Édition du 12 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Éducation

Charest dégage !

Radio-Canada au secours du gouvernement

Vendredi dernier le 25 mai, Radio-Canada, la docile télévision d’État, au service de la kleptocratie dirigeante nous présentait une réflexion étonnante. Deux heures de télé à jouer les intrigués – à questionner – pour mieux faire gober son élixir empoisonné. La résistance étudiante contre la hausse des droits de scolarité et la crise sociale qu’elle a provoquée ont-elles pour origine : a) Un clash des générations ? b) Une séparation fédéraliste-souverainiste ? c) Une segmentation Montréal-régions ? e) Une dichotomie étudiants gâtés – payeurs de taxes excédés ? e) Une scission entre la gauche idéaliste et la droite pragmatique ?

Tout observateur averti aura noté que la Télé-Can du premier Ministre Harper évite soigneusement de voir l’opposition entre les capitalistes, les boursicoteurs, les requins de la finance, enfin, entre la minorité des riches et la majorité de la population, les ouvriers, les étudiants, les employés, les chômeurs et les petit-bourgeois paupérisés. Un clash entre le peuple taxé, dépossédé, désœuvré, trompé et méprisé d’une part, et, de l’autre, les politiciens gérants d’estrade pour le compte du grand capital milliardaire spoliateur et exploiteur. Tenez loin des yeux des animateurs télé ces classes sociales qu’ils ne sauraient accréditer.

Il faut dire que la mission de Radio-Can est différente de celle du réseau TVA – propriété du milliardaire Péladeau beaucoup plus « populo ». La tâche du réseau d’État n’a jamais été d’informer politiquement ou d’éclairer les mystères réels ou inventés. La mission de Radio-Can a toujours été de faire déblatérer des intellectuels patentés – de notoriété réelle ou usurpée – pour le bénéfice d’autres intellectuels arrivistes ou naïfs, afin de les embrouiller sous un maelstrom de mots alambiqués, puis de lancer ces mystifiés parmi leur segment de classe pour propager les dernières inanités de l’intelligentsia sanctionnée. Le quotidien Le Devoir et la grosse Presse du milliardaire Desmarais jouent un rôle analogue dans le domaine de l’imprimé, alors que les journaux à Péladeau s’adressent à ce que les intellectuels appellent « monsieur et madame-tout-le-monde ».

L’émission spéciale de vendredi dernier a démontré l’art consommé de Radio-Can pour transformer une vraie question en tergiversations oiseuses et en discussions de salon entre de gentils interlocuteurs et des nervis journalistiques dont l’apothéose les transporta de félicité, à la toute fin de ce spectacle télévisé, lors d’une poignée de main qualifiée d’« historique » par la dame Dussault tout agitée (1).

COMPENDIUM DE LA MYSTIFICATION TÉLÉVISÉE

Décortiquons cette démonstration de collusion entre le pouvoir politique et le pouvoir médiatique des riches afin d’en découvrir les manipulations. Premier constat accablant : les seuls acteurs qui n’ont pas eu droit de parole pendant ces deux heures d’abjection sont les étudiants blessés, poivrés, arrêtés sur les lignes de piquetage attaquées ; non plus que les manifestants matraqués, estropiés, les jeunes travailleurs non diplômés, mis sous contravention, expulsés ou chassés des universités par la hausse des droits de scolarité et la crise économique qui les frappe, eux et leur famille paupérisée.

Dès le début du spectacle télévisé, le commentateur glissa l’air de ne pas s’y intéresser : « L’histoire du mouvement étudiant québécois est jalonnée de nombreuses grèves et boycotts » – un fait avéré et lourd de sens – que Radio-Can ne pouvait passer sous silence. La tâche du journaliste consiste ici à ne pas en indiquer la conséquence et surtout à ne rien dire de la différence entre les grèves précédentes et la présente.

La conséquence de ces luttes de résistance successives, c’est que les droits de scolarité universitaires sont moins élevés au Québec que partout ailleurs où les étudiants se sont moins mobilisés pour faire reculer leurs gouvernements. Le 22 mai dernier, dans les rues de New-York, lors d’une manifestation d’appui à la résistance étudiante québécoise, de jeunes manifestants américains expliquaient que s’ils paient si cher et s’endettent tellement : « c’est que notre résistance a été éradiquée-écrasée sous les matraques des policiers » (2). Seriez-vous étonné si je vous révélais que le Président étatsunien – le premier noir à occuper le siège éjectable de la Maison Blanche – dans sa dernière allocution sur l’État de l’Union, a donné pour mission à l’armée américaine de soutenir les autorités civiles à l’intérieur des États-Unis pour réprimer toute velléité d’opposition aux politiques du gouvernement ? Radio-Can n’a jamais rapporté cette déclaration inédite d’Obama ; il faut pourtant remonter à la Crise de 1929 et à la guerre de Sécession (1861) pour retrouver l’énoncé d’une telle mission intérieure pour l’armée d’agression extérieure.

Les étudiants-manifestants de New-York concluaient comme leurs camarades de Toronto et de Taipeh (Taïwan) que ce ne sont pas les étudiants québécois qui doivent rejoindre leur niveau d’endettement mais plutôt l’inverse : les étudiants étatsuniens, canadiens et taiwanais devraient lutter davantage, affronter la police fasciste afin de réduire les droits universitaires et gagner l’accès aux études supérieures pour le plus grand nombre. Ici, dégonflons une baudruche propagée par les ignares de la télé d’État. Le système universitaire américain n’est pas performant et il est de moins en moins prestigieux. Ces journalistes ont lu un roman il y a vingt ans et ils croient que la réalité n’a pas changé. Aux États-Unis il y a d’un côté un système réduit d’universités élitistes très dispendieuses, réservées aux fils de riches. De l’autre côté un immense réseau universitaire couteux – inefficace – de mauvaise qualité – certifiant des étudiants chômeurs diplômés, endettés. Le système d’études supérieures américain ressemble à ce que l’on retrouve dans les pays du tiers-monde et il craque de toute part, menaçant d’imploser. Un étudiant soulignait que la bulle de la dette étudiante américaine de mille milliards de dollars pourrait être la source du prochain crash boursier quand des milliers d’étudiants déclareront faillite et répudieront chacun leur dette personnelle (3).

ROZON LA SUBVENTION S’AMÈNE RELAYER MARTINEAU LE BOBO

Au début de l’émission, monsieur subvention-Rozon, parasitant depuis toujours les charités de l’État, s’amène au front reconnaissant de tout cet argent par lui dilapidé au cours de toutes ces années. Rozon connait les mœurs du sérail qui stipule qu’on lèche amicalement la main qui vous nourrit somptueusement. Pathétique, cette levée d’étriers de l’homme-prostitué le plus grassement subventionné de la cité, donnant des leçons de parcimonie aux étudiants payés au salaire minimum – car il faut se rappeler que 80% des étudiants-étudiantes universitaires travaillent et la majorité à temps plein.

C’est là une différence importante qu’un journaliste-analyste qui aurait souhaité renseigner aurait dû signaler. Aujourd’hui, contrairement aux temps passés (1960-2000), un étudiant universitaire passe plus de temps au travail qu’à l’université, il vit en couple et sa compagne travaille également. Voilà pourquoi ce sixième ‘round’ de résistance étudiante est aussi farouche – militant – déterminé. Les troupes étudiantes sont en fait des partisans ouvriers-étudiants qui luttent pour leur survie et qui ont décidé de refuser qu’on leur transfère sur le dos le fardeau de l’insidieuse crise économique récurrente (la faillite grecque n’étant que l’exemple le plus récent). Les jeunes militants-étudiants savent que l’une après l’autre les économies des pays capitalistes occidentaux passeront à la casserole.

Point de conflit de génération, de la dualité Montréal-régions et de la querelle des anciens de la Trudeaumanie, du Reférendum et de la séparation ! Les jeunes et les moins jeunes du Québec, du Canada et du monde entier (Printemps arabe et crise européenne inclus) savent bien qu’ils vivent dans un monde globalisé – interdépendant – qui se dirige inexorablement vers une nouvelle catastrophe économique, financière et militaire.

SONDAGE BIDON

La mise en scène médiatique de Radio-Can visait d’autres objectifs que leur sondeur patenté (CROP, un habitué des sondages truqués) a découvert à travers son questionnaire : a) Les leaders étudiants sont discrédités, révèle le sondage manipulé. b) Le gouvernement a déjà fait de lourdes concessions. c) Le gouvernement déficitaire pourra-t-il faire davantage de concessions aux étudiants (4) ? C’est la façon que CROP et Radio-Can ont trouvé pour contribuer à la liquidation du mouvement étudiant et apporter leur soutien au gouvernement chambranlant. Reprenons chacune des constatations que le sondage falsifié CROP-Radio-Can prétend dévoiler :

A) Il est dorénavant admis que les bureaucrates syndicaux classiques sont de plus en plus discrédités, ce qui est un acquis de cette lutte populaire où les représentants étudiants se sont mués en PORTE-PAROLE parfois rabroués par leurs assemblées générales – du nouveau pour les fiers-à bras-de la FTQ qui se demandent encore comment faire descendre le chat du poteau où ils seraient perchés – c’est-à-dire démobiliser les milliers d’étudiants ouvriers engagés. Ce ne sont pas les « chefs » syndicaux étudiants qui décident mais les militants qui tiennent les lignes de piquetage et se font matraquer, du nouveau dans le syndicalisme québécois. Radio-Can voulait rappeler aux porte-parole étudiants que pour mériter leur notoriété ils avaient le devoir de mener leurs commettants par le bout du nez jusqu’à l’enclos où le gouvernement les attend.

B) Le gouvernement est celui qui a lancé l’attaque contre les étudiants en haussant les droits de scolarité. Le gouvernement n’a fait aucune concession jusqu’à présent puisqu’il a refusé de négocier le gel des droits de scolarité. Il a même eu l’outrecuidance de les augmenter à 1778 $ au cours même du conflit. Et les porte- parole étudiants sont étonnés du rejet de cette insulte à leur combat !?...
C) Le troisième « média-mensonge » colporté par CROP-Radio-Can via ce sondage trafiqué a trait à l’incapacité de payer du gouvernement. Le gouvernement a accordé 3,6 milliards de cadeaux fiscaux l’an passé, et il a aboli la taxe sur le capital financier qui lui fait perdre des centaines de millions en revenus fiscaux – de quoi payer largement la scolarité de tous. La vérité c’est que le gouvernement des capitalistes n’a pas d’argent pour le peuple, il en a seulement pour les puissants toujours plus gourmands (6).

PRÉPARER LA NÉGOCIATION – CAPITULATION

La dernière mission de cette émission spéciale de Radio-Can était de désamorcer la crise en préparant la négociation que les riches voudraient : une capitulation de la part des étudiants. Malheureusement, les leaders étudiants timorés n’ont pas dénoncé ce sondage manipulé, ce qui dénote leur état d’esprit défaitiste alors que la crise s’approfondit et s’élargit et que leur cause triomphe face à ce gouvernement décadent.

Ce ne sont pas d’anonymes répondants à un sondage contrefait qui font la grève et se font matraquer, arrêter, trainer devant les tribunaux, battre, mettre à l’amende et incarcérer. Ceux qui mènent la lutte devant les CEGEPS et les facultés universitaires ont-ils confiance dans leurs représentants ? Si oui, tout va bien ! Si non, qu’ils les congédient.

Les rues du Québec sont-elles occupées par des milliers et des milliers de manifestants venus supporter le gouvernement Charest ? Non nullement ! Les milliers et les milliers prennent la rue malgré l’illégalité, les tribunaux et les policiers pour défier l’inique loi 78. Chaque soir ils encouragent les étudiants et dénoncent le gouvernement, l’État-major des riches coincé dans son Parlement, voilà le seul sondage qui importe.

CLASH SOCIAL - CHAREST DÉGAGE !

Le clash social oppose des milliers d’étudiants et des millions de gens désemparés, écœurés, cyniques qui font le compte de toutes les malversations qu’on étale sans vergogne sous leurs yeux hébétés. Prévarications de ceux qui prétendent gouverner dans l’intégrité et défendre les intérêts de la collectivité. La grève étudiante a fait tomber les masques, comme à chaque lutte farouche d’un segment du peuple contre ceux qui ont perdu toute légitimité.

Dans les conditions sociales, économiques, morales, actuelles, les riches et les ploutocrates manigancent pour sauver leurs investissements, leur capital, leurs profits et ils exigent de leurs hommes de main dans les gouvernements qu’ils les servent docilement en se compromettant ouvertement. Ces derniers – politiciens futés – ne peuvent éviter de s’enfarger et d’exposer leur duplicité pendant ces transferts de fonds et la tonte organisée de larges secteurs de la population. Les médias à la solde ont beau hurler leur loyauté, intensifier leur propagande pour que le peuple accepte qu’on lui rejette le fardeau de la crise sur le dos ; pourtant l’exemple de la résistance étudiante l’emporte sur la peur et la résignation, alors que le consensus populaire se forge autour de la résistance, ce que Radio-Can et les chiens de garde du système annoncent comme une polarisation et la rupture du consensus social. C’est faux. Un nouveau consensus voit le jour autour des partisans, des étudiants, des écologistes, des paupérisés, des indignés, des révoltés âgés ou éphèbes et des ouvriers qui un jour, j’ose espérer, prendront fièrement leur place devant la marche des insurgés.


Notes

(1) http://www.radio-canada.ca/politique/
(2) Manifestation des étudiants de New-York. http://www.youtube.com/watch?v=y60Rccx3iTs&feature=player_embedded
(3) http://www.ledevoir.com/international/etats-unis/350033/endettement-etudiant-une-bombe-a-retardement-aux-etats-unis
(4) La « boulechite » des sondages http://www.vigile.net/La-boulechite-CROP-Lessard-La et les autres http://www.lapresse.ca/debats/le-cercle-la-presse/actualites/201205/21/48-358-la-surinterpretation-des-sondages-dopinion.php et à nouveau sur les sondages à Péladeau-Desmarais http://mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=31047
(5) Route 167, Mine de diamant +/- 300 millions $ pour une route qui mènera à une mine de diamant au nord de Chibougamau. Le gouvernement assumera la majeure partie de la facture en investissant pas moins de 287,6 millions $ dans le projet, soit 8 millions de plus que ce qui était inscrit dans le document présentant les investissements en infrastructures dans le cadre du Plan Nord. Un gisement dont la valeur pourrait dépasser les 5 Milliards $ (aucune transformation au Québec). Selon les prévisions budgétaires, la construction de cette route de 243 kilomètres coûtera 331,6 millions $, soit 1,4 million du kilomètre.

(6) Allègements fiscaux aux entreprises. En 2011, le gouvernement libéral accorde 3,6 milliards $ d’allègements fiscaux aux entreprises. Cet argent n’est pas réinvesti en production, en emploi ou en R&D par les entrepreneurs. Dans les faits, l’argent est investi dans des produits financiers qui rapportent 15% d’intérêt. Quel entrepreneur intelligent irait s’empoisonner la vie à développer son entreprise quand il peut faire 15% sans même lever le petit doigt ? Et comme par hasard le déficit du Québec s’élève à 3,8 milliards $ pour 2011. Alors aujourd’hui on coupe partout pour réduire le déficit. Les générations suivantes se retrouveront finalement à payer le capital d’investissement des entreprises québécoises. http://ageuqtr.org/sites/default/files/Appuis%20aux%20Étudiants.pdf

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