des luttes pour tisser des alliances avec des secteurs capables de développer une alternative politique mettant en avant le renversement de toute l’architecture institutionnelle au service de l’oligarchie politique et économique.
Jesús Rodríguez est membre d’Izquierda Anticapitalista.
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 182 (14/02/13).