Édition du 29 octobre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

États-Unis

Démocratie américaine, démocratie palestinienne

Quel est le lien entre les deux ? La seconde existe-t-elle seulement ? Non bien sûr, puisque la nation palestinienne ne dispose pas encore d’État (on ne peut qualifier ainsi la faiblarde Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas qui ne contrôle de 20% de la Cisjordanie, et ce, sous haute surveillance israélienne).

photo Serge d’Ignazio

En raison de sa collaboration avec Tel-Aviv en matière de sécurité, elle se trouve discréditée auprès de son propre peuple.

Par ailleurs, la classe politique américaine dans son ensemble n’a cessé de nier en pratique le droit à l’autodétermination de la nation palestinienne. Elle a toujours protégé son allié israélien contre vents et marées au détriment de la vie, de la sécurité et de la liberté palestiniennes. Par exemple, la délégation américaine a opposé à deux reprises son véto au Conseil de sécurité de l’ONU à une résolution exigeant un cessez-le-feu dans la bande de Gaza et ce, sous une administration démocrate, celle de Joe Biden.

Les gouvernements américains ont toujours protégé Israël en raison de leur sionisme intransigeant. Ils se justifiaient en prétendant soutenir "la seule démocratie du Proche-Orient", Israël. Cet argument fut surutilisé durant des décennies. Il est vrai que l’État hébreu représente l’unique démocratie formelle du Proche-Orient, ce qui autorisait ses protecteurs américains de camoufler qu’en réalité, ils appuyaient le nationalisme israélien bien plus que le régime électoral dont les fondateurs de l’État hébreu l’avaient doté lors de sa fondation. Ils niaient la démocratie palestinienne au nom du soutien à "la seule démocratie du Proche-Orient". Tout un paradoxe ! Ils reconnaissaient bien en paroles le droit à l’autodétermination des Palestiniens mais le soumettaient à des négociations hasardeuses avec leur ennemi israélien. Le pot de fer israélien contre le pot de terre palestinien.

Du même souffle, ils dénigraient sans cesse la résistance des Palestiniens dans une tentative de délégitimation en la qualifiant de "terroriste", bref en la criminalisant. On a toujours assisté sur cette question à une politique du double standard : les responsables américains évoquaient le droit à l’autodéfense d’Israël pour justifier ses tueries de Palestiniens et de Palestiniennes et aussi son "droit à l’erreur" ; mais celui à la résistance des Palestiniens était et demeure un sujet tabou. De la "démocratie israélienne", ceux-ci ne connaissent que la dépossession, l’occupation militaire, la colonisation en Cisjordanie, et la vie misérable dans les camps de réfugiés établis sur le territoire des pays voisins. Les Arabo-israéliens, eux, sont victimes de discrimination. Pour résumer, nous observons une démocratie conçue à la seule mesure du Juif. Israël constitue un ghetto doré mis sur pied au détriment du peuple qui occupait le pays auparavant : les Palestiniens.

Ce dénigrement américain des Palestiniens à saveur raciste s’étendait à tout le monde arabe, coupable aux yeux des partisans d’Israël de ne pas partager l’échelle des valeurs politiques occidentales fondée sur un régime libéralo-électoral bon teint.

Les Arabes sont bien conscients de ce mépris et par conséquent, ne prennent guère au sérieux les sermons occidentaux sur la liberté et la démocratie. Pour les comprendre, on n’a qu’à observer le sinistre vaudeville électoral américain, lequel afflige et inquiète toute la planète.

Les États-Unis se discréditent auprès d’une bonne partie des populations de ce qu’on nomme le Tiers-Monde (en fait les deux-tiers du monde) et même en Occident. D’abord, Donald Trump est un pro-israélien fini ; les Palestiniens et bien d’autres peuples ont tout à redouter de son éventuel retour à la Maison-Blanche. Quant à Kamala Harris, elle est fondamentalement pro-israélienne même si, en bonne démocrate, elle réitère en termes vagues et généraux le droit à la liberté et à la dignité des Palestiniens et Palestiniennes. Mais ces propos lénifiants ne sont accompagnés d’aucune proposition concrète pour assurer le respect de ces droits.

Pour les peuples du monde entier et pour la plus grande partie des gauches occidentales (y compris aux États-Unis), le conflit israélo-palestinien constitue un critère d’évaluation majeur de la politique étrangère américaine. Or, les dirigeants américains se déconsidèrent en niant à la nation palestinienne son droit inaliénable à l’autodétermination, ce qui contribue au déclin de l’influence des États-Unis dans le monde.

Même si le conflit entre Israël et la Palestine n’occupe pas une place centrale dans la présente campagne électorale, il y apparaît quand même en filigrane. Le vote des électeurs et électrices d’origine arabe aujourd’hui assez nombreux dans quelques États pourrait contribuer au destin électoral de Trump ou d’Harris. Des responsables de communautés arabo-américaines se sont déclarés déçus de la position ambiguë et mollassonne de Kamala Harris sur la question palestinienne, ce qui pourrait entraîner l’abstention électorale de certains membres de leur communauté.

Ce qui prouve bien que les voies de l’histoire sont souvent sinueuses et qu’elles aboutissent parfois à des résultats déroutants.

Jean-François Delisle

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