Là où le bas blesse depuis hier soir en Gaspésie et dans plusieurs régions du Québec, c’est la recommandation du CPQ quant à l’aménagement durable du territoire, principalement cette phrase, qui semble faire froid dans le dos à plusieurs citoyens et élus si on en croit les commentaires mis sur Facebook depuis hier.
« Le Conseil du patronat du Québec invite le gouvernement à réallouer une partie
des budgets actuellement consacrés au maintien des municipalités dévitalisées
vers des mesures facilitant la relocalisation des ménages qui y habitent. »
On pourrait dire que pris hors contexte, ça prête à interprétation… Alors GRAFFICI.CA remet cette phrase dans son contexte :
Dans la partie visant à « Favoriser la mise en oeuvre de bonnes pratiques d’aménagement du territoire », le CTQ écrit :
« La SDD annonce « la mise en oeuvre de mesures et de programmes qui soutiennent le développement socioéconomique des collectivités dans une perspective de développement durable » (page 57).
Le Conseil fait une mise en garde afin de ne pas confondre la notion de développement
durable, qui qualifie le type de développement, et la notion de pérennité ou de durée de vie des collectivités. Souhaiter que le développement, quand il a lieu, s’effectue selon les
principes du DD n’entraîne pas que chaque collectivité doive nécessairement être pérenne à tout prix.
L’occupation d’un territoire originellement inhabité découle normalement du fait qu’il possède un actif inamovible, dont l’exploitation par le génie et le travail des hommes crée de la richesse. Ces actifs inamovibles sont, traditionnellement, une ressource naturelle comme la terre arable, une forêt, un gisement minéral ou, au Québec notamment, un site hydraulique, un site naturel comme une montagne ou une plage. Enfin, d’autres lieux sont occupés en raison du fait que leur emplacement permet le commerce. L’existence d’un tel actif inamovible attire des ressources humaines qui, elles, sont mobiles. Il peut aussi y avoir un mouvement contraire : celui de la dévitalisation. Depuis un siècle, la structure industrielle a connu de multiples transformations.
Au Québec, la hausse de la productivité agricole a libéré des centaines de milliers de travailleurs qui ont migré vers d’autres localités, fournissant la main-d’œuvre nécessaire à l’essor d’autres secteurs industriels. Dans d’autres secteurs, comme celui de la forêt, c’est la baisse structurelle de la demande, combinée à des améliorations de la productivité et à des crises conjoncturelles, qui entraîne une réduction des activités et des besoins en main-d’oeuvre. À l’échelle locale, l’épuisement de certaines ressources naturelles, comme une mine ou un banc de pêche, a également libéré des milliers de travailleurs. Un grand nombre d’entre eux, après un temps d’hésitation durant lequel ils ont pu espérer trouver du travail localement, sans avoir à se relocaliser, se sont résolus à déménager vers des localités où ils pouvaient en trouver.
La dévitalisation graduelle de certaines municipalités est certes pénible pour les travailleurs et les commerçants qui continuent d’y demeurer. Par contre, les commerces et les services publics de proximité dans les autres municipalités, qui accueillent les travailleurs migrants et leurs familles, se voient consolidés et améliorent leur viabilité. Les migrations interrégionales doivent être vues comme quelque chose de normal, pas comme un mal contre lequel il faut nécessairement lutter à tout prix."
Qu’est-ce qu’une municipalité dévitalisée ?
GRAFFICI.CA a voulu savoir qu’est-ce qu’une « municipalité dévitalisée », dont parle le CPQ dans sa recommandation.
Selon une liste tirée du Plan d’action gouvernemental à l’intention des municipalités dévitalisées datant de 2008, un document qui a été réalisé par le ministère des Affaires municipales et des Régions (MAMR), il y avait à ce moment-là 152 municipalités « à revitaliser » ou « dévitalisées », dont 28 en Gaspésie.
À l’époque, sous la gouverne de la ministre Nathalie Normandeau le MAMR avait établi, dans le cadre de la Politique Nationale de la ruralité 2007-2014, un « indice de développement des municipalités » en utilisant des variables socioéconomiques issues des données de recensement de Statistique Canada de 2006.
L’indice de développement en question était développé à partir du aux d’évolution de la population de 2001 à 2006, taux de chômage, taux d’emploi de la population de 15 ans et plus, pourcentage du revenu provenant de paiements de transfert gouvernemental, proportion de la population des ménages à faible revenu, revenu moyen des ménages et, enfin, pourcentage de la population de 15 ans et plus n’ayant pas de diplôme du secondaire.
Voici donc les municipalités gaspésiennes directement ciblées par le CTQ
(Regroupées par MRC)
AVIGNON
Escuminac, L’Ascension-de-Patapédia, Nouvelle, Pointe-à-la-Croix, Saint-Alexis-de-Matapédia et Saint-François-d’Assise.
BONAVENTURE
Cascapédia–Saint-Jules, Hope, New Carlisle, Paspébiac, Saint-Alphonse, Saint-Elzéar, Saint-Godefroi et Shigawake
CÔTE-DE-GASPÉ
Cloridorme, Grande-Vallée, Murdochville, Petite-Vallée
LA HAUTE-GASPÉSIE
Cap-Chat, Mont-Saint-Pierre, Rivière-à-Claude, Sainte-Anne-des-Monts, Sainte-Madeleine et Saint-Maxime-du-Mont-Louis
ROCHER-PERCÉ
Grande-Rivière, Percé, Port-Daniel–Gascons et Sainte-Thérèse-de-Gaspé.
Les réactions fusent de toutes parts, notamment sur Facebook
Depuis que Touche pas à ma région Gaspésie-les-Iles a publié hier soir cet extrait du mémoire du Conseil du patronat du Québec avec la mention : « Coeurs et estomacs sensibles s’abstenir », précise le post, les commentaires abondent.
À midi aujourd’hui, le poste avait été partagé 185 fois sur Facebook et 29 personnes avaient commenté, la plupart étant outrés de cette affaire. Voici quelques commentaires bien sentis tirés de Facebook ce midi par GRAFFICI.CA :
« Les grands centres sans les régions ne sont rien. Ne sous estimez-pas notre force de négociation. La stratégie pétrole de Harper est en train d’y sauter dans face. Je prédis que la stratégie centriste de Couillard va en faire de même quand les régions vont s’organiser tout seul et se fermer aux grands centre.
« Ma grand-mère fut la première présidente de l’opération Dignité 1 il y a 50 ans, elle doit se retourner dans sa tombe ! »
« Rien de surprenant là dedans. Le plus triste c’est que c’est extrêmement cohérent avec la vision du gouvernement au pouvoir, vision qui se confirme de mesure en mesure. On revient à l’état de "régions ressources" bonnes à exploiter, à fournir de la main d’oeuvre et des matières premières. »
« Avec le ’’deal’’ que le gouvernement à fait dernièrement avec Québec et Montréal , laissant pour compte tout les autres municipalités de l’Umq , c’est clair que notre premier ministre Couillon à déssidé de laisser disparaître les régions... »
L’extrait du texte a aussi été entre autre publié par l’émission Bon pied Bonne heure de Radio Canada Matane aux petites heures. À midi, 29 partages avaient été effectués et GRAFFICI a pu y lire 39 commentaires dont quelques-un seront relatés ici :
« BAEQ 2.0. Quand Paul Martin était premier ministre, son plan pour la Gaspésie était d’en faire une zone franche. Avec le peu de prise qu’on accorde à la population sur le développement de son territoire, les passe-droits accordés aux extractivistes et l’effritement accéléré des services, on dirait qu’on est bien partis pour y arriver. »
« C’est tellement absurde et irréel comme recul idéologique, que ça aurait été un bon canular du 1er avril. »
« Fermons les villes et renvoyons tout le monde apprendre à vivre en harmonie avec la nature. Hein, c’est tu assez révolutionnaire ça ? Avec la décroissance mondiale enclenchée depuis les années 80, l’avenir, ou tout au moins la possibilité d’un avenir de qualité, ne passe pas par les villes, mais par le développement de modèles alternatifs dans les régions. Une ville, ça reste un désert qui doit être nourri depuis les régions. Messieurs du patronat, le jour où vous aurez tout fait disparaitre le reste, vous constaterez que l’argent ne se mange pas. »
« Je ne pensais pas qu’il restait encore des malades comme à l’époque du BAEQ, qui voulaient fermer une partie de la Gaspésie. Pierre Bourgault avait dit un jour : " C’est beau de vouloir se faire un pays, mais la première chose à faire c’est d’occuper le territoire. »