10 ans plus tard
Fondé en 2006 par une coalition de mouvements populaires et de partis de gauche, Québec solidaire a un parcours riche d’une expérience en dehors des sentiers battus. QS a relancé l’idée que la justice sociale est le socle de toute aspiration à prendre le pouvoir et à diriger le Québec, au lieu de la reléguer derrière l’impératif de la croissance et des politiques du Canada et des États-Unis. Cette rupture avec le rond-rond néolibéral a été inspirée au moment où la planète est tombée dans une polarisation sans précédent entre le 1 % et le 99 %, comme le relevait l’organisme OXFAM.
L’autre accomplissement a été de faire élire des députés comme Amir Khadir, Françoise David et Manon Massé, qui comptent parmi les personnes en qui une grande partie de la population se reconnaît. En même temps, QS a pensé que l’heure des « grands chefs » et des petits réseaux de copains-copains n’était plus de mise dans une société moderne.
C’est possible
Ce jeune parti, qui veut marier l’émancipation nationale avec la justice sociale, pourrait ouvrir, avec d’autres, de nouveaux chemins, comme ce fut le cas dans les années 1960, mais à l’heure et à la manière de maintenant. Notre société regorge de talents et de capacités. Elle a un « sens commun » que le néolibéralisme sous ses diverses formes n’a pas réussi à éroder. On y retrouve une masse critique prête à un changement en profondeur, à condition que cela se fasse d’une manière qui corresponde à notre culture, étape par étape (on ne peut pas changer tout tout de suite), et respectueuse des diversités. QS n’est pas un parti de gauche « traditionnel », sûr de détenir la vérité. Nous sommes par ailleurs en Amérique du Nord, ce qui veut dire qu’il faut tenir compte d’un environnement peu amical pour des changements démocratiques et pour la justice sociale. Mais cela ne veut pas dire qu’on ne peut rien faire ! L’idée de rassembler les bonnes volontés autour de quelques thèmes contre la corruption et l’inégalité, le respect des droits fondamentaux, la protection de l’environnement constitue la base de cette nouvelle coalition arc-en-ciel.
Reprendre le chemin de l’émancipation nationale
Le PQ, pour toutes sortes de raisons, a échoué à faire avancer le projet fondateur du Québec moderne, celui d’être maître de son destin ! Aujourd’hui, l’objectif demeure valable, mais le chemin pour y arriver n’est plus le même. Premièrement, une partie substantielle de l’opinion reconnaît que la nation québécoise n’est pas « propriétaire » d’un territoire que nous partageons avec les nations autochtones. Deuxièmement, le Québec d’antan, relativement homogène, a drôlement changé. Il n’y a pas de « nous » et d’« eux », mais une nation en construction, non pas autour d’une identité mythique, mais d’un projet de société. Le lien entre indépendance et justice sociale est organique à la constitution d’un projet exprimant la volonté populaire.
Une coalition gagnante
Les étudiants et étudiantes en 2012 se sont unis autour d’une revendication simple et légitime : non à la hausse des faits de scolarité. Il y avait des différences entre les organisations étudiantes, mais les jeunes ont eu l’intelligence de maintenir une vaste mobilisation basée sur une participation massive, d’où le refus de confier à un petit groupe de chefs le soin de décider seuls. Par ailleurs, une masse critique de la population a refusé à l’État la capacité de briser le mouvement par la force.
Aujourd’hui, beaucoup de monde n’en peut plus de l’« austéritarisme » d’un gouvernement décidé à saccager la société et à détruire des mécanismes nous permettant de nous prononcer sur de grands enjeux comme l’environnement. Le PLQ désire également liquider la capacité du Québec de prendre ses décisions devant un État fédéral centralisateur, axé sur le « pétro développement » et sur des politiques de liberté de commerce sans entrave et imposées sur le monde.
Prendre des risques sans illusion
Il ne peut être question pour QS de mettre de côté les grands objectifs de son programme qui représente les rêves de milliers de personnes. Par ailleurs, il ne peut être question non plus d’occuper éternellement le rôle d’une bande sympathique résignée à rester en marge. Pour cela, nous sommes partisans d’une fusion avec Option nationale, qui permettrait de sortir le débat du périmètre montréalais et de marquer le fait que le projet est inclusif. Aller plus loin, ça implique une négociation sans lendemain avec le PQ, un parti qui pense encore à s’en sortir avec des astuces. Les conditions pour une alliance « organique » entre le PQ et QS n’existent pas. Sur la question de la justice sociale, les écarts sont trop grands. Est-il possible d’inventer une façon de gérer les prochaines élections ? Disons les choses autrement : si les discussions ont pour but d’identifier ce que le PQ et QS peuvent partager en commun, une telle démarche va bien au-delà des prochaines élections. S’il s’agit plutôt de contrer un adversaire immédiat (le gouvernement libéral) pour élire un gouvernement du Parti québécois, un pacte électoral entre le PQ et QS ne tient pas la route, même au plan mathématique.
La balle est dans notre camp
Pour le moment, nous sommes devant des perspectives stratégiques différentes qui ne vont pas dans la même direction. Pour engager les transformations à faire, la balle est dans le camp du PQ qui doit s’écarter de la direction qu’il a adoptée en vue des prochaines élections et adopter une posture plus audacieuse. Si c’était le cas, nous sommes convaincus que QS saurait trouver le chemin pour frapper, avec le PQ, dans la même direction, tout en conservant son indépendance d’action.
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