Brève réflexion ce matin sur deux phénomènes récents illustrant les conséquences imprévues à la conception d’un dispositif.
Le premier cas concerne une publicité du groupe Vidéotron, entreprise de câblodistribution et de téléphonie. On y voit deux parents et leur enfant, dans un décor sombre et vague pouvant ressembler à une salle d’interrogatoire ou même à une prison. Les parents annoncent au soulagement de leur enfant qu’ils lui accordent le droit de posséder son propre téléphone cellulaire (ou portable). L’enfant demande en échange, et les parents acquiescent, qu’on lui retire le bracelet de sécurité qu’il porte à la cheville. Vous savez, ce genre de bracelet qu’on impose aux détenus dangereux en sortie ou aux délinquants dont on veut garder la trace en tout temps.
C’est quand même formidable qu’une entreprise de télécommunication fasse elle-même la démonstration éclatante que le téléphone est une chaîne et non une libération reconnaissant clairement ce que j’écrivais déjà dans les années 90, que les esclaves et les prisonniers se promenaient autrefois avec un boulet, mais qu’aujourd’hui ils ont un téléphone.
Quelqu’un s’est peut-être avisé d’en toucher mot aux annonceurs, car il y a quelques jours que je ne vois plus cette publicité.
La seconde illustration est l’aveu de défaite anticipée par la première ministre ontarienne Kathleen Wynne à la suite de sondages défavorables presque une semaine avant les élections de demain 7 juin 2018. Reconnaître ainsi son échec avant même le vote consiste à accorder au sondage non plus le rôle de miroir de l’opinion, mais bien celui de guide dans la prise de décision, de sorte qu’on cherche à suivre les sondages qui nous disent comment agir plutôt que d’essayer de convaincre la population de voter pour ce qui serait le mieux pour elle.
On peut donc s’attendre à une déconfiture totale du parti de madame Wynne, car elle vient de dire aux électrices et aux électeurs : « Si vous voulez gagner, ne votez surtout pas pour moi. » Certes, elle n’a pas dit ces mots, mais c’est ce que l’on comprendra. Elle accrédite le principe qu’il faut voter pour gagner et non selon ses convictions, tordant ainsi totalement le rôle originel du sondage qui sert à informer des tendances pour le conformer à l’objectif de prédicteur du gagnant afin d’orienter le vote.
Si je me trompe dans mes prévisions pessimistes pour madame Wynne, on ne manquera pas de me le faire savoir et je serai très heureux de reconnaître mon erreur, mais je crains fort que la première ministre n’ait aggravé sa chute, victime d’un autre effet pervers.
LAGACÉ, Francis
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