Jacques Benoit
Ex-coordonnateur de la Coalition solidarité santé
(en réponse à la chronique de Patrick Lagacé « La patrie avant les partis » publiée dans LaPresse du 8 avril 2020.)
Salut Patrick,
J’ai lu ta chronique où tu encensais Gaétan Barrette pour sa non-partisanerie actuelle, où le ministre-politicien faisait place, disais-tu, au bon docteur capable d’expliquer les choses de la science et d’être éducateur.
Et je me suis étouffé dans mon café !
Je vais essayer d’être bref et de rester poli.
Ce monsieur respecte la science, dis-tu, ou du moins demande aux gens de la respecter ? Pourtant, quand il a fait sa réforme, il n’en a pas fait autant. Alors que la grande majorité des intervenant.e.s, y compris une bonne partie des hauts-fonctionnaires de son ministère, lui ont signifié que ça allait à l’encontre de la science, à l’encontre de la littérature, comme on dit, et que ça avait été démontré et très bien documenté par toutes les expériences du genre qui avaient été faites ailleurs, ce « bon docteur » n’en a rien eu à cirer !
Lui et son gouvernement, celui de Philippe Couillard, un autre médecin spécialiste, ont fragilisé le réseau public de SSS au point où on a perdu plein de personnels, à commencer par des compétences de gestionnaires qui seraient actuellement très utiles pour gérer la crise. La réforme Barrette a transformé le réseau public en système chinois où les PDG sont comme les sous-fifres du PCC de Xi Jinping qui cachent la réalité pour plaire à leur supérieure (le-la ministre). Ils-elles n’ont pas l’habitude de s’enquérir de ce qui se passe sur le terrain, d’abord parce qu’ils-elles en sont tellement loin qu’ils-elles ne le voient qu’à travers une paire de jumelles à l’envers ! Ensuite, parce qu’ils-elles sont plus habitué.e.s à attendre les ordres d’en haut et à les faire descendre et les appliquer mécaniquement (pense seulement au CHSLD de Ste-Dorothée : les deux employée.e.s à l’origine de la contamination n’avaient que 2 symptômes et pas les 4, comme indiqué sur la directive !). On voit les personnels passer par les journalistes pour faire connaître à la ministre, lors des conférences de presse, la réalité du terrain puisque leurs cadres ne le font pas.
Pour les tests et les analyses de laboratoire si nécessaires pour combattre la COVID, la centralisation par Barrette des laboratoires (OPTILAB) a réduit là encore les possibilités et les capacités d’agir, au point où même des médecins ont fini par la décrier. Ça, ça signifie plus d’infections, et plus de possibilités de décès !
Quant à la Santé publique, dont le Dr Horacio Arruda est le directeur, elle fonctionne avec 1/3 de son budget en moins depuis les coupes de Barrette, alors qu’elle aurait besoin d’au moins 50 % de plus de son budget habituel.
La Santé publique manque cruellement d’équipement et de personnel, au point où Dr Arruda doit rappeler des ancien.ne.s (comme Richard Massé et d’autres) pour prêter main-forte. La structure réduite et fragile complique au plus haut point son travail, y compris pour de possibles prédictions (sans doute une des raisons pour lesquelles le Dr Arruda ne voulait pas s’y engager).
La Santé publique doit tenter de répondre au gouvernement et aux journalistes, et à ses propres questions : faut pas oublier que la connaissance sur ce virus, même internationale, n’a pas 16 semaines d’âge, les statistiques des autres pays ne peuvent s’appliquer ici automatiquement puisque les pays touchés n’ont pas la même culture que nous, par exemple de parquer les personnes âgées toutes ensemble dans de grandes résidences un peu partout, et on n’a aucune idée de la résistance du virus aux changements de saison.
La Santé publique doit pouvoir aider le gouvernement à prendre des décisions importantes sur un virus qui est invisible, incontrôlable, superactif et à propagation maximale, et dont le seul médicament connu pour le moment est le confinement. Comment on fait ça, une société basée sur le confinement ? Le sais-tu, toi ?... Eux non plus !... Comment on organise la production industrielle, même pour la consommation essentielle sans superflu, mais avec deux mètres entre chaque employé.e ?... Comment on fait l’école, avec deux mètres entre chaque élève, dans la classe et dans la cour, dans les corridors, etc.? Quelles sont les étapes vers ça ?
La Santé publique, actuellement, fait des miracles avec ce qu’elle a, et ce gouvernement, que je n’aime pas particulièrement, fait avec ce qu’on lui donne (et la pression du monde des affaires) !
La seule chose qui nous sauve, c’est que ce n’est pas le gouvernement Couillard-Barrette qui est au pouvoir ! Peux-tu imaginer comment ce serait ?... Ces deux- là n’avaient même pas de coeur, et se sentaient supérieurs à tout le monde. Peux-tu imaginer les conférences de presse faites par eux ?... Les toilettes du Québec ne suffiraient pas à contenir tous les vomissements de la population.
Une bonne partie de tous les problèmes que l’on voit actuellement découlent de la réforme Barrette (et du gouvernement Couillard), et de son incapacité à écouter la science, les gens du terrain et les experts : pas besoin de ça, voyons donc, lui pis son boss Couillard, savaient.
Tu dis qu’il n’a rien à gagner ? Au contraire ! Ce n’est pas pour rien qu’il joue à Barrette le soyeux, le gentil, le compétent : il veut faire oublier que c’est lui et Couillard qui sont responsables d’une bonne partie de toute la merde qu’on vit actuellement, et de beaucoup de décès qui vont en découler.
J’suis plus capable de le voir se promener dans les médias et se refaire une virginité, alors qu’il a massacré le réseau public de SSS, et écrasé tous ses personnels, sauf les médecins, particulièrement les spécialistes. Il n’a aucune crédibilité, surtout auprès des personnels du réseau public.
Lui donner le micro est une insulte à toutes ces personnes qui ont résisté, à toutes celles qui ont craqué et qui sont tombées, et à toutes celles qui reviennent actuellement prêter main-forte à un réseau public qu’elles avaient quitté avant d’y laisser leur santé mentale et physique durement affectée par une réforme insensée et inhumaine d’un ministre imbu de lui-même et de son pouvoir.
Si les médias aiment nos anges gardiens du système public de SSS autant qu’ils le disent, qu’ils arrêtent de promener le diable comme une éminence grise : il les a tant méprisés, écoeurés et rendus malades, il a fait qu’ils et elles courent actuellement au détriment de leur propre santé pour nous soigner et nous aider, et il est déjà responsable de la mort de plusieurs Québécoises et Québécois dans cette crise sanitaire.
S’il faut rendre à César ce qui est à César, il faut rendre à Barrette ce qui est à Barrette !
Dégagez, Dr Barrette ! On vous a assez vu et subi !...
P.S. Une rumeur qui circule raconte que lorsqu’il y a eu panne électrique à Sainte-Foy il y a une semaine, l’Institut national de Santé publique –INSPQ- était dans les 50 000 sinistrés ; ça, ça veut dire aucun courant électrique pour tous les appareils (ordinateurs, laboratoires, etc.) de l’Institut qui doit suivre au jour le jour, d’heure en heure, la situation pandémique. Les employé.e.s ne pouvaient plus travailler, impossible de continuer le travail urgent et essentiel. Et ça a duré plusieurs heures. Comment se fait-il que l’INSPQ n’ait pas de génératrice, comme un hôpital ? C’est un service essentiel ! Réponse, je te la donne en mille : ça coûtait trop cher, pas assez de budgets !...
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