Par le biais d’une déclaration envoyée aux autorités canadiennes, les organisations signataires ont rappelé à titre d’exemple que le Canada a été le premier pays à reconnaître formellement le gouvernement hondurien issu d’un coup d’État militaire en 2009. En échange, le Honduras a adopté une réforme institutionnelle favorisant l’investissement étranger et l’exploitation minière sur son territoire. Cette nouvelle législation est à l’image des lois minières canadiennes, qui sont parmi les plus laxistes du monde, expliquant pourquoi de 50% à 70% des investissements miniers en Amérique latine proviennent d’entreprises enregistrées à la bourse de Toronto.
Les organisations signataires affirment que ces mégaprojets d’extraction des ressources entraînent des déplacements forcés et créent un climat d’insécurité et de violence généralisée. Les peuples affectés sont dérobés de leurs moyens de subsistance, de leurs cultures et traditions. Il se voient donc obligés de quitter leurs territoires, à la merci des séquestrations, détentions, disparitions, agressions sexuelles et assassinats, les femmes étant particulièrement vulnérables à la violence de genre.
Les organisations signataires exhortent à la fin de l’impunité des entreprises canadiennes. Elles demandent que le gouvernement fédéral de Justin Trudeau prenne position et qu’il offre un refuge sécuritaire aux membres de ces dites caravanes de migrants, surtout compte tenu des menaces proférées par Donald Trump à l’encontre des personnes migrantes si elles arrivaient aux États-Unis.
La déclaration envoyée aux autorités canadienne peut être consultée ici : https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSfOKzEhGtZC0-xwByCZwU5_lr-TJPgAgKEVRWuEvzZzoJhi9g/viewform
Déclaration d’appui à la caravane de personnes migrantes
Ville de México, 7 novembre 2018 – Des membres de l’Alliance internationale des migrant.e.s (IMA) se sont réuni.e.s au Mexique du 5 au 7 novembre 2018 dans le cadre de sa 4e assemblée générale internationale. Nous, la délégation canadienne d’IMA formée d’organisations et collectifs de personnes migrantes, réfugiées et de leurs allié.e.s, exprimons notre solidarité aux membres des caravanes de migrant.e.s qui sont arrivées dans les derniers jours à la ville de México. Ces exodes massifs proviennent principalement du Honduras, mais aussi de plusieurs pays d’Amérique centrale.
Nous exprimons notre profonde préoccupation devant les graves dangers qui menacent les membres de cette caravane, mais aussi l’ensemble des personnes migrantes en Amérique latine. Des séquestrations, extorsions, détentions, disparitions, agressions sexuelles et assassinats ont été signalés, les femmes étant particulièrement vulnérables à la violence de genre. La délégation a visité le camp de réfugié.e.s où près de 5 000 personnes migrantes étaient entassées dans des conditions très précaires. Les réfugié.e.s ont quitté le stade tôt le matin du samedi 10 novembre en direction des États-Unis.
Les organisations signataires s’inquiètent également des menaces formulées par le président des États-Unis, Donald Trump, invoquant la militarisation de la frontière entre le Mexique et les États-Unis et des agressions physiques envers les membres de la caravane. Cela est en totale contradiction avec les obligations des états en termes d’accueil des personnes réfugiées.
Surtout, la délégation canadienne d’IMA déplore le silence de l’État canadien et de son Premier Ministre Justin Trudeau sur le sujet. Le Canada a une responsabilité particulière dans l’actuelle situation de crise sociopolitique du Honduras, de l’Amérique latine et de plusieurs autres régions du monde.
Par exemple, en 2009, peu de temps après le coup d’état militaire qui a délogé le gouvernement élu de Manuel Zelaya, des représentants de l’ambassade canadienne et des investisseurs canadiens ont rencontré le nouveau gouvernement putschiste de Lobo Sosa. Le Canada a été le premier pays à reconnaître formellement le nouveau gouvernement. En échange, le Honduras a adopté une réforme institutionnelle favorisant l’investissement étranger et l’exploitation minière sur son territoire, et la neutralisation de la contestation des communautés affectées par les projets extractifs et touristiques. Cette nouvelle législation est à l’image de la loi minière canadienne, qui est une des plus laxistes du monde, expliquant pourquoi 75% des entreprises minières du monde sont enregistrées au Canada. Un accord de libre-échange a ensuite été signé en 2013 entre les deux pays pour faciliter l’implantation de projets extractifs et touristiques canadiens, ce qui explique pourquoi de nos jours 90% des investissements miniers au Honduras somt canadiens.
Le cas du Honduras n’est qu’un exemple de la manière dont l’État canadien exerce des pressions économiques et politiques pour favoriser la destruction des territoires, spécifiquement ceux des communautés autochtones, paysannes et afro-descendantes, en Amérique latine et partout dans le monde. Ces méga projets d’extraction des ressources dérobent les peuples affectés de leurs moyens de subsistance, de leurs cultures et traditions. Ils entraînent des déplacements forcés, un climat d’insécurité, de persécution, ainsi que plusieurs formes de violences systémiques et individuelles telles que les disparitions, les viols et les assassinats.
Les organisations signataires souhaitent donc souligner le rôle déterminant du Canada dans ces exodes massifs en provenance de l’Amérique latine et du monde, où ses entreprises sont responsables des dommages précédemment nommés.
L’État canadien construit aussi sa richesse en exploitant la force de travail des personnes migrantes qui fuient la dépossession territoriale en venant travailler au Canada. Cela se fait par le biais de ses programmes de travail temporaire étranger dans les secteurs du travail agricole, domestique et les autres emplois dits « peu qualifiés ». Ces personnes constituent pour le Canada une source intarissable de force de travail à faible coût et jetable.
Considérant le rôle de l’État canadien dans la crise humanitaire actuelle, nous exigeons du gouvernement fédéral de Justin Trudeau qu’il s’engage immédiatement à protéger les droits des personnes demandeuses d’asile et déplacées, ainsi qu’il collabore avec le gouvernement du Mexique afin d’assurer à ces personnes un refuge sécuritaire.
Nous exigeons également l’arrêt immédiat des activités des industries canadiennes en Amérique latine et dans le monde, responsables de la destruction des communautés et de l’environnement. Ces entreprises enregistrées au Canada doivent être soumises à des enquêtes et être tenues responsables pour les violations des droits humains qu’elles exercent, tant sur les territoires autochtones du Canada que dans tous les pays où ses entreprises opèrent.
Puisque la majorité des réfugié.e.s de la caravane voyagent sans documentation, nous exigeons aussi des ambassades du Honduras qu’elles assument leur devoir en facilitant la délivrance de passeports à ses citoyens et citoyennes en déplacement, ainsi qu’en leur apportant toute l’aide nécessaire.
Nous croyons qu’il est donc primordial que nous, en tant que membres de la société canadienne, démontrions notre entière solidarité avec les personnes migrantes de la caravane et du monde. Nous devons nous mobiliser afin de faire front commun contre les politiques canadiennes destructrices.
Ensemble, les organisations signataires, nous rappelons que personne n’est illégal et que les peuples disposent du droit à l’autodétermination, à demander l’asile et à vivre sans violence sociale, politique, économique ou de genre.
Nous resterons à l’affût de la situation et des déplacements de la caravane depuis la solidarité internationale.
Sont signataires :
Centre des travailleurs immigrants (CTI)
Centre d’appui aux Philippines (Centre for Phillipine Concerns-CPC)
Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL)
Femmes de diverses origines (FDO)
Migrante Alberta
Migrante Canada
Migrante Ontario
Mouvement contre le viol et l’inceste (MCVI)
PINAY Québec
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