Effectivement, malgré l’ampleur de l’actuelle crise environnementale, le nouveau ministre des Finances Carlos Leitao est très frileux quant aux investissements dans la lutte aux changements climatiques et à la protection de la biodiversité, en plus de lancer des projets qui nous éloigneront de nos objectifs dans ces deux domaines.
De plus, la mouture 2014-2015 du budget québécois met la hache dans un des ministères les plus petits mais ô combien important, celui de l’Environnement. Cette diminution, partiellement attribuable au transfert de la Faune et des Parcs, est chiffrée à plus de 37M$, soit une diminution de près de 20% de l’enveloppe déjà mince du ministre Heurtel.
Bien que le ministère soit maintenant celui du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, son enveloppe budgétaire très limitée et l’absence de nouvelles mesures indiquent le manque de sérieux du gouvernement face à ces questions centrales. Pendant que le gouvernement coupe partout pour limiter la dette économique, rien n’est fait pour résorber l’autre dette, la dette écologique, pourtant exponentielle.
Investissements dans le pétrole et le gaz
Autre message fort inquiétant, ce budget 2014 prévoit des investissements de plus d’un milliard de dollars dans les sociétés minières et les hydrocarbures. En créant ce fonds Capital Mines Hydrocarbures, en plus des 450 millions de dollars annoncés cette semaine pour la cimenterie de Port-Daniel (qui augmentera les GES de 2% au Québec), le contraste avec la quasi absence de nouveaux investissements pour les énergies vertes est frappant.
Alors que l’Agence Internationale de l’Énergie indique qu’il nous faut investir mondialement 53 trillons de dollars pour éviter la catastrophe climatique, Québec met ses lunettes roses et nous amène dans la voie contraire.
Autre signe qui devrait faire réagir la population : le gouvernement parle dans son budget d’une « éventuelle mise en valeur du gaz de schiste, dans une perspective durable » (p. 221) et veut « déterminer les meilleures pratiques et technologies disponibles pour des forages avec fracturation hydraulique sur l’île d’Anticosti » (p.223). Contrairement aux évaluations prévues pour Anticosti et les gaz des schistes, le budget est muet sur l’audience publique du BAPE que le ministre de l’Environnement a promis sur le projet de pipeline de sables bitumineux Energie Est et le port pétrolier de Cacouna qui ajouteraient l’équivalent de 7 millions de voitures par année en GES sans parler des dommages collatéraux. Le ministre reculerait-il sur son engagement à évaluer ce projet alors que l’Ontario a presque fini ses consultations sur le pipeline ?
Relance du Plan Nord
S’il y a une chose qui est claire dans ce budget austère, c’est que le gouvernement mise sur l’extraction massive de nos ressources naturelles, et la relance du Plan Nord est au cœur de cette vision. En plus du milliard de dollars pour investir dans les minières et les pétrolières, Québec ramène le projet de lien ferroviaire vers la fosse du Labrador abandonné par le PQ et fait renaître la Société du Plan Nord dotée d’un budget de 63 millions de dollars. Verrat on le pillage de nos ressources non-renouvelables se faire en moins d’une génération ?
Bien que le budget 2014 mentionne que la cible de protection de 50% des écosystèmes nordiques soit maintenue, aucun échéancier et aucun budget ne sont mis de l’avant pour la mise en œuvre de cette cible, ce qui diminue grandement la crédibilité de la démarche.
Sachant que la création d’aires protégées n’apparaît pas dans le communiqué du ministère alors qu’il devrait être au cœur d’un plan de développement du Nord, il est clair que cet aspect essentiel d’un développement nordique viable doit absolument être intégré dans la position du gouvernement Couillard, sans quoi la levée de boucliers sera inévitable.
Les transports en commun restent sous financés
Bien que le gouvernement mentionne que les efforts engagés pour électrifier les transports seront poursuivis, aucun investissement supplémentaire n’est annoncé pour le transport en commun. Pire encore, selon TRANSIT, « Québec ne prévoit aucun investissement supplémentaire dans les infrastructures de transports collectifs d’ici 2024, malgré l’ampleur des besoins au chapitre du maintien et du développement des actifs ». Même la mairesse de Longueuil a raison de s’inquiéter pour les futurs projets de métro et de train léger.
Pluie de million pour l’industrie forestière
Bien en ligne avec la logique néolibérale, le budget Leitao garantit des investissements massifs envers les industries extractives, et celle de la forêt se taille une place de choix dans les investissements gouvernementaux.
Alors que les redevances forestières de l’an dernier se chiffraient à 203M$, le gouvernement Couillard fait passer à 570M$ les investissements publics dans le secteur forestier. En payant pour le reboisement, les travaux sylvicoles, la lutte au feu et aux insectes et en offrant des crédits d’impôt à hauteur de 331M$ à l’industrie, les Québécois ont un manque à gagner de 367M$ pour faire couper leurs forêts publiques.
S’il est important de maintenir l’activité économique afin de garantir des emplois dans les régions forestières, les Québécois sont tout de même en droit de se questionner : est-ce en subventionnant massivement l’industrie forestière privée avec nos fonds publics que nous garantissons un réel épanouissement économique pour les régions ressources ?
La population devra se mobiliser
Le gouvernement Couillard nous présente un budget austère où la protection de l’environnement et la lutte aux changements climatiques ne sont pas une priorité. La population québécoise devra rappeler à ce gouvernement que ces enjeux dont les impacts actuels et futurs sont si grands ne peuvent être balayés sous le tapis au nom de l’austérité.