Empêché de briguer un troisième mandat, comme prévu par la Constitution, Joseph Kabila n’a pas la possibilité de la modifier, contrairement à ses pairs, du fait de sa fragilité politique même si dans son camp, certains se sont prononcé pour.
Aussi la solution trouvée a été de retarder au maximum l’échéance électorale par de nombreuses manœuvres dilatoires. D’abord en instaurant un recensement obligatoire de la population comme prérequis à l’élection, ce qui fut rejeté par la Cour constitutionnelle ; ensuite en inversant l’ordre des élections, plaçant les locales et provinciales avant les présidentielles et, pour compliquer le tout, en initiant une politique de décentralisation administrative.
Devant l’impossibilité de procéder à l’élection présidentielle, et pour éviter la vacance du pouvoir, la Cour constitutionnelle a estimé que Kabila pouvait rester à son poste au-delà de son mandat qui doit prendre fin le 19 décembre. L’opposition a appelé la population à descendre dans la rue une nouvelle fois pour exiger le départ de Kabila.
Une opposition divisée
L’opposition est hétéroclite. Une partie d’entre elle est constituée d’opposants historiques : c’est le cas d’Étienne Tshisekedi qui lors de son retour à Kinshasa, la capitale, a reçu un accueil triomphal. D’autres opposants sont liés à la dernière guerre du Congo, comme Jean-Pierre Bemba, condamné par la Cour pénale internationale pour crime de guerre dans un pays voisin, la Centrafrique. D’autres encore viennent du camp de Kabila, notamment les deux ténors Vital Kamerhe, ancien président de l’Assemblée nationale, et Moïse Katumbi, riche homme d’affaire, ancien gouverneur du Katanga et propriétaire du club de foot du TP Mazembe, très populaire dans le pays. Inutile de chercher des différences idéologiques ou programmatiques, il n’y en pas ou peu. Par contre, ils ont en commun leur ambition présidentielle.
Lorsque Kabila a proposé l’ouverture d’un dialogue national, son but était, d’une part, de faire légitimer le retard des élections présidentielles et, de l’autre, de diviser l’opposition entre ceux qui vont y participer et ceux qui boycottent.
Répression importante
Mais les manœuvres du clan Kabila ne s’arrêtent pas là, il joue aussi sur la répression de masse contre les manifestations de rue, déjà en janvier 2015, et contre celles qui se sont déroulées dernièrement, avec un bilan meurtrier de plusieurs dizaines de morts. La répression est aussi ciblée contre les dirigeants des partis politiques de l’opposition et contre les militants de la société civile, notamment ceux de Filimbi et de Lucha qui, à l’image de Y’en a marre au Sénégal ou du Balai citoyen au Burkina Faso, tentent de mobiliser la jeunesse pour imposer l’alternance politique.
Les méfaits du clan Kabila ne s’arrêtent pas uniquement aux manigances minables et sanglantes pour rester au pouvoir. Les populations, notamment celles des régions de l’est du pays, continuent à subir des massacres de différentes milices qui sévissent. À juste titre, les feux de l’actualité se sont focalisés sur la région de Beni où des villageois, y compris les enfants, ont été massacrés à coups de machette. Les autorités imputent ces crimes à une milice islamiste qui vient de l’Ouganda. Si effectivement cette dernière a une grande part de responsabilité, des enquêteurs indépendants ont mis en lumière que, non seulement la hiérarchie militaire de l’armée congolaise, les FARDC, ont ordonné de ne pas agir, mais pire certains éléments de ces FARDC ont activement participé à ces tueries en lien avec des règlements de comptes entre des factions de l’armée congolaise profondément divisée. Ces enquêteurs ont aussi prouvé les complicités entre les FARDC et la milice des FDLR, formée par les anciens génocidaires du Rwanda voisin, qui écument la région du Kivu en se rendant coupables de nombreux crimes, notamment de viols.
La situation sociale et économique n’est guère brillante, la croissance s’est ralentie sous l’effet de la chute des prix des matières premières, notamment le cuivre. La corruption massive qui place le pays au 176e rang (sur 188), selon la Banque mondiale, et le taux de pauvreté qui touche plus de 63 % de la population, restent un scandale majeur qui met en lumière le bilan peu reluisant de Kabila et de son gouvernement.