Soucieux de gérer eux-mêmes le développement de leur municipalité, les Camillois et leurs élus ont répondu par un « non » sans équivoque à la minière. Non seulement le conseil municipal de Saint Camille a-t-il adopté une série de mesures pour exercer un certain contrôle sur l’exploitation minière sur son territoire mais des dizaines de citoyens ont fait parvenir à la minière par courrier recommandé, des avis de refus d’accès à leur terrain.
En vertu de la Loi sur les mines une minière peut, en l’absence d’entente à l’amiable préalable avec les propriétaires, demander à Québec de confier à un tribunal le soin de fixer une indemnité et d’exproprier des terrains convoités. On comprend toutefois que le prix politique de tels recours pourrait être dévastateur pour un gouvernement qui s’y prêterait trop systématiquement.
La portée de l’action entreprise par les gens de Saint-Camille dépasse largement les frontières de ce petit village au caractère un peu gaulois. Elle remet en question la Loi sur les mines qui a actuellement préséance sur la planification territoriale et sur le droit de propriété en surface. Une situation considérée aberrante par l’ensemble du monde municipal parce qu’elle permet à des entreprises et à des promoteurs de procéder bien souvent à l’encontre de la volonté des communautés et des citoyens.
La loi en son état actuel, les moyens dont disposent les entreprises et le préjugé favorable que leur porte dans le gouvernement, certains élus locaux et plusieurs médias faisaient en sorte que, jusqu’à récemment, les promoteurs avaient facilement gain de cause dans presque tous les cas. Sans compter que les processus de consultation censés assurer « l’acceptabilité sociale » des projets sont bien souvent réduits à des formalités de façade.
Mais on voit de plus en plus des communautés se mobiliser pour « dire leur mot » sur les projets susceptibles d’affecter leur milieu et leurs conditions de vie. Ce fut le cas récemment dans certains projets d’implantation de parcs éoliens dans les zones habitées. Tout comme le débat qui fait rage actuellement à propos de l’exploration pour les gaz de schiste et leur exploitation éventuelle.
Or la stratégie adoptée par les gens de Saint-Camille pourrait servir d’exemple à de semblables mouvements non seulement dans le cas des gaz de schiste mais aussi en Abitibi-Témiscamingue
où on s’inquiète de la multiplication des projets de mines à ciel ouvert.
Ces mobilisations qui se multiplient et que certains qualifient avec mépris du syndrome « pas dans ma cour » témoignent d’une volonté populaire de baliser le développement de leur milieu et d’en maîtriser autant possible les impacts sur les communautés. Les citoyens à l’origine de ces mobilisations ne sont généralement pas hostiles par principe au projet qui s’annoncent. Ils refusent cependant que leurs préoccupations, leurs intérêts, leur bien-être et ceux de leur communauté soient allègrement sacrifiés sur l’autel de la création de richesses.
Au surplus ces mobilisations créent une situation tout à fait nouvelle. Historiquement, l’opposition à des projets controversés de développement était essentiellement menée par des mouvements militants bien organisés au service d’une cause. Mais les mobilisations dont il est question ici sont d’une autre nature.
Elles sont le fait non pas de groupes de militants déjà engagés mais de citoyens ordinaires qui s’organisent localement, et se mettent au besoin en réseau, pour contrer la réalisation d’un projet qui surgit à un moment donné et qu’ils jugent potentiellement préjudiciable pour leur milieu. Du monde « ordinaire », qui réalisant soudainement la vulnérabilité, pour ne pas dire le « penchant » des pouvoirs publics et les élus à l’égard d’intérêts autres que les leurs, en viennent à mettre en pratique ce vieil adage voulant qu’en toutes choses, il vaut mieux s’organiser que de se faire organiser.