Tiré de Entre les lignes et les mots
On se souvient des accords de rétrocessions signés en 1997 entre le Royaume-Uni et la République Populaire de Chine, et des engagements pris à l’époque pour garantir le principe « un pays, deux systèmes » : 24 ans plus tard, ces engagements sont devenus caducs depuis la loi sur la sécurité nationale (LSN) avec une première victime : la liberté de la presse.
« Ces menaces s’appliquent à tous les journalistes, à tous les médias, qu’ils critiquent ou qu’ils commentent simplement un aspect de la politique du gouvernement chinois. »
Désormais, les journalistes travaillent dans la terreur : les crimes de « collusion avec les forces étrangères » ou de « subversion contre le régime chinois » sont passibles de prison à vie. Cette politique de dissuasion par la terreur s’abat aussi sur tous les militants et militantes des ONG hongkongaises et étrangères, comme sur les organisations syndicales qui ont ainsi pour la plupart disparues.
Pour le SNJ, le SNJ-CGT et la CFDT-Journalistes, syndicats français de journalistes affiliés à la Fédération internationale des journalistes (FIJ), ces menaces sont incompatibles avec l’exercice de la liberté d’expression et d’opinion, garantie par l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.
A Hong Kong et en Chine continentale, ces menaces s’appliquent à tous les journalistes, à tous les médias, qu’ils critiquent ou qu’ils commentent simplement un aspect de la politique du gouvernement chinois.
Menaces à Hong Kong et à l’étranger
Mercredi 29 décembre, la rédaction de Stand News, un site d’information prodémocratie de Hong Kong, a dû fermer ses portes après la perquisition de ses locaux et l’arrestation de sept de ses membres actuels ou passés pour « publication séditieuse ». Parmi eux, le rédacteur en chef, Patrick Lam, et son prédécesseur, Chung Pui-kuen, arrêtés en même temps que cinq autres personnes liées à Stand News.
« Le 24 juin 2021, le tabloïd Apple Daily a dû cesser de paraître sous la pression des autorités : son propriétaire, Jimmy Lai, est en prison, ses comptes bancaires ont été saisis, ainsi que les disques durs et les notes de ses journalistes. »
Les deux hommes ont été inculpés de « conspiration en vue de réaliser une publication séditieuse », d’apologie de « la haine et de l’outrage » et d’avoir « incité au mécontentement » contre le gouvernement « et à la violence ».
Le 24 juin 2021, le tabloïd Apple Daily a dû cesser de paraître sous la pression des autorités : son propriétaire, Jimmy Lai, est en prison, ses comptes bancaires ont été saisis, ainsi que les disques durs et les notes de ses journalistes.
Cet été, Steve Vines, qui animait l’émission « Current affairs » depuis 1994 au sein du groupe audiovisuel public Radio Télévision Hong Kong (RTHK), a dû se résoudre à quitter son poste : « Une grande partie des programmes s’est vue durement censurée […] on commençait à nous dire directement “vous ne pouvez pas parler de cela” ».
Et la Chine menace même l’indépendance de la presse à l’étranger : le quotidien américain The Wall Street Journal a reçu une « lettre d’avertissement » après avoir publié plusieurs éditoriaux sur les prochaines élections à Hong Kong, qui ont déplu aux autorités chinoises.
« Formation » obligatoire, arrestations et chantage au visa
Pour renouveler leur carte de presse, les journalistes vont devoir suivre une formation annuelle obligatoire de 90 heures en partie centrée sur la « pensée de Xi Jinping », et sont obligés de télécharger l’application espionne « Étudier Xi, renforcer le pays »…
Le système d’intimidation des correspondants étrangers, fondé sur la surveillance et le chantage au visa, a forcé 18 d’entre eux à quitter le pays en 2020. Trois parmi ces 18 étrangers mais originaires de Chine ont été emprisonnés et sont toujours incarcérés, selon des informations de l’espace international de la CGT.
Au moins dix journalistes et commentateurs en ligne ont été arrêtés en 2020 pour avoir simplement informé leurs concitoyens sur la situation réelle de l’épidémie de Covid-19 à Wuhan.
Une centaine de journalistes détenus
Selon la Fédération internationale des journalistes (FIJ), le régime chinois détient actuellement 102 journalistes. Parmi eux, des journalistes de Hong Kong mais aussi des dizaines d’Ouïghours, le résultat de la violente campagne de répression menée par Pékin depuis 2016 contre cette ethnie, au nom de la « lutte contre le terrorisme ».
En Chine continentale, le simple fait d’enquêter sur un sujet tabou ou de publier des informations sensibles peut valoir des années de détention dans des prisons insalubres, où les mauvais traitements peuvent entraîner la mort.
« En Chine continentale, le simple fait d’enquêter sur un sujet tabou ou de publier des informations sensibles peut valoir des années de détention dans des prisons insalubres, où les mauvais traitements peuvent entraîner la mort. »
Nous, syndicats français de journalistes le SNJ, le SNJ-CGT et la CFDT-Journalistes, dénonçons la censure et le traitement réservé à la presse par Pékin. Nous renouvelons notre soutien aux journalistes victimes de privations de liberté et de censure en Chine continentale et à Hong Kong et demandons à notre gouvernement de rappeler au régime chinois ses engagements internationaux en matière de liberté de la presse.
Nous réitérons la demande de la FIJ aux Nations unies d’adopter la Convention sur la sécurité des journalistes afin de promouvoir, de protéger et d’assurer la sécurité des professionnels des médias, et de préserver leur capacité à exercer leur profession de manière libre et indépendante dans un environnement favorable, sans être confrontés au harcèlement, à l’intimidation ou aux attaques contre leur intégrité physique.
Paris, le 3 janvier 2022.
Un message, un commentaire ?