Il tente de justifier le maintien du projet en semant la discorde et en effectuant un partage entre les « bons régionaux » et les « méchants urbains », entre vrais Québécois qui comprennent les enjeux du développement régional par l’exploitation de la filière de la petite hydraulique et les autres, les « dogmatiques » de la protection de l’environnement qui semblent refuser d’entrer dans le monde moderne.
Monsieur Généreux se plait à associer la Fondation Rivières à de puissantes « forces occultes » ayant trouvé oreille auprès du gouvernement Marois pour faire tomber le programme des petites centrales hydroélectriques. Dans le dossier Val-Jalbert, à en juger par l’entêtement et les curieux gestes du gouvernement devant lesquels on ne peut que demeurer bouche-bée d’incompréhension, les forces d’inertie semblent en ce moment pencher du côté de ceux qui recourent au dénigrement et aux diverses formes d’accusations de désinformation. Pourquoi ne pas débattre avec des arguments de fond et une recherche de solutions réellement gagnantes ?
Le président de la FQM a déclaré à maintes reprises que nous sommes des « intégristes environnementaux ». Il nous qualifie même de « Plateaupithèques » (sic), alors que notre conseil d’administration est composé majoritairement de personnes vivant hors de Montréal. Il s’agit d’un mépris adressé non seulement aux membres et milliers de citoyens qui nous témoignent de leur appui depuis plus de dix ans partout au Québec, aux 150 000 citoyens regroupés dans près de 500 organismes environnementaux fédérés québécois ayant demandé publiquement à la Première Ministre l’abolition du programme des petites centrales, dont celui de Val-Jalbert, mais aussi à tous les membres de trois partis politiques nationaux exigeant l’arrêt de ce projet.
Nous réprouvons aussi les tactiques politiques initiées la semaine dernière par le député péquiste de Roberval, Denis Trottier, pour détourner à l’avantage des élus régionaux le processus démocratique de l’Assemblée nationale.
Le 19 février dernier, une pétition conforme et en règle de 5 448 noms, parrainée par le député Amir Khadir, a été déposée à l’Assemblée nationale pour demander la reconnaissance et la protection de la chute Ouiatchouan, de renommée internationale, et l’arrêt du projet.
Le député Trottier, s’est ensuite rapidement mis à la tâche de donner une « lecture » différente de la pétition et d’établir le profil géographique des pétitionnaires. Il affirme que seulement 471 (8,6%) des 5 448 signataires étaient des citoyens de la région. Après ses vérifications statistiques, le député a questionné la « représentativité régionale » de la pétition.
Dans quel but détourne-t-il le sens de cette pétition ? Pourquoi ne représente-t-il pas les véritables intérêts de la majorité de la population qui s’oppose au projet selon les deux derniers sondages scientifiques tenus dans la région ?
D’autre part, considérant que la région compte pour moins de 4 % de la population québécoise, et que la fréquentation du site est composée surtout de visiteurs provenant de l’extérieur de la région (86 %), 8,6 % de signataires régionaux à la pétition est très représentatif de l’origine des visiteurs. Une étude de clientèle menée en 2008, démontrait bien d’ailleurs toute la notoriété du site touristique. Elle révèle que les visiteurs provenaient à plus de 86 % de l’extérieur de la région et à près de 80 % du Québec.
Le site de Val-Jalbert est un site patrimonial classé par le ministère de la Culture, en 1996. Sa notoriété dépasse largement la région et il est d’intérêt national. Tous les Québécois et Québécoises ont un donc mot à dire concernant son avenir. Plusieurs l’ont fait en signant cette pétition.
Finalement, le député questionne le fait que certaines signatures provenaient de l’extérieur du Québec, principalement du continent européen. Même si les critères de recevabilité pour une pétition sur le site de l’Assemblée nationale doivent être améliorés, cela démontre un réel intérêt à l’étranger pour le site. Selon l’étude citée, les quelques 20 % de l’extérieur du Québec venaient du Canada (2 %) et des États-Unis (4 %), mais surtout d’autres pays (14 %).
La Fondation Rivières désire sincèrement apporter des solutions pour un développement économique régional qui s’avèreraient gagnantes pour tous.
Le projet doit d’abord être arrêté immédiatement par le gouvernement, puis les promoteurs et les sous-traitants voir leurs dépenses remboursées. Le paysage visuel, la rivière et ses chutes exceptionnelles doivent ensuite être protégés de manière permanente. Ce pourrait être sous la forme d’une réserve aquatique, assortie d’un statut de protection de paysage culturel patrimonial, comme le permet la nouvelle Loi sur le patrimoine culturel.
Comme ce type d’aire protégée permettrait à l’ensemble des Québécois d’améliorer leur bilan environnemental, la MRC-Domaine-Du-Roy, propriétaire du site touristique, en échange de la protection du cours d’eau, pourrait être compensée financièrement à hauteur des profits nets annuels autour de 1 million $ initialement prévu avec le projet de centrale.
La MRC pourrait ainsi, en collaboration avec le comité interministériel présidé par le ministre Sylvain Gaudreault chargé de trouver des solutions structurantes, créer un Fonds d’investissements pour des projets régionaux rassembleurs et créateurs d’emplois. Une partie de ce fonds pourrait prioriser des redevances annuelles à la Corporation du Parc régional de Val-Jalbert afin d’en assurer sa survie à long terme et améliorer les retombées touristiques régionales déjà très importantes pour la région.
Avec ce plan, la perte anticipée de 80 M $ sur 20 ans pour Hydro-Québec et qui aurait été facturée aux consommateurs d’électricité serait réduite à 20 M $. Ce montant demeurerait dans la région et créerait beaucoup plus d’emplois permanents qu’une petite centrale hydroélectrique.
Pierre Leclerc est administrateur à la Fondation Rivières