Édition du 17 décembre 2024

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Afrique

Au Soudan, la ville d’El-Fasher sous le feu meurtrier de la guerre

Chef-lieu de la région du Darfour, la ville d’El-Fasher accueille quelque 800 000 personnes déplacées qui se retrouvent piégées dans la guerre entre l’armée soudanaise et la milice des Forces de soutien rapide. Le quotidien burkinabè “Le Pays” déplore la “macabre détermination” de ces frères ennemis de ne pas déposer les armes.

Tiré de Courrier international. Article originalement paru dans lepays.bf Légende de la photo : Des déplacés internes font la queue pour récupérer des vivres à Gedaref, le 12 mai 2024. Les affrontements ont repris entre l’armée soudanaise et les RSF, à El-Fasher. Photo AFP.

C’est un pas de plus dans la descente aux enfers du Soudan qui a été franchi avec le siège de la capitale de la province du Darfour du Nord [le 11 mai] par les Forces de soutien rapide (RSF) du général [Dagalo dit] “Hemeti”, faisant redouter des risques énormes d’atrocités massives et de meurtres ethniques ciblés, notamment contre les populations non arabes entassées dans cette ville surpeuplée de réfugiés [les RSF, qui ont succédé aux milices arabes des janjawids, sont accusées de nettoyage ethnique, notamment à l’encontre de l’ethnie des Masalit].

La bataille engagée, hier dimanche [12 mai], par les RSF pour reprendre la ville aux forces loyalistes du général Al-Burhan [chef de l’armée soudanaise et chef d’État de facto] pourrait provoquer, en effet, un désastre humanitaire pire que celui de juin dernier [début des attaques contre la ville d’El-Geneina] dans cette ville d’El-Fasher et dans d’autres localités de la province [de juin à novembre 2023, la ville d’El-Geneina, dans l’ouest du Darfour, a été le théâtre d’épuration ethnique de la part des RSF], qui a révélé au monde entier l’horreur de cette guerre absurde avec un bilan effroyable de 10 000 à 15 000 civils qui y ont été massacrés.

L’inquiétude est d’autant plus grande que des combats à mort, rue par rue, ont été signalés jusqu’au centre de la capitale [Khartoum] qui abrite plus d’un million d’habitants, et qui est la seule ville à être tenue jusque-là par l’armée loyaliste, [laquelle] a dû se résoudre à renforcer ses positions et ses équipements par le biais de largages aériens.

Une bataille acharnée, donc, en perspective qui va probablement durer des semaines, possiblement plus, et qui va fatalement transformer El-Fasher en une cité de mise à mort à ciel ouvert, à moins qu’une hypothétique cessation des hostilités n’intervienne dans les prochaines heures.

L’impuissance internationale et le cynisme des diplomates

Malheureusement, les protagonistes ne semblent pas en prendre le chemin, bien au contraire, puisqu’ils ont répondu à l’appel désespéré du secrétaire général des Nations unies à respecter leur obligation de protéger les civils par des tirs d’armes lourdes dans plusieurs quartiers densément peuplés de la ville et de sa zone périurbaine.

L’on se demande d’ailleurs qui pourrait encore, dans ce chaos de corps et de cris, faire entendre raison à ces frères ennemis qui ont manifestement décidé d’aller jusqu’au bout de leur folie meurtrière et de leur macabre détermination de ne pas déposer les armes.

Personne, est-on tenté de dire, surtout quand on constate que tous les cessez-le-feu laborieusement obtenus se sont littéralement effondrés, ouvrant de nouveau la voie aux cohortes de combattants écervelés, aux chars et aux hélicoptères rugissants, pour commettre des crimes abominables contre des pauvres populations qui fuient éperdument vers les États qui bordent le Soudan.

Il ne faut surtout pas compter sur les diplomates aux ventres repus qui n’ont pas pu ou su empêcher d’autres pays avant le Soudan de sombrer, et qui se contentent de parler à la cantonade là où ils devraient plutôt taper du poing sur la table pour se faire entendre par les protagonistes.

Et si la solution la plus envisageable à cette crise soudanaise était de laisser le pays se déliter sous les feux croisés des généraux Al-Burhan et “Hemeti”, jusqu’à ce que l’un d’eux l’emporte sur l’autre et décide de quitter le pouvoir après sa victoire à la Pyrrhus, au nom de la réconciliation nationale ?

C’est peut-être un scénario cynique et improbable, mais sur les cendres du Soudan et des consciences des dirigeants des grandes puissances, un nouvel ordre politique pourrait ainsi miraculeusement naître, pour le bonheur et la sécurité durable des Soudanais.

Hamadou Gadiaga

Plus de 800 000 civils menacés

Le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (Ocha) a averti le 12 mai : des tirs à l’“arme lourde” ont eu lieu contre la ville d’El-Fasher, menaçant les quelque 800 000 civils qui y sont réfugiés. Dans ce chef-lieu du Darfour-Nord, au Soudan, la guerre entre l’armée soudanaise et la milice des RSF se fait meurtrière. Selon le Sudan Tribune, des frappes aériennes et des armes lourdes ont pilonné la ville ce 10 mai, du matin jusqu’à 18 h 30, marquant une escalade dramatique du conflit en cours.

Le titre soudanais décrit une ville où les combats en périphérie ont fini par gagner le centre-ville, le marché principal et les quartiers alentour, déclenchant des fuites et déplacements massifs. “L’hôpital El-Fasher Sud, le principal établissement médical de la ville, est submergé de blessés. L’hôpital de 100 lits peine à faire face au manque d’ambulances, de fournitures et de médicaments. Malgré le cessez-le-feu, les habitants craignent une reprise des combats”, poursuit Sudan Tribune.

À cette violence s’ajoute le drame des déplacés qui avaient trouvé refuge dans la ville, fuyant d’autres combats. “Plus de 40 600 personnes ont été déplacées dans la localité d’El-Fasher entre le 1er et le 18 avril en raison d’affrontements tribaux et de combats entre forces gouvernementales et rebelles. L’accès humanitaire à El-Fasher est sévèrement restreint, ce qui entrave l’acheminement de l’aide”, détaille le titre soudanais.

Au Darfour, 9 millions de personnes sont confrontées à des besoins humanitaires énormes, une situation exacerbée par le conflit prolongé et l’accès limité à l’aide.

Courrier International

Le trouble jeu de la Russie

On pensait la Russie solide alliée et principale pourvoyeuse d’armes des Forces de soutien rapide (RSF). Mais Middle East Eye affirme que Moscou sécurise ses intérêts stratégiques au Soudan, en fournissant aussi des armes aux Forces armées soudanaises (FAS) du général Al-Burhan tout en continuant à soutenir les paramilitaires des RSF du général Hemeti.

La Russie a montré jusque-là son soutien aux RSF, qui lui assuraient un approvisionnement en or soudanais. Moscou, via le groupe paramilitaire Wagner, avait sécurisé des mines aurifères soudanaises tout en soutenant les RSF. Mais, assure Middle East Eye, certains signes indiquent que la Russie “se concentre désormais davantage sur ses relations avec Burhan et le gouvernement aligné sur l’armée”.

Signe fort de ce rapprochement, en déplacement à Port-Soudan, ville dans laquelle s’est repliée l’armée soudanaise, le vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov a clairement indiqué en langue arabe que c’est le Conseil de souveraineté du Soudan, contrôlé par l’armée, qui représente véritablement le peuple soudanais. Le ministre russe, qui dirigeait une délégation composée d’officiers militaires, a également rencontré le général Al-Burhan, chef de facto de l’État soudanais, lui assurant le soutien russe.

Dans le même temps, le Sudan Tribune a rapporté que, lors de ces discussions, la Russie a offert aux Forces armées soudanaises “une aide militaire qualitative sans restriction”. Cette offre pourrait “impliquer une expertise spécialisée et, potentiellement, une présence russe au Soudan”. À Port-Soudan, la délégation russe a également discuté de la perspective d’une base navale russe sur la côte de la mer Rouge.

Courrier International

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