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Europe

Aux derniers hésitants – Avec la campagne et le vote pour Jean-Luc Mélenchon

mercredi 5 avril 2017 | tiré d’Europe solidaire sans frontières

Face aux dangers qui menacent et pour préparer l’avenir, la tâche de l’heure est de manifester au plus haut niveau possible l’existence d’un camp du renouveau démocratique, écologique et social. Avec la campagne et le vote pour Jean-Luc Mélenchon.

Au lendemain de la spectaculaire victoire de Hamon à la Primaire, alors que les sondages le propulsaient à son plus haut, je m’étais adressé dans ces colonnes « Aux Hésitants »[voir article reproduit ci-dessous], défendant le vote Mélenchon alors apparemment en moins bonne posture. Ce ne sont donc pas les sondages qui lui sont devenus bien plus favorables qui importent dans mon argumentation.

La victoire salutaire de Hamon signait la défaite des orientations social-libérales dans ce qui se réclame encore de la gauche. Mais elle manque de cohérence. Sur le contenu, puisque même sans mettre en discussion des points de son programme aussi importants que le revenu universel ou la défense de l’OTAN, le refus d’engager réellement la confrontation avec les traités européens suffit à prédire que le chemin à venir est connu : au mieux celui des illusions, au pire celui des reniements. Puis quant à l’attachement incompréhensible à un parti qui lui est pourtant hostile. Il compte 70% de candidatures, vallsistes et hollandistes, et Valls lui-même dont on doute qu’il reçoive la monnaie de son reniement. Ce qui donne à la revendication d’être « central » à gauche une coloration particulière. Il s’agirait donc en réalité d’être « au centre » d’une chaîne, fantasmatique et toxique, qui irait de Valls jusqu’au candidat de la France Insoumise ! En conséquence, les purs calculs sondagiers n’ont pas de consistance, qui ajoutent sur le papier celles et ceux qui ont acté la rupture avec l majorité du PS réellement existant et la partie qui lui reste encore attachée, fusse par des fils tenus. Il n’y a pas de raccourcis arithmétiques possibles sur la voie de la reconquête d’une majorité populaire, avec l’indispensable travail de reconstruction d’une gauche de combat.

Jean-Luc Mélenchon a raison de s’adresser en priorité à la masse des indécis, laquelle, c’est absolument vrai, fera l’élection. Je voudrais ici plus modestement m’adresser à une catégorie plus limitée, celle située à gauche, et bien à gauche. En soutenant Poutou et son dynamisme révolutionnaire ancré dans sa vie même d’ouvrier militant, mes camarades de la gauche révolutionnaire font un choix parfaitement conséquent. Et entièrement légitime. Personne ne leur fera le coup grotesque du « vote utile ». Et après avoir franchi la scandaleuse barrière des parrainages, ils ont démocratiquement le droit de défendre leur programme. Dont la boussole est l’anticapitalisme, l’internationalisme et la volonté de développer les mobilisations de masse. Mais la propagande à ce sujet est-elle la tâche principale de l’heure, à ces élections ci ? Alors qu’entrent en crise les deux principaux partis de la 5e République, que les luttes populaires n’en peuvent plus de ne pas parvenir à déboucher, que le FN menace à une telle hauteur, l’objet de l’élection n’est-il pas de manifester au plus haut niveau possible l’existence d’un camp de la résistance, celui de la recherche d’un renouveau démocratique, écologique et social ? Face à la possibilité d’un FN au second tour aux alentours de 40% (et peut-être au dessus) l’histoire nous montre que l’appel aux luttes, condition toujours nécessaire, n’est jamais suffisant. Il faut dresser un bloc proprement politique d’ampleur suffisante. Et un espoir lié à ce bloc, fait non de ressentiment, mais capable d’ouvrir une perspective vers un monde nouveau. Un programme, fut-il taillé au cordeau, n’y suffira jamais. Pour y parvenir personne n’est de trop, et en particulier pas les votants pour Hamon à la Primaire, ou Hamon lui-même s’il tire les conséquences de l’évolution de son parti. Car contrairement aux années 30 convoquées si souvent à la légère, personne ne considère que la social-démocratie soit « l’ennemi principal ». Mais ce bloc à venir (qui ne limite donc pas aux frontières de la France Insoumise) doit être à la fois suffisamment large pour donner confiance, et suffisamment en rupture avec l’ordre ancien de la 5e République et de ses partis dominants pour répondre au rejet massif que les politiques néo-libérales autoritaires ont provoqué.

Dans cet objectif qui vaut ailleurs en Europe comment se fait-il que dans certains secteurs de la gauche militante l’on sache mesurer à sa juste valeur l’apport d’un mouvement comme Podemos et qu’on ne sache pas proportionner d’éventuelles critiques à la campagne de Mélenchon ? Le programme de Podemos est en retrait évident sur celui de la France Insoumise sur les questions écologique et féministes. Lors de la dernière campagne législative, son dirigeant Pablo Iglesias le revendiquait comme étant purement social-démocrate. Son positionnement international ne comprenait pas la sortie de l’Otan, même si, après la victoire de Trump, Iglesias appelle à « son dépassement », mais… au nom d’une « défense européenne » dont les internationalistes mesurent le caractère inévitablement guerrier et impérial. Enfin la référence au « populisme de gauche » des fondateurs de Podemos est hautement revendiquée, ainsi que leur rejet constitutif de la division « gauche/droite » jugée dépassée. Comme est revendiqué aussi le verticalisme absolu du fonctionnement retenu lors de son premier Congrès, et salutairement contesté au second. Cela dit, les combats dans l’Etat Espagnol sont-ils facilités ou pas avec Podemos ? Quelqu’un à gauche a un doute sur la réponse ? Certes comparaison n’est pas raison. Mais les nôtres de combats seront-ils facilités ou pas avec un vote Mélenchon à un haut niveau ? Tout se passe parfois comme si pour ces secteurs l’éloignement au-delà des Pyrénées permettait de mesurer plus sereinement la portée générale d’une rupture nouvelle tout en ne perdant aucune capacité critique. Comme si elle prémunissait alors de la désinvolture avec laquelle on peut combattre le vote Mélenchon seulement au nom de critiques éparses, aussi estimables soient-elles [1]. Sans s’interroger quand on chez soi sur la seule question qui vaille : pour penser l’avenir d’une gauche de combat, il faut accepter l’idée que la fin de l’hégémonie du PS soit une nécessité absolue. Comme sans doute le dépassement des partis de gauche tels que l’histoire nous les a légués (ce qui ne veut dire ni leur disparition, ni la fin des indispensables références théoriques éventuellement distinctes dont la productivité doit être réaffirmée). Contrairement à ce que n’a pas su faire le Front de Gauche, entravé par les conservatismes d’appareil, donner réellement le pouvoir à la base d’un futur nouveau mouvement. Tout en inventant son fonctionnement réellement démocratique, appelé de toutes parts comme l’a montré l’expérience de Nuit Debout, et sans lequel l’échec est garanti. Ce n’est pas pour rien que la question de la démocratie interne (entre autres) a mis Podemos au bord de la scission lors de son deuxième Congrès. Trouver aussi des moyens originaux de relation avec les mouvements sociaux qui ne soient pas de subordination.

Nous n’y sommes pas arrivés jusqu’à présent sans doute aussi parce que nous ne prenons pas la mesure des divisions profondes qui frappent cette gauche sur nombre de points [2]. Il est tellement facile de faire de chacune d’elle un obstacle insurmontable. Il faudra pourtant la rassembler malgré tout, en s’appuyant donc déjà sur ce qui peut faire un large accord. Et sans fermer aucun des débats qui s’imposent sur chacun de ces points de divergence éventuelle. Sauf que la démesure de certaines mises en cause (comme celle, totalement inacceptable, assimilant Mélenchon et Le Pen), appelant en réponse des fermetures à tout débat chez certains partisans de la France Insoumise n’est pas le bon chemin à prendre. Il faut retrouver le sens du débat serein.

Et alors le redire avec force : rien ne sera possible si ne manifeste pas, à cette élection, la force la plus importante possible (et désormais, tout le monde le voit, elle peut l’être, importante !) qui puisse soutenir une triple perspective de rupture, de renouvellement et de large rassemblement. Donc avec la campagne et le vote pour Jean-Luc Mélenchon. Il semble que beaucoup d’hésitants de ces dernières semaines l’aient compris. Convaincre les derniers de le faire aussi c’est la tâche des derniers jours.

Samy Johsua

[1] Disponible sur ESSF (article 40762), Pourquoi je ne voterai pas Mélenchon – Cinq divergences.

[2] On lira sur ce point avec grand intérêt https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/110317/comment-sortir-la-gauche-de-limpasse?onglet=full

* https://blogs.mediapart.fr/samy-johsua/blog/050417/aux-derniers-hesitants


Aux hésitants

6 FÉVR. 2017

Le « désir de gauche » s’est exprimé nettement à la primaire PS. Oui, en faire réellement une alternative est une nécessité. Mais, pour l’heure, les conditions pour aller dans ce sens ne sont pas données par Benoît Hamon. Le soutien de la campagne de Mélenchon reste le choix le plus efficace pour y contribuer.

Si Valls avait obtenu l’investiture… Voilà qui aurait manifesté un état désespérant du pays et de sa gauche. Le choix effectué par plus d’un million de personnes en faveur de Hamon est donc une excellente nouvelle. Les soutiens de Macron s’étant éloignés, il n’y a donc plus à gauche de base populaire pour le néo-libéralisme autoritaire. Après l’auto-élimination du chef de la bande, Hollande, c’est son porte flingue le plus zélé qui a pris le toboggan direct vers la sortie. On ne va pas bouder son plaisir. Difficile de savoir ce qui a primé, de l’envie irrépressible de se défaire de Valls ou de celle de soutenir la parole d’un socialiste de gauche. Dans les deux cas, c’est quand même bien d’un « désir de gauche » qu’il s’agit.

La question est : qu’en faire ? Dans son discours d’investiture, Hamon s’est refusé à tirer le bilan qui s’impose d’un quinquennat désastreux. Et ceci, dès l’origine (même si ce fut de mal en pis par la suite), avec par exemple la signature sans gloire du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), après laquelle le ton d’ensemble était donné. Cependant, et à juste titre, le principal est pourtant dans la réponse qui va être donnée à une autre question : « et maintenant ? »

Les dangers sont si grands que nombreux sont les appels à se rassembler de manière à battre tous les multiples ennemis d’une réelle alternative à gauche. Ils manifestent sans conteste la suite de ce « désir de gauche » qui, heureusement, reste vivace malgré les reniements. Mais que s’agit-il de rassembler ? Les candidats ? Bien sûr, sinon la portée même du désir serait effacé. Et, on le suppose, en vue d’une politique commune. Donc d’un gouvernement commun. Hamon y a fait directement référence. Mais les gouvernements de gauche unie ont-ils laissé un souvenir miraculeux ? Pour clarifier l’objectif, et vérifier si les bases existent d’un tel gouvernement, il est des questions de forme, et il est des questions de fond. Or, comme le disait Hugo, « « La forme, c’est le fond qui remonte à la surface ».

Commençons donc par la forme. « Ne pas couper des têtes » dit Hamon. Mais avant de savoir s’il le faut ou pas, qui a désigné ces têtes ? Les électeurs de la Primaire ? Nullement ! Le PS, sur lequel ces électeurs n’ont aucun contrôle. S’il faut discuter programme commun, ne serait-il pas logique que le pouvoir de désigner celles et ceux qui vont concourir en juin soit aussi donné au vote citoyen ? N’est-il pas évident sinon que, même si Hamon maintient les grandes lignes de son programme, le choix décisif reste aux mains du PS ? Lequel a déjà désigné une écrasante majorité de candidat-e-s soutenant Hollande et Valls ? Tant que cette contradiction n’est pas levée, et elle ne peut l’être qu’hors des rets du PS, toute discussion de fond a peu d’horizon.

Si, contre ce qu’il vient de confirmer, Hamon prenait le chemin de la prise de distance, en s’en remettant à un choix citoyen indépendant du PS, alors les débats sur les contenus pour une éventuelle concrétisation commune du « désir de gauche » deviendraient sérieux. L’autoritarisme vindicatif et l’esprit de fermeture sont étrangers aux 3 candidats. Sur les questions dites sociétales il devrait y avoir matière à rapprochement (à condition de ne pas y inclure la catastrophique politique éducative poursuivie 5 ans durant). Il y a matière à débattre des conséquences tirées par les uns et les autres, loin d’être identiques, de l’insistance commune mise sur les questions écologiques.

Et il y aurait d’autres questions rien moins que difficiles. A commencer par la faiblesse des réformes institutionnelles prévues par le candidat socialiste plutôt qu’une sortie en bonne et due forme de la 5e République. Ou le débat incontestablement nécessaire entre les issues type « revenu universel » et celles menant à l’emploi pour tous appuyé sur la sécurité sociale intégrale. Il est par ailleurs impossible de passer à côté de la demande indispensable de sortie de l’OTAN d’un côté, l’engagement dans une très impériale « défense européenne » de l’autre.

Et il y a enfin le respect qu’affiche Hamon du cadre des traités européens. Evidemment, comme toujours avant une élection, il sera proposé de nouveaux traités, s’engageant vers l’Europe sociale. Mais si justement on veut faire en sorte que ça ne finisse pas « comme toujours », il faut répondre à la seule question qui vaille : que fait-on si l’UE n’en veut pas ? Dans ce cas, on passe outre disent Mélenchon et tous les partisans d’un « plan B ». Et Hamon ?

Débattre, oui. Garder l’esprit ouvert et la main tendue, favoriser évolutions et rapprochements : il y aura besoin de tout le monde dans les rudes combats qui s’annoncent. Ne pas insulter l’avenir, lequel comme le disait Althusser « dure longtemps ». Sauf que voilà, il est certes incontestable que Hamon est bien à la gauche du PS et de Valls ; mais, en l’absence de ces clarifications minimales de forme et de fond, que ce soit d’emblée la gauche qu’il nous faut, c’est une autre affaire. Et pour paraphraser une sentence connue, il y faudrait « encore un effort si vous voulez » vraiment refonder une gauche de gauche…

Dans ces conditions voter Mélenchon et soutenir sa campagne, après comme avant la Primaire du PS, c’est le choix le plus efficace pour qui veut contribuer à remettre à l’endroit ce qui tourne à l’envers. A côté des nombreux convaincus, il y a, comme c’est normal, des hésitations face à ce choix. Et ceci indépendamment de l’entrée de Hamon dans le tableau. Convaincre les hésitant-e-s ne peut se faire en dénigrant les hésitations, en transformant les interrogations en hostilité ou seulement en incompréhensions qu’une simple explication patiente pourrait lever. Tout n’est pas hostilité gratuite, même s’il y en a de trop.

Et il subsiste, pour s’en tenir à certains de mes ami-e-s de la gauche radicale et révolutionnaire, maints débats légitimes d’importance. Et pour chacun de ceux-ci, il convient de mettre en œuvre, de tous les côtés, le « principe de charité » cher à Davidson, pour lequel l’interlocuteur est supposé de bonne foi. Et donc de saisir le noyau rationnel qui le conduit à ses positions de manière à ce qu’un débat puisse s’engager qui ne soit pas de pure dévalorisation.

Mais à ces ami-e-s je veux dire aussi qu’il n’existe aucune proposition politique unique qui soit en mesure de lever d’emblée toutes ces difficultés. Si on met en avant surtout les points qui nous divisent, alors la gauche radicale (et la gauche toute entière) ressemblera chaque jour un peu plus à un champ dévasté par des grenades à fragmentation. Si on ne s’y résout pas, il y a évidemment d’abord un choix à faire. Entre penser surmonter les difficultés en se soumettant à un PS demeurant hégémonique, ou le faire loin de son appareil. Il faut sans hésiter choisir la deuxième option. Et il y faut ensuite des avancées communes et des succès partagés. Et ils ne sont possibles qu’avec la campagne de Jean-Luc Mélenchon. En souhaitant qu’elle s’ouvre maintenant au maximum au lieu de rester réduite à ses soutiens initiaux au risque de stagner.

Si ces deux choix ne sont pas faits, regardons le monde comme il va : cette année ou plus tard viendrait en France aussi l’heure des Trump, des Brexit, de Le Pen. Ces deux choix n’annulent en rien aucun des débats qui divisent à gauche, tous légitimes, et qu’il faut considérer à leur valeur. Mais ils s’imposent.

Samy Johsua

* https://blogs.mediapart.fr/samy-johsua/blog/060217/aux-hesitants

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