Ce message qui fait suite à un communiqué conjoint publié le 12 mai 2021 par les trois Premières Nations, réitère leur intention de s’opposer à la construction d’un gazoduc et d’une usine de liquéfaction ainsi qu’au transport du gaz naturel liquéfié vers des marchés extérieurs. Parmi les raisons citées, on rappelle que le rapport du BAPE mentionne qu’il n’existe aucune garantie ni aucun moyen de s’assurer que le gaz naturel liquéfié produit par le complexe de liquéfaction servirait effectivement de substitut à des combustibles plus polluants dans les marchés d’exportation visés.
« Pour nos trois conseils de Premières Nations, c’est la goutte qui a fait déborder le vase, peut-on lire dans le message. Pour nous, la diminution globale des gaz à effet de serre (GES) par voie de substitution constituait le seul avantage des projets. Dans de telles conditions, pourquoi importer un combustible gazeux que plusieurs réprouvent et qui, une fois liquéfié, pourra être vendu n’importe où, sans qu’on n’obtienne la moindre garantie qu’il sera utilisé en substitut d’énergies fossiles comme le promettait initialement GNL Québec ? »
Les Innus rappellent que la quasi-totalité du gaz naturel que l’on voudrait acheminer à travers leurs territoires ancestraux provient de la fracturation hydraulique, procédé d’extraction dénoncé à travers le monde entier et qui, sur le plan environnemental, est dommageable et inacceptable. Ils affirment par ailleurs que GNL Québec a été incapable de remplir les trois conditions fixées par le gouvernement pour donner le feu vert aux projets : 1) acceptabilité sociale 2) réduction significative des émissions de GES dans le monde 3) accélération de la transition vers des énergies propres.
Pour une transcription intégrale du message des trois Premières Nations, veuillez consulter le PDF ci-joint ou utiliser le lien suivant vers les pages du journal Le Quotidien du 10 juillet 2021.
http://cahiers.lequotidien.com/cahiers_speciaux/2021/20210707/
La lettre
DOSSIER GNL QUÉBEC
Message des Innus à la population du Saguenay–Lac-Saint-Jean
Ce message des Innus de Mashteuiatsh, Essipit et Pessamit, portant sur la question de GNL Québec, est adressé à la population du Saguenay – Lac-Saint-Jean. Il fait suite au communiqué conjoint publié le 12 mai 2021 par les trois Premières Nations annonçant leur intention de s’opposer aux projets de GNL Québec, incluant la construction d’un gazoduc et d’une usine de liquéfaction ainsi que le transport du gaz naturel liquéfié vers des marchés extérieurs.
Kuei à nos voisins et amis du Saguenay – Lac-Saint-Jean,
En tant qu’occupants de ce territoire que nous appelons nitassinan, où nos ancêtres sont installés depuis des millénaires, nous détenons des droits ancestraux et des titres innus conférant à nos Premières Nations un caractère incontournable sur toute question affectant sa pérennité, l’usage qu’on en fait et les projets qu’on y planifie. Nous avons à cœur le développement socioéconomique de notre territoire et de la région que nous habitons et que nous léguerons à nos enfants. Notre vision d’un développement respectueux de l’environnement est partagée par plusieurs d’entre vous.
Une cause commune
En s’opposant à la réalisation des projets de GNL Québec, nos Premières Nations soutiennent une cause que la population du Saguenay – Lac-Saint-Jean elle-même a été parmi les premières à défendre au Québec, celle de la protection du territoire et, par voie de conséquence, de la planète tout entière. En cette époque de changement climatique, une telle protection implique en effet une approche globale, car ce qui nuit à l’environnement en un endroit a le potentiel d’affecter toute la planète et, donc nos territoires comme ceux des autres.
Un procédé archaïque
La quasi-totalité du gaz naturel que l’on voudrait acheminer à travers nos territoires provient de la fracturation hydraulique, procédé d’extraction dénoncé à travers le monde entier et qui, sur le plan environnemental, est dommageable et inacceptable. Souvenons-nous qu’en 2018, le gouvernement a décidé d’interdire la fracturation hydraulique partout au Québec et que la population adhérait fortement à cette mesure. On nous propose aujourd’hui de faire exécuter ce processus de fracturation hydraulique à l’extérieur de la province, comme si cela allait régler quoi que ce soit en matière de pollution globale et d’émission de gaz à effet de serre (GES).
Pas une ressource transitoire
Rappelons-nous également qu’en février 2018, le premier ministre François Legault déclarait qu’il n’y avait pas d’acceptabilité sociale pour un projet d’oléoduc au Québec qualifiant le pétrole qui y serait transporté « d’énergie sale » (sic). Aujourd’hui, on se rabat sur un projet de gazoduc et sur une forme alternative de combustible fossile également qualifiée de « sale », en prétendant qu’elle va servir de ressource transitoire vers des énergies propres. Mais rien n’est moins certain. Le rapport du BAPE nous rappelle qu’il n’existe aucune garantie ni aucun moyen de s’assurer que le gaz naturel liquéfié produit par le complexe de liquéfaction servirait effectivement de substitut à des combustibles plus polluants dans les marchés d’exportation visés.
Aucune certitude
Pour nos trois conseils de Premières Nations, c’est la goutte qui a fait déborder le vase. Pour nous, la diminution globale des GES par voie de substitution constituait le seul avantage des projets. Dans de telles conditions, pourquoi importer un combustible gazeux que plusieurs réprouvent et qui, une fois liquéfié, pourra être vendu n’importe où, sans qu’on n’obtienne la moindre garantie qu’il sera utilisé en substitut d’énergies fossiles comme le promettait initialement GNL Québec ?
Partenariat contesté
À ce sujet, on apprenait récemment que le terminal de regazéification du partenaire stratégique de GNL Québec, le groupe allemand Hanseatic Energy, est également contesté et risque fort bien de ne jamais voir le jour, car il ne s’inscrit pas dans l’effort nécessaire pour atteindre la carboneutralité en Allemagne. On note par ailleurs qu’un projet analogue à celui d’Hanseatic Energy Hub a été annulé en Europe suite au constat qu’il n’y avait pas assez de demande pour le gaz naturel liquéfié. À nous d’en tirer les conclusions qui s’imposent.
Trois conditions inatteignables
Pour vendre leurs projets à la population, les nombreux lobbyistes, avocats et experts en communication de GNL Québec n’ont cessé de faire des promesses qui sont tout bonnement irréalistes. Ils ont, par ailleurs, été incapables de remplir les trois conditions fixées par le gouvernement pour donner le feu vert aux projets : 1) acceptabilité sociale 2) réduction significative des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde 3) accélération de la transition vers des énergies propres.
Engagements sous toutes réserves
En matière d’engagements, le promoteur propose de faire des études, mais pas avant que les projets ne soient acceptés. Il dit vouloir étudier l’impact des activités de production et de transport sur la faune et les populations de bélugas. Il affirme que les navires ne feront pas de bruit, qu’ils vont aller lentement, qu’ils vont faire usage de remorqueurs d’escorte et que les procédures de navigation seront modifiées selon l’avancement de la science. Il prétend également qu’il va financer de la recherche pour le gaz naturel renouvelable (GNR) et lancer un appel d’offres pour le réemploi du CO2 que va produire l’usine. Il soutient également que ses opérations seront carboneutres. En clair, cela veut dire qu’une fois les projets acceptés, on va étudier le problème du GNR, on va essayer de trouver quelqu’un pour s’occuper des résidus de CO2 et on va tenter d’être carboneutre, objectif qui à la lecture du rapport du BAPE, est inatteignable.
Pas de marchés pour GNL Québec
Il devient de plus en plus clair que le gaz naturel liquéfié n’aura pas la cote au cours des années à venir. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), on peut s’attendre à une réduction d’au moins 55 % de l’utilisation du gaz d’ici les 30 prochaines années. Celle-ci conclut notamment que de nombreuses installations de liquéfaction de gaz naturel, actuellement en construction ou en cours de planification, ne sont plus nécessaires et qu’entre 2020 et 2050, les échanges de gaz naturel sous cette forme diminueront de 60 %.
On navigue dans le noir
Qu’adviendra-t-il si les projets de GNL Québec perdent de l’argent ; si les marchés ne sont pas à la hauteur de ses attentes ? Comme toute entreprise déficitaire, GNL Québec serait alors forcée de réduire ses coûts en coupant court aux études, aux mesures d’atténuation, aux programmes de sécurité et aux campagnes de sensibilisation, voire en procédant à des mises à pied ou à des réductions salariales et en faisant appel au soutien financier des gouvernements. Mais ses navires, eux, continueraient de naviguer sur le Fjord du Saguenay, notre patrimoine. Est-ce vraiment cela que nous voulons ?
Pourquoi faire pire quand on pourrait faire mieux ?
Notre position à l’égard des projets de GNL Québec est fondée sur une vision d’avenir : plutôt que d’importer de l’Alberta un carburant fossile produit à partir de la fracturation hydraulique pour en tirer du gaz naturel liquéfié dont le potentiel commercial est plus qu’improbable, pourquoi ne pas s’allier pour assurer un développement respectueux de l’environnement de notre territoire et de la région ?
Le Québec a entrepris un virage vers « l’énergie verte » et, partout, l’on voit poindre des fabricants de véhicules et d’équipements à propulsion électrique, de batteries à haute performance ainsi que des usines de production d’hydrogène (H2 V Énergies et Air Liquide à Bécancour) et une multitude d’entreprises affichant fièrement leur carboneutralité.
Alors que nous disposons ici même des ressources sur lesquelles va se fonder l’économie du futur (énergie hydroélectrique en quantité – notamment avec l’ajout imminent des 750 MW de la ligne Micoua-Saguenay, énergie éolienne, aluminium et métaux stratégiques, installations portuaires, centres de recherche, institutions d’enseignement, etc.), le Saguenay–Lac-SaintJean pourrait mener la marche vers une industrie verte qui, comme l’affirmait Barack Obama, va bientôt constituer le moteur de l’économie mondiale.
Déjà partenaires dans des projets régionaux tels que le parc éolien Rivière-du-Moulin, le parc éolien Apuiat, des projets d’énergie communautaire, et d’autres encore, nous pourrions initier, planifier et structurer ensemble des projets permettant de diversifier notre « économie verte », cohérente avec une saine vision d’avenir au bénéfice des générations futures.
Quelle victoire ce serait si Innus, Saguenéens et Jeannois s’unissaient afin de faire de notre région un leader en matière de production et d’utilisation d’énergie verte.
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