tiré de : Journal des Alternatives. Vol.8 - No.05, mai 2017 Joël Assaouré, 1er mai 2017
Beaucoup d’arguments ont fusé en faveur des avantages d’être membre de l’un des plus importants blocs commerciaux au monde. Mais aussi, de nombreuses frustrations ont été exprimées à travers le refus du peuple britannique de maintenir son appartenance à une Europe divisée et en pleine mutation.
L’immigration et la mondialisation ont été utilisées comme vecteurs de tous les maux dont souffrait la société britannique. Le chômage élevé, les pressions sur les systèmes sociaux et d’aide aux démuni.e.s, les secteurs primaires tels que l’agriculture et la pêche fortement tributaires des réglementations venant de Bruxelles, le fossé grandissant entre riches et pauvres sont venus accentuer la fracture sociale. Est-ce que le divorce avec l’Europe améliorera réellement cette situation ?
Tant il est vrai que la livre sterling a perdu plus de 15% de sa valeur depuis le résultat du référendum, les économies britannique et mondiale n’ont subi que des chocs mineurs, bien en-dessous de ce que d’aucuns avaient annoncé. En effet, il ne faut pas perdre de vue que pour une économie moderne comme celle du Royaume-Uni, les dépenses à la consommation comptent pour plus de 60 % du PIB, ce qui est un trait distinctif considérable. Londres reste aussi un centre financier majeur où la plupart des institutions financières sont domiciliées, au grand dam d’autres villes comme Paris, Frankfurt, Dublin ou Luxembourg. En outre, les chocs financiers sont de plus en plus anticipés et maitrisés par les banques centrales mondiales afin de stabiliser les marchés.
Une ambiance politique explosive
Le temps est venu de faire face au Brexit, ce générique qui a encore résonné depuis que l’Article 50 (qui entame de manière formelle le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne) a été déclenché le 29 mars dernier. Par la suite, d’âpres négociations se tiendront, et sans surprise d’une part la commission européenne et le conseil européen et d’autre part le Royaume-Uni veilleront à préserver leurs intérêts respectifs. « Pris à part, nombre de ces dossiers peuvent être résolus, mais leur accumulation sur une période, le tout dans une ambiance politique explosive rend l’affaire extrêmement compliquée. A cela s’ajoute un calendrier excessivement serré [1]. »
En dépit de l’annonce récente des élections générales au Royaume-Uni [2], initialement prévues pour 2020 et ramenées au 8 Juin 2017 (autre signe évident des remous politiques internes), deux éléments devraient influencer significativement les termes des négociations du Brexit à savoir l’issue des élections en France et en Allemagne ainsi que les discussions avec le conseil européen. En effet, ces deux pays sont les principaux membres fondateurs de l’Union européenne et ont une grande influence sur le conseil européen regroupant l’ensemble des états européens - la Commission européenne ayant plutôt pour fer de lance la préservation des libertés fondamentales de l’Europe [3]. Tout comme récemment en Hollande, si les partis nationalistes d’extrême droite ne se font pas élire aux élections, il y a de fortes chances que cela favorisera de meilleurs résultats afin de trouver pour l’Europe et le Royaume-Uni, de bons compromis axés sur le libre-échange commercial, la libre circulation et la suprématie de la Cour européenne de justice.
Terrain d’entente et justice sociale
Le monde change et évolue. Les tendances politiques sont dorénavant ouvertes ou fermées au lieu d’être de gauche ou de droite. Certains accords prennent forme ou prennent fin alors que des décrets sont modifiés par les évènements en cours. Les objectifs de l’Union européenne et du Royaume-Uni, de même que les formes de négociation du Brexit foisonnent. Les concessions à prévoir, comme la libre-circulation avec quotas seront moins ruineuses que les dommages qu’entrainera une guerre économique. Toutefois, un accord de libre-échange comme celui entre l’Europe et le Canada est à envisager malgré la lourdeur des procédures. Il ne faut surtout pas s’attarder sur de vaines querelles selon ce que l’autre partie va perdre, mais plutôt rechercher de nouveaux horizons. D’où l’impérieuse nécessité de trouver un terrain d’entente où chaque partie pourra jouer confortablement.
Au-delà du Brexit, la montée des mouvements populistes et nationalistes se fait sentir un peu partout dans le monde et ne montre aucun signe de repli. Ces mouvements emploient des méthodes qui visent à dénoncer une élite corrompue et à mobiliser les franges de la population laissées en marge de la croissance économique. A cela viennent s’ajouter parfois des politiques d’austérité inefficaces sur des populations qui montrent du doigt l’immigrant.e.
Comment y répondre ? Certes, il est impossible de mettre tout le monde d’accord autour d’un scrutin électoral. Mais, ce qui serait cependant faisable c’est de réclamer de la politique une certaine justice sociale, aspiration universelle à promouvoir tout être humain et assurer une sécurité financière et économique, visant à son épanouissement et celui des générations futures.
Notes
[1] Le Monde. (Page consultée le 17 Avril 2017). « Le Brexit, les négociations les plus compliquées de tous les temps. » [En ligne]. Adresse URL : http://www.lemonde.fr/referendum-sur-le-brexit/article/2017/03/29/le-brexit-les-negociations-les-plus-compliquees-de-tous-les-temps_5102278_4872498.html#ycScKgoFbQCjg7jJ.99
[2] BBC (Page consultée le 20 Avril 2017). « Theresa May’s general election statement in full. » [En ligne]. Adresse URL : http://www.bbc.com/news/uk-politics-39630009
[3] The Economist. The World in 2017 – Britain
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