Édition du 17 décembre 2024

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Justin Trudeau à la COP 21 : Changement de ton ou de fond ?

Une chose est sûre avec le voyage de Justin Trudeau à la conférence des Nations Unis sur les changements climatiques (COP 21) qui se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre : il y fera un tabac médiatique.

Vainqueur de l’archi-conservateur Harper avec en prime un discours bon ton sur l’importance de combattre les changements climatiques, une attitude d’ouverture envers les premiers ministres provinciaux et les partis d’opposition, qu’il inclura d’ailleurs dans la délégation canadienne, Trudeau tranche spectaculairement avec l’obstructionnisme climatique du gouvernement précédant.

Pas de changement de fond

Mais est-ce un changement de ton ou de fond ? Les positions de Trudeau frappent par leur ambiguïté. Sur l’enjeu principal de la Conférence de Paris, soit l’adoption de cibles de réduction des gaz à effet de serre (GES), le Canada n’aura rien à dire de nouveau. Le seul engagement de Trudeau est d’adopter dans les 90 jours qui suivront la COP 21 de nouvelles cibles canadiennes en phase avec l’objectif de maintenir le réchauffement climatique en bas de 2 degrés Celsius. Autant dire qu’à Paris, Trudeau n’aura en main que le plan de réduction proposé par le gouvernement Harper au mois de mai dernier, un plan justement dénoncé comme étant scandaleusement insuffisant.

Quant à la question cruciale de ralentir l’expansion des sables bitumineux, les positions du chef du Parti Libéral du Canada sont franchement mauvaises. Il appuie la construction des pipelines Énergie Est et Kinder Morgan quitte à revoir le processus d’approbation pour les rendre « plus acceptables socialement ». De surcroît, Trudeau ne se cache point de soutenir le pipeline Keystone XL que vient de bloquer l’administration d’Obama. La présence fortement médiatisée de lobbyistes de Transcanada, le constructeur des oléoducs Énergie Est et Keystone XL, dans l’entourage immédiat du premier ministre ne serait pas étrangère à cette position favorable à « la mise en marché du pétrole issus des sables bitumineux « .

D’ailleurs, plus de 100 groupes environnementaux et communautaires viennent de publier une lettre ouverte demandant à Trudeau d’arrêter l’examen actuel de Kinder Morgan et d’Énergie Est avant la conférence de Paris car il ne tient pas compte de l’impact climatique des oléoducs. (Voir : http://www.greenpeace.org/canada/Global/canada/pr/2015/11/CP-lettre-au-PM-ONE-fr-rm.pdf )

Les carences dramatiques de la COP 21

Les ambiguïtés du nouveau premier ministre du Canada font de lui une vedette taillée sur mesure pour la COP 21. En effet, les cibles de réduction des GES annoncées par 146 des 195 états participant à la conférence de Paris ne parviendront, de l’aveu même des Nations Unis, qu’à maintenir le réchauffement climatique à 2,7 degrés Celsius d’ici la fin du siècle. Ceci est bien loin de l’objectif de 2 degré maximum recommandé par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l ‘évolution du climat (GIEC). De plus, ces engagements n’étant que volontaires plusieurs experts prévoient un scénario de catastrophe ou le réchauffement climatique dépasserait les 3 C avec des conséquences gravissimes pour la planète.

Sur le dossier capital de l’exploitation des hydrocarbures, l’accord de Paris ne fera aucune allusion à la recommandation scientifique de garder 80% des réserves connues d’hydrocarbure sous terre pour sauver le climat. Par contre, l’on peut s’attendre à ce que les marchés du carbone, si prisés par les entreprises et les états industrialisés, soient mis au diapason. On est bien loin de l’objectif tant claironné par l’ONU de conclure le premier accord universel, applicable dès 2020, pour limiter la hausse des températures sous la barre des 2 C.

D’ailleurs l’objectif de 2C est lui-même remis en question par les états les plus vulnérables de la planète. À la veille de la conférence, 104 états appuyés par plusieurs organisations environnementales et sociales demandent de tout mettre en œuvre afin de stopper la hausse du thermomètre mondial à 1.5C par rapport à l’ère préindustrielle. Selon ces pays, seule une telle cible pourrait empêcher une hausse catastrophique du niveau des mers qui menacerait un milliard de personnes.

Mobilisation sociale ici et dans le monde

Les carences dramatiques de la COP 21 interpellent les mouvements sociaux. Tout en considérant ces négociations comme une étape nécessaire mais loin d’être suffisante, la principale coalition citoyenne mise sur pied à l’occasion de la COP 21, appelle à profiter du rayonnement médiatique de la conférence de l’ONU pour lancer un mouvement fort et durable pour la justice climatique.

L’appel de la Coalition Climat 21 à organiser une marche mondiale sur le climat à la veille des négociations de Paris a été entendu. De grandes marches sont prévues le 28 et 29 novembre tant à Paris que dans une cinquantaine de grandes villes du monde entier. Ici même, une mobilisation est prévue à Ottawa le 29 novembre sous le thème de « Marchons pour le climat, les solutions et la justice climatique ». ( Voir http://www.100possible.ca/fr/ )

Loin de baisser la garde face à Justin Trudeau et le processus plein de lacunes des Nations Unies, la marche d’Ottawa devrait annoncer la volonté des mouvements citoyens et environnementaux de redoubler d’ardeur sur le terrain en 2016. Plus que jamais, il est temps de paralyser l’expansion des sables bitumineux en bloquant les projets d’oléoducs et en exigeant que le Canada adopte des cibles ambitieuses de réduction des GES.

Roger Rashi, Montréal le 13 novembre 2015

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