La donnée principale de la journée est que le Parti populaire (PP), bien qu’il ait obtenu plus de 6 millions de voix (1er parti en voix) a perdu 2,5 millions voix par rapport aux élections municipales précédentes. Il n’a battu le Parti socialiste (PSOE) que de 400 000 voix. Le PSOE lui-même a perdu 775 000 voix par rapport aux précédentes élections municipales, en dépit d’une augmentation significative de la participation.
Le deuxième fait est que le bipartisme sur lequel est basé le régime politique créé en 1978 a connu un revers majeur ; ces deux partis dépassent à peine 50% des votes (en regard des presque 80 % dans les élections municipales précédentes).
Le troisième élément est la forte irruption des candidatures d’Unité populaire (Candidaturas de Unidad Popular-CUP) soutenues par Podemos qui ont obtenu d’excellents résultats à Barcelone et à Madrid, mais aussi dans la ville de Cadix et plusieurs autres. De même que les Maras en Galicia dans différentes populations de Galice.
Ces succès remettent en question le monopole de la droite conservatrice – CiU à Barcelone, ou du PP ailleurs – des gouvernements des grandes villes.
Le quatrième élément est que les résultats de Podemos, ont été bons, dans les élections municipales comme dans les parlements régionaux, même s’ils restent en dessous des attentes d’une partie importante de la gauche. Dans le meilleur des cas il n’arrive qu’à être la troisième force.
De son coté, Ciudadanos, l’option pour la régénération du système construit depuis des conseils d’administration de certaines grandes entreprises, n’a pas obtenu les résultats escomptés.
Enfin, la Gauche unie (Izquierda Unida-IU) a perdu sa représentation institutionnelle dans tous les parlements des autonomies, sauf aux Asturies et en Aragon : son électorat a été absorbé par Podemos, ce qui constitue un échec sans précédent pour IU.
En termes de pouvoir politique institutionnel, l’effondrement du PP est encore plus élevé que ce qu’on constate à travers les suffrages exprimés. Le PP a perdu la majorité absolue en Cantabrie, Castille-La Manche et les communautés de Valence et de Madrid ; et il perd aussi leurs gouvernements en Aragon, Estrémadure et les îles Baléares. Pour l’instant, il ne détient le pouvoir qu’à La Rioja et Murcie et il n’est pas sûr de le garder à Castilla León.
Dans les élections municipales à Barcelone, Ada Colau (liste soutenue par Podemos) a obtenu 11 conseillers, CIU (droite nationaliste) : 10, Cidadanos : 5, et le PSC (Parti socialiste catalan) qui fait le pire score de son histoire : 4. A Madrid, Esperanza Aguirre (PP) obtient 21 conseillers face aux 20 de Manuela Carmena (soutenue par Podemos) et 9 du PSOE. Le PP n’arrivera pas à gouverner parce que la somme des conseillers de gauche est supérieure à ceux de la droite.
À Cadix, Kichi González, membre d’Anticapitalistas, a conduit la liste qui a obtenu 8 conseillers municipaux, contre l 10 pour Teofila Martinez du PP, qui perd donc sa majorité absolue. Cela signifie que l’ensemble de la gauche a plus de conseillers que la droite pour la première fois en deux décennies.
De la même manière, dans La Corogne et Saint Jacques de Compostelle, les Marées de l’Atlantique (Mareas Atlánticas) mettent en question le pouvoir de Feijó, le successeur possible de Rajoy à la tête du PP.
En essayant de faire une analyse partiale, Pedro Sanchez, leader du PSOE, a déclaré que les résultats « sont le début de la fin de Mariano Rajoy en tant que Premier ministre ». Ce que ne dit pas Sanchez est vers où doit changer le cap du pays. Son projet reste strictement libéral social. Pas étonnant que le prétendant socialiste pour remplacer Rajoy ait également voté la réforme de l’article 135 de la Constitution qui donne la priorité au paiement de la dette sur les dépenses sociales.
Sanchez se trompe s’il pense que la solution est une nouvelle édition de l’alternance entre les deux partis dynastiques. La défaite du PP est l’expression du rejet de la politique des coupes sociales et des remises en cause des droits et de la démocratie ; politiques qui ont conduit la majorité de la classe ouvrière et la majorité de la population dans une situation d’appauvrissement continu tandis que les élites se sont enrichies, avec comme résultat que la société espagnole est le plus inégale dans l’Union européenne.
Dans ces élections, Podemos et les candidatures de l’Unité Populaire (CUP) auxquelles il a participé, ont été consolidés comme outils pour permettre au peuple et aux classes travailleuses de s’exprimer. Le changement continue à avancer. Le message des urnes est clair : dehors le PP de toutes les institutions. Mais le défi pour Podemos et les CUP est d’approfondir ce changement pour atteindre la rupture démocratique et empêcher au PSOE de mettre en place une régénération cosmétique du vieux régime. Pour y arriver, Podemos et les CUP devraient d’abord éviter que le PP puisse gouverner, mais surtout ils doivent développer la mobilisation populaire au côté des organisations sociales et approfondir la réflexion programmatique et stratégique avec l’objectif de définir l’avenir et de promouvoir la participation active des citoyens dans les affaires publiques, en créant de nouvelles formes de décision populaire au niveau municipal et régional.
Comme c’est formulé dans la déclaration d’urgence des anticapitalistes après le 24 mai « le moment est venu d’ouvrir un vaste débat démocratique dans le mouvement populaire pour gagner les prochaines élections générales. Nous devons continuer à développer et organiser cette vague du changement, avec des assemblées ouvertes dans tous les coins de l’Etat. L’unité populaire, une rupture radicale avec la logique de la gestion de l’austérité, un engagement clair pour impliquer les personnes dans toutes les décisions qui nous attendent, notamment la politique de pactes, sont le moyen de gagner. » Telle est la tâche principale actuelle des Anticapitalistas dans l’État espagnol.
Manuel Garí, 25/05/2015