« Notre premier ministre nous dit qu’on ne doit pas mélanger les pommes, les oranges et les bananes. On le prend au mot : nos maisons d’hébergement ont besoin d’un programme de financement adapté à leur réalité », affirme Maud Pontel, coordonnatrice générale de l’Alliance MH2.
Actuellement, la Société d’Habitation du Québec (SHQ) évalue les projets de maisons d’hébergement pour femmes avec les mêmes grilles que pour les projets de logements sociaux. « C’est inadéquat, illogique et incompréhensible », poursuit madame Pontel, « nos projets requièrent des éléments non négociables : sécurité accrue, lieux de vie communs et agiles (espaces d’hébergement et espaces d’intervention, accueil de femmes avec ou sans enfant, durabilité des aménagements, etc.). C’est indéniable que ça a un impact sur le coût des projets ».
Pour un programme adapté à la réalité des femmes
Nous souhaitons que le premier ministre — qui a démontré son engagement envers la lutte contre la violence faite aux femmes et les féminicides en 2021 — s’investisse dans le dossier et crée un programme de financement spécifique pour le développement immobilier des maisons d’hébergement. Le programme actuel, pas adapté, vient de forcer l’arrêt de projets en Abitibi-Témiscamingue (2), à Montréal (2), à Québec et à Thetford Mines. Plusieurs autres projets sont menacés dans les Laurentides notamment. Des subventions fédérales totalisant plusieurs millions de dollars seront perdues si elles ne sont pas utilisées. En décembre dernier, l’Assemblée nationale adoptait d’ailleurs une motion rappelant l’engagement du gouvernement, il y a trois ans, à réaliser des unités additionnelles dans le réseau des maisons d’hébergement.
Des impacts majeurs sur toutes
L’abandon des projets a au premier chef des conséquences inquiétantes pour les femmes et les enfants victimes de violence conjugale, notamment dans le continuum de services qu’elles reçoivent.
« Quand une femme fuit son conjoint violent, c’est tout un parcours de la combattante qui commence pour réorganiser sa vie et faire valoir ses droits. », dit Louise Riendeau, du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale. « Les impacts de la violence conjugale sur elle et ses enfants sont nombreux, cela requiert du soutien et de l’accompagnement, dans un lieu adapté et sécuritaire. Si elle croit ne pas pouvoir trouver les ressources dans sa communauté pour traverser ces épreuves, elle risque d’hésiter à dénoncer ».
Ensuite, la situation actuelle fragilise l’existence des maisons d’aide et d’hébergement qui portent ces projets. Elles s’en sont fait garantir le financement par les gouvernements. Or, plusieurs assument les intérêts de prêts hypothécaires leur permettant d’amorcer les différents travaux, les frais d’architectes, les frais de décontamination des terrains, etc. Avec des projets stoppés, ils paient… pour rien.
Enfin, l’incohérence actuelle a à la fois un effet négatif sur la mobilisation des équipes qui s’investissent personnellement dans ces projets avortés et un effet sur la crédibilité des maisons d’aide et d’hébergement face à leurs donateurs.
« Plus que jamais, le gouvernement doit poser un geste fort et rapidement afin d’atteindre ses objectifs de développement de nouvelles maisons d’hébergement », martèle Mylène Bigaouette, de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes. « Le développement de nouvelles maisons est essentiel pour répondre aux besoins et assurer la sécurité des femmes victimes de violence et leurs enfants. Les projets qui sont rejetés ou stoppés, ça envoie un très mauvais signal ».
Il est encore temps d’agir, monsieur Legault !
À quelques jours de la Journée internationale du droit des femmes et du dépôt du budget du Québec, nous avons espoir que notre appel sera entendu par le premier ministre Legault. Nous devons aux femmes et à leurs enfants victimes d’hommes violents les bonnes ressources, au bon endroit et au bon moment. Elles ont non seulement droit à un nouveau départ dans la vie. Elles ont aussi le droit de se sentir en sécurité, au Québec.
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