Édition du 12 novembre 2024

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Asie/Proche-Orient

Asie du Nord : une région en armes

Malgré le rapprochement sino-américain qui commence avec l’entrée de la République populaire de Chine au conseil de sécurité de l’ONU (1971) et le voyage de Nixon à Pékin (1972), les conditions n’ont jamais été réunies pour mettre définitivement fin à l’état de guerre dans la péninsule coréenne.

Tiré de l’hebdo L’Anticapitaliste - 382 (04/05/2017)

Les États-Unis ont maintenu le dispositif militaire qu’ils avaient renforcé durant la guerre du Vietnam, particulièrement puissant en Asie du Nord-Est. La Chine ne voulait à aucun prix courir le risque, en cas de réunification de la Corée, de voir les forces US camper à ses frontières. Pas de solution donc « à l’allemande », seulement un gel prolongé de la situation.

Un régime en survie

Le régime nord-coréen ne s’est pas effondré, comme l’espéraient probablement des dirigeants américains, et ce, malgré différents facteurs : crises sociales internes (famine dans la seconde moitié des années 1990, pénuries…), implosion de l’URSS, ralliement au capitalisme de Pékin et développement de ses liens avec la Corée du Sud, mort du grand leader (Kim Il Sung) puis de son fils, sanctions internationales, pressions exercées et attaques très concrètes menées par Washington (guerre électronique)…

Comme le note Philippe Pons, « s’il n’avait été que stalinien, il n’aurait pas survécu », malgré le recours à la terreur. La mentalité de forteresse assiégée lui aurait notamment permis de mobiliser un nationalisme/patriotisme, ethnique plus que politique, forgé sous l’occupation japonaise et de construire un « récit national » liant le passé récent à la résilience d’un « État-guérilla ».

L’intérêt de cette question est qu’elle permet de comprendre pourquoi la politique US a échoué, la menace permanente renforçant des mécanismes idéologiques de survie du régime. Pyongyang a par ailleurs tiré une leçon de l’actualité internationale : seule la possession de l’arme nucléaire protège efficacement un pays « ennemi » d’une intervention occidentale.

L’engrenage qui a suivi l’annonce du programme nucléaire nord-­coréen aurait probablement pu être enrayé sur la base des accords négociés par Washington, à partir de 1994, sous la présidence de Bill Clinton. Mais ces accords ont été unilatéralement rompus par George Bush qui a, de plus, placé la Corée du Nord dans « l’axe du mal ». L’administration Obama a fondamentalement maintenu la même posture. Les grandes manœuvres aéronavales conjointes USA-Corée du Sud ont pour thème un débarquement ou des infiltrations au Nord. Tout un système de guerre électronique a été mis en place pour saboter à distance les programmes nord-coréens.

L’escalade militaire, jusqu’où ?

Une fenêtre d’opportunité s’est refermée avec la montée des tensions sino-étatsuniennes en Asie orientale. Toute la région est maintenant sur pied de guerre. En mer de Chine du Sud, Pékin a conquis l’initiative. Sept îles artificielles ont été créées sur lesquelles des installations militaires, pistes d’aéroports et bases de missiles ont été construites. Le programme d’armement chinois se développe et un second porte-avions vient d’être mis à flot, de fabrication entièrement nationale (la coque du premier avait été achetée à la Russie).

Dans ces conditions, les États-Unis tiennent d’autant plus à maintenir leur contrôle sur les détroits maritimes, grâce à la VIIe Flotte, ainsi que leur prédominance militaire en Asie du Nord-Est. Ils bénéficient d’un formidable réseau de bases en Corée du Sud, au Japon et à Okinawa notamment, et d’armées alliées (sud-coréenne et japonaise).

L’escalade se poursuit. Washington vient d’installer en Corée du Sud une base de missiles antimissiles THAAD, chargés officiellement de détruire des engins nord-coréens. Cependant, vu leur portée, les THAAD peuvent opérer sur une grande partie du territoire chinois. Ils neutralisent ainsi la force de dissuasion nucléaire de la Chine qui prévoit en conséquence, pour la mettre à l’abri, de moderniser et de déployer dans les océans ses sous-marins stratégiques.

Bien que censé n’avoir que des forces d’autodéfense, le Japon possède déjà la sixième flotte militaire au monde, comprenant notamment quatre porte-hélicoptères. Le gouvernement et le complexe militaro-industriel tentent de faire sauter les derniers obstacles politiques à un réarmement complet – y compris nucléaire – du pays, malgré une Constitution explicitement pacifiste et la force du sentiment antimilitariste dans la population.

Programme nord-coréen, bouclier antimissile US en Corée du Sud, expansion et modernisation de la capacité de frappe chinoise, projets de la droite militariste nippone… Le cycle infernal des provocations et contre-provocations a relancé la course à l’armement nucléaire en Extrême-Orient. Tous les régimes concernés en sont responsables et la question de savoir qui a tiré le premier coup de feu de la guerre de Corée n’a plus aucune importance face à un tel désastre.

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