Édition du 17 décembre 2024

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Syndicalisme

C-377 - Des arguments fallacieux

Le Code du travail du Québec prévoit déjà à son article 47.1 que « le syndicat doit divulguer chaque année ses états financiers » et doit remettre gratuitement une copie au membre qui en fait la demande. Le Code canadien, pour sa part, prévoit à l’article 110 que les syndicats « sont tenus, sur demande de l’un de leurs adhérents, de fournir à celui-ci une copie des états financiers certifiée conforme par le président et le trésorier et suffisamment détaillée ».

À cela s’ajoute la Loi sur les syndicats professionnels qui régit les syndicats incorporés. Elle stipule que les syndicats doivent « tenir un ou plusieurs registres contenant les recettes et déboursés » ainsi que « tenir et diviser leur comptabilité pour chaque genre de services ». Que vous manque-t-il, Monsieur le Ministre ?

Que fait la CSN ?

La CSN est une organisation démocratique et transparente envers ses membres. Est-ce à dire que tout ce qu’elle fait plaît à ses 300 000 membres ? Probablement pas. Mais personne ne peut remettre en question le fondement démocratique du processus décisionnel en vigueur dans les instances de la CSN, du syndicat local à la confédération.

À la CSN, nos règles de gouvernance sont établies depuis longtemps et bien connues auprès de nos membres. Sans hésitation, j’affirme qu’elles sont très rigoureuses. Nos statuts et règlements sont disponibles sur notre site Web tout comme nos états financiers qui sont produits semestriellement et examinés par un comité de surveillance. Notre bureau confédéral reçoit ces états financiers. Par la suite, ils sont soumis aux délégué-es de notre conseil confédéral - l’instance qui siège entre nos congrès. Finalement, notre congrès triennal adopte les états financiers qui ont été vérifiés par une firme externe. C’est aussi le congrès qui détermine le budget pour l’exercice suivant. En tout temps, la contrôleuse de la CSN a accès à tous les documents et elle a le pouvoir d’enquêter sur la véracité de toute dépense.

De plus, l’information sur les activités de lobbying des dirigeantes et des dirigeants de la CSN est déclarée et accessible sur le site Web du commissaire au lobbying du Québec.

Que nous ? Vraiment ?

Comment doit-on interpréter qu’aucune organisation au Canada, pas une seule cotée en bourse, pas un seul des 85 917 organismes de bienfaisance enregistrés auprès de l’Agence de revenu Canada (ARC), pas un seul des quelque 100 000 organismes sans but lucratif - sauf les organisations syndicales - ne sera tenu de rendre publics des renseignements confidentiels détaillés ? Comment doit-on interpréter aussi le fait que de toutes les organisations dont les membres peuvent déduire leurs cotisations ou leurs droits d’adhésion à une association professionnelle tels les ordres professionnels, comme ceux des avocats, des médecins, des ingénieurs, des comptables, etc., seules les organisations syndicales sont visées.

Il ne fait pas de doute dans notre esprit que ce projet de loi apporte une réponse aux demandes insistantes de plusieurs groupes patronaux généralement hostiles - tout comme le gouvernement Harper - aux syndicats. Qu’a à faire le gouvernement canadien des informations concernant, par exemple, toutes dépenses de 5000 $ et plus encourues avec tels fournisseurs ou encore celles consacrées au recrutement syndical et aux négociations collectives ? Et pourquoi, ou plutôt pour qui, vouloir tant les rendre publiques ?

Ce projet de loi constitue clairement une atteinte au droit d’association. J’ajouterais que c’est une véritable risée à l’heure où, sans vergogne, ce gouvernement a aboli le registre des armes à feu et fait des coupes de plusieurs milliards de dollars dans les services à la population. Est-ce vraiment ce projet de loi que la population attend avec impatience du fédéral ?

Comment ce gouvernement néolibéral, qui se dégage de plusieurs missions fondamentales (environnement, recherche, inspection des aliments, et j’en passe) peut-il expliquer aux citoyens qu’il est prêt à mettre autant de ressources pour jouer au Big Brother avec les organisations syndicales ? Organisations qui de toute façon sont constituées en vertu de lois strictes, qui comportent déjà des obligations de divulgation d’activités et d’états financiers.

Certes, nous pouvons dire, comme plusieurs juristes l’on fait d’ailleurs, que ce projet de loi empiète sur les compétences des provinces et que nous pourrons le contester devant les tribunaux. Mais la vraie question qu’il faut se poser, c’est à qui sert ce projet de loi ? Les organisations patronales, certains partis politiques et certains médias font depuis quelques années flèche de tout bois à l’égard des organisations syndicales, les démonisant à outrance. Si nous ne pouvons pas prétendre à la perfection, nous pouvons certainement prétendre à la transparence, contrairement au gouvernement Harper. Ce projet de loi ne vise qu’à miner la capacité d’action syndicale, qui de toute évidence dérange visiblement ce gouvernement et la droite.

Jacques Létourneau

Conseil central de Montréal CSN

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