Édition du 17 décembre 2024

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États-Unis

Biden sera-t-il un autre Roosevelt ?

La question la plus fréquemment discutée ces derniers temps aux États-Unis est peut-être la suivante : le président Joseph Biden sera-t-il un autre Franklin D. Roosevelt ?

Hebdo L’Anticapitaliste - 567 (06/05/2021)

Par Dan La Botz

La présidence de FDR, de 1933 à 1945, a transformé les États-Unis avec son New Deal, un ensemble de programmes de protection sociale qui ont réécrit le contrat social de la nation. Pendant la Grande Dépression des années 1930, marquée par l’effondrement des banques et celle de l’activité, la faillite des petites entreprises et un chômage de 25%, FDR a créé des programmes d’emplois massifs, élargi les aides gouvernementales et, plus important, il a créé un système public de retraites et fait adopter la loi nationale sur les relations de travail qui donne aux syndicats le droit d’organiser les travailleurEs. Roosevelt a également construit la « New Deal Coalition », comprenant les syndicats, les AfricainEs-AméricainEs et les entreprises produisant des biens de consommation ; coalition qui est devenue le socle du Parti démocrate pendant 75 ans.


Le précédent Johnson

Aujourd’hui, beaucoup se demandent, alors que les États-Unis sont confrontés à une autre crise (la pandémie de coronavirus et la dépression économique qui l’accompagne), Biden va-t-il effectuer des transformations similaires ? Il ne serait pas le premier à aller dans ce sens. Dans les années 1960, le président Lyndon B. Johnson a aussi réalisé des transformations d’ampleur avec les lois sur les droits civiques et le droit de vote qui ont affranchi les Noirs du Sud et a lancé sa « guerre contre la pauvreté » et la « Grande société » avec des programmes d’éducation et de santé, avec en particulier Medicare pour les personnes âgées et Medicaid pour les pauvres.

FDR et LBJ ont tous deux agi en réponse à une énorme pression sociale. Le bouleversement ouvrier des années 1930 avec des vagues de grèves marquées par des piquets de grève massifs, des occupations d’usines et des affrontements avec la police et la garde nationale ont conduit FDR à agir. LBJ a agi sous la pression du mouvement des droits civiques noir avec ses boycotts, sit- ins, et des manifestations de masse. Aujourd’hui, Biden ne subit aucune pression de la part des mouvements sociaux, mais a d’abord dû faire face au problème unique de la pandémie de coronavirus. Une législation sociale progressiste peut-elle être adoptée sans agitation populaire et ouvrière ?

« Reconstruire l’Amérique »

Qu’est-ce que Biden essaie de faire ? Il tente d’amener le Congrès à adopter une législation qui coûtera 6000 milliards de dollars — payés en augmentant les taxes sur les riches et les entreprises — et annonce de nombreux nouveaux programmes pour l’économie, la justice raciale et l’environnement. Il justifie son paquet en faisant valoir que les États-Unis doivent rester compétitifs avec les autres nations, la Chine avant tout. Autrement dit, le tournant progressiste de la politique intérieure est motivé par le désir de reconstruire l’Amérique afin de rétablir l’hégémonie mondiale de l’impérialisme US.

Jusqu’à présent, seul le plan de sauvetage de 1900 milliards de dollars pour faire face au covid a été adopté. Deux autres plans demeurent à adopter : le plan pour l’emploi de 2300 milliards de dollars et le plan de soutien aux familles de 1800 milliards de dollars. Avec un Sénat divisé entre 50 démocrates et 50 républicains, il sera difficile de les faire voter par le Congrès, en particulier avec des règles désuètes qui nécessitent généralement 60 voix pour adopter un projet de loi.

Du côté de la gauche

Le débat tourne autour de la reconstruction des infrastructures nationales. Les Républicains définissent les infrastructures comme des routes, des ponts, des chemins de fer et peut-être internet à haut débit, tandis que Biden et les Démocrates soutiennent que des éléments tels que la garde d’enfants, une assurance maladie élargie et deux ans d’études universitaires gratuites doivent y être inclus. Le plan de Biden pour faire face au changement climatique en développant les sources d’énergie renouvelables est contesté par les Républicains et les compagnies pétrolières, mais il est également critiqué par les groupes environnementaux qui soutiennent qu’il n’est pas assez ambitieux. La démocrate progressiste Alexandria Ocasio-Cortez dit que ce plan devrait être quatre fois plus important.

Les Socialistes démocratiques d’Amérique (DSA) ont soutenu le sénateur Bernie Sanders lors des primaires démocrates, mais Biden a en fait repris des éléments du programme de Sanders, qui était également le programme de DSA. Les membres de DSA pensent peut-être qu’ils ont réussi à faire bouger les démocrates. Ils devraient se souvenir que la même chose s’est produite dans les années 1930, lorsque FDR a adopté de manière pragmatique une grande partie du programme du Parti socialiste américain. Ce qui a conduit en définitive au recul de ce parti tandis que de nombreux socialistes se transformaient en démocrates.

Traduction Henri Wilno

Dan La Botz

L’auteur est un professeur d’université américain et un militant de l’organisation socialiste Solidarity.

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