Les panelistes : Véronique Hivon, députée du Parti québécois, Andrés Fontecilla, co-porte-parole de Québec solidaire, Sol Zanetti, chef d’Option nationale, Luc Thériault, député du Bloc québécois et Daniel Turp, professeur en droit international. Pierre Serré, politologue, président des IPSO, animait le débat. On trouvera dans les lignes qui suivent, non pas un verbatim, mais une synthèse, forcément incomplète, mais quand même substantielle, des propos échangés.
Véronique Hivon
Il faut faire sortir le génie dans la bouteille, génie enfermé par les partis. L’union des forces indépendantistes n’est pas la fusion, mais la mise en commun. La diversité du mouvement indépendantiste : une force.
L’arrivée de Pierre-Karl Péladeau a marqué un changement : le PQ n’a pas le monopole de la souveraineté. Finis les « appels aux brebis égarées », l’appel au retour vers le PQ. Il faut reconnaître la diversité des partis au sein du mouvement.
Son mandat à elle, au sein du PQ : responsable du rassemblement du mouvement indépendantiste. Elle le voit modestement. Une courroie de liaison. Elle souhaiterait qu’ON et QS aient chacun une personne responsable de la démarche de convergence mais elle ne veut pas imposer quoi que ce soit : chaque parti a son fonctionnement propre.
Il faut en parler avec nos propres membres qui sont peut-être plus avancés que nous sur la question. La société civile a un rôle de mobilisation, de cohésion, de rassemblement.
Comment on travaille ensemble ? D’abord rebâtir la confiance entre les joueurs. Travailler à la compréhension commune. L’appétit vient en mangeant. Faire ensemble, par exemple, des tournées dans les institutions d’enseignement pour parler d’indépendance. Avoir une feuille de route commune. Une démarche commune plutôt que d’approfondir nos points de divergence. S’entendre sur les étapes. S’entendre sur une constituante où la société civile jouerait un rôle majeur. Trouver un mécanisme pour faire élire le plus possible de députés indépendantistes.
Mme Hivon, en réponse à des questions
Il n’y a pas de condition préalable à la convergence sauf le respect mutuel.
On veut l’indépendance du Québec mais aussi l’indépendance des Québécois-es : ce que cela va changer positivement dans leurs vies.
La question de la réforme du mode de scrutin (et des institutions démocratiques) est un enjeu important de la convergence.
Andrés Fontecilla
D’accord pour trouver des lieux de dialogue. La convergence est souhaitable. Nous trouverons l’unité dans l’action.
Le mouvement souverainiste est fractionné. Environ 40% des Québécois-es sont souverainistes. J’aime bien être une brebis égarée qui cherche d’autres sentiers pour arriver à l’objectif. Les positionnements différents sont inévitables. Il faut distinguer ce qui est important dans nos différences et ce qui ne l’est pas vraiment. Il faut identifier certains aspects programmatiques qui sont communs. C’est un travail de dialogue permanent. La convergence ne doit pas porter que sur l’indépendance mais aussi sur d’autres aspects. Pour nous, l’indépendance implique aussi plusieurs changements politiques importants. Transformer la société. On ne veut pas une indépendance de façade. Dans quel type de pays voulons-nous vivre ? Une assemblée constituante en décidera, selon nous.
On peut dire que nos instances décisionnelles ne sont pas très chaudes à l’idée de discuter de convergence indépendantiste.
Feuille de route ? C’est un vocable approprié. On veut un projet de pays inclusif. Les IPSO ont un rôle à jouer pour renouveler l’argumentaire souverainiste avec une vision inclusive. Il faut faire preuve d’audace. Il faut développer le mouvement social non partisan. OUI Québec est un lieu important de convergence pour nous : la société civile y est.
M. Fontecilla, en réponse à des questions
La question du mode de scrutin est importante dans la recherche de la convergence.
Céder des sièges ? C’est une question névralgique. Comme nous sommes un plus petit parti (en nombre d’électeurs) que le PQ, par exemple, on ne veut évidemment pas systématiquement devoir céder la place. Cela n’aurait pas de sens pour nous. On l’a fait en 2008 où nous avons cédé la place aux Verts dans un comté. On l’a fait en 2012 en cédant la place à Jean-Marie Aussant d’ON dans Nicolet. Il y a alors eu échange mutuel d’appuis. Récemment dans St-Henri-Ste-Anne, QS a fait 21 % et le PQ 30%. Mais on ne peut pas tout simplement additionner ces deux pourcentages et dire qu’unis, un député indépendantiste aurait gagné. La politique, ce n’est pas de la simple arithmétique. Les électeurs ont des motivations variées. Il n’y a pas de déversement automatique vers l’autre parti en cas de désistement. S’il y a désistement, le parti qui bénéficie du désistement doit travailler fort pour capter l’intérêt des électeurs de l’autre parti qui s’est désisté, pour mériter l’appui des électeurs de l’autre parti, en étant sensible à ses attentes différentes.
Sol Zanetti
Les alliances sont nécessaires. Les obstacles au rapprochement sont idéologiques. Pour nous, la convergence a une condition : un engagement clair à réaliser l’indépendance.
Si on est indépendantiste, ce n’est pas normal de chercher à être élu sans vouloir faire l’indépendance. Il faut retrouver le sens de l’audace pour gagner.
On nous dit : oui... mais les libéraux vont gagner... Mais les libéraux seront présents aussi après l’indépendance ! Gouverner dans le contexte canadien actuel est un piège pour un parti souverainiste. Il ne faut pas tomber dans ce piège.
Seulement la moitié des Québécois souverainistes (20% sur un potentiel de 40%) ont voté Bloc aux dernières élections. Les autres ont voulu se débarrasser d’Harper. Ce n’est pas cela notre projet. C’est mission impossible de bien gérer une province si on est souverainiste.
D’accord pour une feuille de route, comme les Catalans, par exemple. On ne gagnera pas par un effet de surprise. Il faut prévoir, être clair, s’annoncer à l’avance. On va gagner par une mobilisation de masse. Une personne disait : si vous voulez faire l’indépendance dans 40 ans, rappelez-moi dans 39 ans. Rapidement, d’ici un an, il nous faut un engagement clair de convergence de la part des partis indépendantistes si on veut être prêts pour les élections de 2018.
ON appuie le projet Refondation du mouvement indépendantiste. Voir http://www.refondation.quebec/
M. Zanetti, en réponse à des questions
Une nouvelle constitution : on veut une constitution d’un pays, pas d’une province.
Il ne faut pas se contenter de parler des 92 blocages du fédéral mais présenter la chose positivement : voici ce qu’on pourra faire dans un Québec indépendant.
Luc Thériault
Même s’il n’y a pas de date d’expiration sur le projet d’indépendance, il faut bien réaliser que 2018, les élections, c’est demain. On a deux ans pour trouver des pistes de convergence. Il faut ventiler notre partisannerie.
Le PQ a longtemps été une coalition mais il s’est vidé progressivement de plusieurs appuis.
Nos partis fonctionnent au ralliement ou à l’exclusion.
C’est après l’indépendance que le vecteur gauche-droite prendra tout son sens. On ne voudra pas un parti unique après l’indépendance. QS, PQ, ON n’existeront probablement plus sous leur forme actuelle après l’indépendance.
Stratégie possible : un parti pourrait proposer un projet de société et dire à la population : pour le réaliser, il faut un budget de pays, on va en élections là-dessus.
M. Thériault, en réponse à des questions
Les candidats du Bloc aux dernières élections fédérales venaient du PQ, de QS et d’ON. On a eu une convergence de facto.
Daniel Turp
Bravo aux IPSO pour leur résilience depuis 1995.
Condition importante pour les alliances : le respect mutuel. Les invectives n’ont pas leur place. Il faut laisser de côté les vieilles rancunes. Ça vaut pour les militants de la base et les militants en chef. Il faut aussi respecter les membres de la société civile non partisane qui militent pour l’indépendance.
Les alliances doivent se faire en regardant attentivement les trois programmes qui ont bien des aspects en commun. Le processus d’avoir une assemblée constituante, il est dans les trois programmes. La feuille de route catalane pourrait être utilisée au Québec : le centre-gauche et le centre-droit s’y tiennent par la main.
D’accord avec Sol Zanetti, il faut un engagement clair. La population apprécie la conviction chez les politiciens.
D’accord avec Véronique Hivon : il serait souhaitable qu’ON et QS désignent un interlocuteur particulier dans ce dossier.
Symboliquement, je propose le premier juillet 2017 (150 ans du Canada) pour un engagement clair des trois partis dans le processus de convergence.
M. Turp, en réponse à des questions
Il faut faire l’effort de lire à fond les programmes des trois partis pour ne pas parler à travers nos chapeaux. Il faut se garder de l’espace de discussion pour après l’indépendance. Comme le propose QS, il faut discuter le projet de pays et un pays de projets.
Qui doit faire la mise au jeu de la convergence ? La société civile.
Il faut développer une culture de coalitions.
L’Écosse et la Catalogne ont tenu des campagnes très positives sur les avantages de l’indépendance : c’est cela qui rejoint les jeunes en particulier.
Cette soirée des IPSO avait été précédée, la veille, par une rencontre organisée par le OUI Québec au sujet de la Catalogne. On peut certes dire que la convergence est dans l’actualité et la soirée des IPSO a bien sustenté la réflexion à ce propos.