Édition du 17 décembre 2024

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Europe

Attentat de Berlin : attention aux théories conspirationnistes et aux fausses infos

Une « pseudorevendication » de l’organisation Etat islamique, des faux portraits du chauffeur du camion, des théories complotistes… le point sur les fausses affirmations qui circulent sur l’attaque du marché de Noël de Berlin.

Tiré du quotidien Le Monde.

Douze personnes ont été tuées et au moins 48 ont été blessées par un camion qui a foncé dans la foule du marché de Noël de Berlin, lundi 19 décembre au soir. Selon la police berlinoise, deux personnes étaient à bord du véhicule : l’une était déjà morte quand elle a été trouvée, l’autre a été arrêtée dans la soirée. Cette dernière est soupçonnée d’être le conducteur du véhicule, mais la police a indiqué mardi 20 décembre que ce n’était pas certain.

Comme souvent après ce type de drames, des fausses informations ont circulé dans la confusion. Voici plusieurs affirmations qui, après vérification, sont erronées.

Une prétendue revendication des djihadistes

Plusieurs médias étrangers, comme le New York Post ou le Washington Times, ont publié dans la nuit de lundi 19 à mardi 20 décembre des articles affirmant que l’attaque de Berlin avait été revendiquée par les terroristes de l’organisation djihadiste Etat islamique (EI). Une affirmation qui a été largement reprise sur les réseaux sociaux dans les heures qui ont suivi, ainsi que par des sites d’extrême droite français, comme Breizatao.com, ou le site financé par l’Etat russe, Russia Today.

Pourquoi c’était prématuré ?

Que l’EI revendique ou non l’attaque par la suite, rien ne permettait d’affirmer catégoriquement sa responsabilité. La rumeur est venue d’un tweet des forces de mobilisation populaire irakiennes, des milices chiites opposées à Daech. L’information n’a donc rien de confirmé pour l’heure, puisqu’elle n’est fondée que sur cette affirmation, qui n’est pas étayée par le groupe – pourtant prompt à revendiquer quand il est lié à une attaque. C’est pourquoi la police allemande continuait mardi 20 décembre au matin d’évoquer un « probable attentat terroriste », avant que le ministère de l’intérieur allemand confirme qu’il s’agissait bien d’un « attentat », sans donner d’indication sur un commanditaire en particulier.

Mise à jour, le 21 décembre : l’attentat a été revendiqué mardi 20 décembre au soir par le groupe Etat islamique via son organe de propagande Aamaq.

Un attentat qui serait « sous faux drapeau »

« Je suis désolé, mais cette attaque de camion à Berlin présente tous les signes de l’attentat sous faux drapeau » (manipulation pour attribuer un événement à une personne ou à un groupe), écrit un internaute sur Facebook. Selon lui, « la personne qui a écrit le scénario de l’attentat sous faux drapeau de Nice a également écrit celui-ci ». Il ironise au sujet de la possible présence sur les lieux du journaliste allemand Richard Gutjahr, qui a été témoin de l’attentat de Nice le 14 juillet (il y était en vacances) avant de couvrir la fusillade de Munich le 22 juillet (il s’agit de son lieu de résidence principale).

Des blogs et des vidéos à tendance conspirationniste affirment également d’ores et déjà qu’il s’agirait d’un attentat monté de toutes pièces.

Leur principal argument étant que l’on trouve, entre autres, le fait que le camion aurait subi peu de dégâts ou qu’on ne verrait pas suffisamment de sang ou de blessures sur les corps des victimes dans les images qui ont circulé de la scène du drame : « Il n’y a pas de traces d’impacts sur l’avant du camion. Juste du verre brisé ? », « les corps sur les civières ne présentent aucun signe de blessure », « il n’y a pas de sang » sur les images…

Pourquoi c’est faux ?

Contrairement à ce que certains internautes sceptiques ont pu laisser entendre, le journaliste Richard Gutjahr n’a pas diffusé d’information sur l’attaque de Berlin lundi 19 décembre. Invoquer sa possible présence sur place ne semble pas reposer sur un élément factuel.

Concernant le camion qui a foncé sur des dizaines de victimes, les dégâts sur sa carrosserie peuvent ne pas sauter aux yeux de certains sur les images prises le soir du drame (l’éclairage est souvent faible et l’engin est noir).

Vidéo

On voit en revanche encore plus clairement les dégâts sur les photographies prises mardi 20 décembre au matin, lorsque le camion a été déplacé :

Quant à la supposée absence de sang ou de blessures sur les lieux du drame, il s’agit d’une remarque fréquente dans les théories conspirationnistes après un attentat. Une incompréhension due au fait que les médias évitent de publier des photos ensanglantées. Les témoins sur place ont néanmoins décrit des « scènes de chaos » et les pompiers qui sont intervenus ont témoigné d’une situation « choquante » :

Vidéo

De faux portraits du chauffeur de camion

Pourquoi c’est faux

Des internautes ont diffusé sur Twitter des prétendus portraits du conducteur du camion à l’origine du drame, comme l’a relevé Buzzfeed. Il s’agissait en fait à chaque fois de personnes facilement identifiables, sans lien avec l’attaque :

Quelques conseils pour ne pas se faire avoir par des rumeurs

 Partez du principe qu’une information donnée sur le web par un inconnu est par défaut plus fausse que vraie.

 Fiez-vous plutôt aux médias reconnus, aux journalistes identifiés et connus. Et ne considérez pas non plus que cela suffit à rendre leurs informations vraies. Dans des situations de crise comme celle-ci, l’information circule très vite, et peut souvent se révéler par la suite erronée. Il vaut mieux attendre que plusieurs médias donnent un même fait pour le considérer comme établi.

 Une photo n’est jamais une preuve en soi, particulièrement quand elle émane d’un compte inconnu. Elle peut être ancienne, montrer autre chose que ce qui est dit, ou être manipulée.

 Un principe de base est de recouper : si plusieurs médias fiables donnent la même information, elle a de bonnes chances d’être avérée

 Méfiez-vous aussi des informations anxiogènes (type « ne prenez pas le métro, un ami a dit à un autre ami que la police s’attendait à d’autres attentats », un message qui tourne apparemment samedi matin) que vous pouvez recevoir via SMS, messages de proches, etc, et qui s’avèrent fréquemment être des rumeurs relayées de proche en proche, sans réelle source.

Adrien Sénécat

Journaliste au quotidien Le Monde.

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