Édition du 17 décembre 2024

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Asie/Proche-Orient

Au nom du « Tout sauf Netanyahou », la gauche sioniste s’invente de nouveaux héros

Il existe un nouveau type de haine pour le Premier ministre Benjamin Netanyahou : le soutien enthousiaste aux candidats d’extrême droite, les élevant au rang de leaders courageux, honnêtes et dignes.

Tiré de Tlaxcala.org

Vu que le camp du changement n’a pas d’autre changement à proposer que la destitution de Netanyahou, et qu’il n’y a pas de candidat digne de ce nom à proposer, il embellit les candidats d’extrême droite et leur confère des titres dont ils n’auraient jamais imaginé être dignes. Les politiciens d’extrême droite, dont certains sont des lâches, d’autres des racistes, sont maintenant le rêve de la gauche. Tout sauf Netanyahou.

Ma collègue du Ha’aretz, Ravit Hecht, est impressionnée par le leader du Nouvel espoir, Gideon Sa’ar. Elle admet que ses opinions la terrifient, mais c’est une question secondaire. L’essentiel est qu’il « ne flanche pas et ne retourne pas sa veste ». Une gauchiste impressionnée par Gideon Sa’ar ne peut que prier du matin au soir pour que Sa’ar retroune sa veste et flanche le plus possible, tant qu’il n’applique pas ses opinions terrifiantes.

En fait, c’est vrai, Sa’ar ne retourne pas veste - il fera venir des écoliers dans la Hébron « juive », il imposera davantage de restrictions sur le Shabbat, il annexera des terres et expulsera les demandeurs d’asile. Voilà le type qui inspire de l’admiration à un digne gauchiste comme Hecht. Elle pense également que Sa’ar est courageux.

L’ancienne dirigeante du Meretz, Zehava Gal-On, pense également que Sa’ar a agi avec courage lorsqu’il a quitté le Likoud. Mais quel choix avait-il après que Netanyahou l’eut humilié et écarté de tous les postes ? Sa’ar n’est pas courageux, du moins pas jusqu’à présent.

Le leader de Yesh Atid, Yair Lapid, n’est certainement pas courageux. C’est un leader de l’opposition silencieuse, et une opposition silencieuse, ça n’existe pas. Pendant toutes ses années dans l’opposition, et pas seulement pendant la dernière campagne, il a été silencieux. Il a toujours dit ce que son camp attendait qu’il dise, et il n’a pas osé dire quoi que ce soit de controversé. Il a été une faible figure de l’opposition par rapport à ses prédécesseurs comme Menachem Begin et même Shimon Peres. Ils criaient, critiquaient, sapaient les choses et n’étaient jamais silencieux. Lapid a été silencieux.

Courageux ? Ouais. Mais Lapid est certainement le héros de la gauche aujourd’hui, comme le montrent les articles d’opinion d’autres collègues du Ha’aretz. Gal-On a écrit qu’il a appris de ses erreurs. Uri Misgav est allé encore plus loin ; dans un article en hébreu, que n’a-t-il pas écrit sur ce nouveau combattant de la liberté ? Il a parlé du « raisonnement expert et de la pondération » de Lapid, qui sont la continuation de « son excellence politique au cours des deux dernières années ».

En quoi exactement Lapid a-t-il excellé, à part ne pas avoir rejoint le gouvernement Netanyahou ? A-t-il proposé quelque chose d’intéressant ?

Une figure de l’opposition ? A-t-il pratiqué la démocratie dans son parti ? A-t-il sapé le gouvernement à la Knesset ? « Il a simplement fait tout ce qu’il fallait, à chaque fois. C’est à cela que ressemble la maturité politique », s’émerveille Misgav. Si c’est à cela que ressemble la maturité politique, peut-être vaudrait-il mieux attendre la vieillesse de Lapid, et celle de Misgav aussi. Peut-être qu’alors ils auront grandi et appris ce qu’est la maturité politique, et surtout ce qu’est le courage public.

Nehemia Shtrasler est, lui, impressionné par le leader de Yisrael Beiteinu, Avigdor Lieberman, un autre héros de la gauche, mais uniquement en raison de sa haine pour les ultra-orthodoxes, bien sûr. « Le Lieberman de 2021 est le Tommy Lapid de 2003 », écrit Shtrasler à propos de l’un des politiciens les plus pourris, grossiers, cyniques et racistes de l’histoire d’Israël. Aucun gauchiste ne peut être impressionné par ce que Lieberman dit ou fait. Mais nous pardonnerons tout à Lieberman, tant qu’il est contre Netanyahou. Shtrasler espérait que Lieberman obtiendrait 15 sièges ; heureusement, il n’a pas obtenu la moitié de ce chiffre.

Et Amnon Harari a exprimé le souhait de beaucoup dans son camp lorsqu’il a demandé que Lapid donne le mandat de former un gouvernement au leader de Yamina, Naftali Bennett. Dans le camp du changement, non seulement ils préfèrent le représentant des colons, Bennett, à Netanyaohu - c’est évident - mais ils préféreraient également Viktor Orban, Jair Bolsonaro ou Rodrigo Duterte à Netanyahou. Dans un jour particulièrement mauvais, ils pourraient même préférer le facho Itamar Ben-Gvir.

Nous pouvons, et peut-être devons, être contre Netanyahou, mais nous devons aussi proposer quelqu’un de mieux. Nous devons proposer une alternative. Et celle-ci n’existe pas vraiment.

Gideon Levy

Journal Haaretz, Israël

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