Édition du 17 décembre 2024

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États-Unis

Des fermiers texans s'opposent à l'oléoduc Transcanada

Le débat à propos de l’oléoduc KeystoneXL s’est déplacé de la Maison blanche vers une ferme texane. Mme Julia Trigg Crawford, troisième génération de ce nom à cultiver cette ferme a déposé une poursuite contre TransCanada Pipeline qui veut construire un oléoduc depuis le Canada jusqu’au Texas. Elle objecte que la compagnie ne peut imposer de droits de servitude sur une portion du domaine familial.

Mother Jones, premier mars 2012,
Traduction, Alexandra Cyr,

Plus tôt cette semaine, TransCanada a annoncé qu’il entendait aller de l’avant avec la construction de l’oléoduc depuis l’Oklahoma jusqu’aux limites sud du Texas. Cette portion de l’ouvrage, longue de 485 milles, ne traverse aucune frontière internationale et ne nécessite donc pas d’autorisation du Département d’État ou du Président Obama. Mais elle traverse la ferme Red’Arc propriété de Mme Crawford et de sa famille.

La ferme est située à Direct, une petite ville à environ 20 milles au nord-ouest de Paris (ville notoire pour sa réplique de la tour Eiffel de 65 pieds de haut et coiffée d’un chapeau de cowboy). Avec son père, sa sœur et son frère Mme Crawford, âgée de 53 ans, tient à ses cultures de soya, de blé, de maïs, à ses vergers et à son bétail qui occupent les 600 acres de la propriété à la jonction de la Red River et du ruisseau Bois d’Arc. Son grand père a acheté cette ferme en 1948 et la famille vit toujours dans la maison ancestrale.

En 2008, ils ont reçu un avis de TransCanada qu’il était intéressé à faire passer l’oléoduc sur une portion de 30 acres de leurs pâturages. Mme Crawford dit qu’on leur a d’abord offert 7,000$ pour cet usage de leur terre mais que l’offre a été augmentée à 20,000$ plus tard. Au premier regard, la famille n’était pas opposée à ce que l’oléoduc traverse leur ferme ; bon nombre d’autres traversent le comté, mais déclare Mme Crawford : « ce ne sont pas des oléoducs étrangers ». Puis, une recherche archéologique menée par une firme désignée par TransCanada a découvert, sur le territoire visé, une quantité importante d’artéfacts laissés par une tribu amérindienne, les Caddos. Ce fut toute une surprise pour la famille. Mme Crawford dit qu’elle trouve des pièces de poteries constamment quand elle promène ses chiens. Elle les garde avec des têtes de flèches dans un pot à confiture.

La compagnie a donc décidé de se tourner vers une autre portion du couloir visé espérant ne pas tomber sur un nouveau site archéologique. L’inspection arriva à la conclusion qu’effectivement, il n’y avait là aucun vestige . Que cette deuxième fouille arrive à ce résultat intrigua Mme Crawford. Elle a donc décidé d’en faire faire une de façon indépendante. Et sa suspicion fut corroborée : un nombre intéressant d’artéfacts fut dégagé. Elle espérait que ce rapport forcerait la compagnie à chercher une nouvelle route pour son ouvrage mais, dit-elle : « ils ont répondu que si nous ne signions pas l’autorisation de passage, ils avaient le droit de se faire attribuer la servitude ».

Par ailleurs, elle avait d’autres préoccupations par rapport à l’oléoduc : des risques de fuites du pétrole, ou l’impact de la construction sur la possibilité d’utiliser les pâturages. Elle raconte qu’elle a contacté le représentant local de la compagnie demandant certains accommodements comme une épaisseur plus importante des tuyaux, un enfouissement plus profond, et l’assurance que la famille serait compensée en cas de fuites dans le ruisseau qu’elle utilise pour son irrigation. La compagnie n’a rien voulu entendre et a même poursuivi la famille en cour pour se faire attribuer le droit de servitude. (La compagnie a agit de la même façon envers des propriétaires terriens au Nébraska).

Ce fut le début d’une bataille juridique. Mme Crawford est convaincue qu’elle et sa famille n’ont pas reçu d’offre financière juste pour l’usage de leur terre. D’autre part, elle est convaincue que la valeur archéologique de ce couloir dépasse le désir d’une compagnie privée d’y creuser. Mais sa conviction principale est que la compagnie n’a pas le droit d’invoquer des droits de servitude sur ce terrain. Selon la loi texane, la règlementation concernant les oléoducs est sous la responsabilité de la Commission des chemins de fer. Mais la Commission déclare sur son site Web qu’elle n’a pas le pouvoir de délivrer des servitudes pour les oléoducs ou les gazoducs. Donc, au Texas, si une compagnie construit ce genre d’ouvrage elle peut déclarer des mises sous servitude n’importe où elle-même.

Mais Mme Crawford croit qu’il devrait y avoir une certaine démonstration de « valeur de service public » avant qu’une compagnie privée puisse saisir sa terre, ou à tout le moins, qu’une agence de l’État puisse y avoir une certaine autorité. Elle espère que son action ralentira la compagnie dans sa réquisition de la terre lorsque la cause sera entendue en avril, d’autant plus qu’elle n’a pas encore tous les permis nécessaires pour démarrer la construction. « Je me bats pour les droits des propriétaires ; une compagnie étrangère, à buts lucratifs et sans permis a pu condamner ma terre à cause de trous dans la loi ». Son histoire a fait les manchettes la semaine dernière et 15,000 personnes ont déjà signé la pétition qu’elle a lancée en appui à sa lutte.

TransCanada a déclaré qu’elle ne laisserait pas les Crawford l’arrêter en chemin. « Nous ne laisserons pas un propriétaire terrien mettre à l’arrêt un projet d’un demi milliard de dollars qui est dans l’intérêt public » a annoncé l’avocat de la compagnie lors des audiences du 17 février dernier, selon l’agence Reuters. « Ils auront leur jour en cour mais ils ne pourront pas arrêter un projet d’oléoduc protégé par la loi texane », (a-t-il poursuivi).

La semaine dernière un juge a rejeté l’injonction provisoire (restraining order) que la famille avait réclamée contre la compagnie. Elle craint donc que TransCanada ne commence à creuser à tout moment maintenant. « Nous surveillons par la fenêtre constamment », dit Mme Crawford. Mais elle attend aussi les prochaines comparutions en cour.

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