Henriette Reker a subi « des blessures sérieuses » : opérée en urgence elle serait dans un état « stable ». Une autre femme a également été grièvement blessée lors de cette attaque.
Selon les premières informations disponibles, l’agresseur serait un Allemand de 44 ans, chômeur de longue durée et qui n’était « pas actif politiquement ». Interpellé juste après les faits, il « a dit qu’il avait commis cet acte avec une motivation raciste », a ainsi affirmé un responsable de la police de Cologne, Norbert Wagner, au cours d’une conférence de presse. » Voilà ce que rapportait le quotidien français La Croix le 17 octobre 2015.
La nouvelle maire de Cologne, élue le dimanche 18 octobre, dès le premier tour, avec 52,66 % des suffrages, se trouve encore en soins intensifs, placée dans un coma artificiel après avoir subi deux opérations. Si Henriette Reker fait aujourd’hui la Une des médias nationaux, elle était inconnue du grand public – en dehors de Cologne – avant son agression. Mariée à un joueur de golf professionnel australien, cette juriste de 58 ans, sans enfant, de confession protestante, a mené une carrière sans paillettes dans l’administration. Durant cinq ans, elle a dirigé les services sociaux de la ville de Gelsenkirchen, à la frontière néerlandaise, avant d’occuper les mêmes fonctions dans sa ville natale, Cologne. Depuis 2010, elle est en première ligne dans la gestion de ladite crise des migrants et a pris des mesures parfois contestées, comme l’achat d’un hôtel quatre étoiles transformé en foyer pour demandeurs d’asile. « Qualifiant les réfugiés « de chance pour la ville », Henriette Reker était donc une cible de choix pour son assaillant. Membre de la scène néonazie locale dans les années 1990, cet Allemand de 44 ans, sans emploi, aurait déclaré à la police que « Rekel et Merkel submergent (le pays) de réfugiés et d’étrangers », comme l’écrit La Croix du 19 octobre 2015.
Le 16 janvier 2016, des centaines de réfugiés ont exprimé leur rejet du racisme et du sexisme. Or, comme le souligne Marianne Meunier : « Trois semaines après les agressions sexuelles qui, pour des centaines de femmes, ont transformé en un mauvais rêve la nuit de la Saint Sylvestre à Cologne, un questionnement aigu tiraille les pays européens qui ont accueilli un grand nombre de demandeurs d’asile en 2015 – l’Allemagne et la Suède.
« Qui est l’homme arabe ? », s’interrogeait à sa Une l’hebdomadaire Die Zeit le 14 janvier, en référence aux informations de la police de Cologne sur l’origine « arabe et nord-africaine » de certains agresseurs. Leur divulgation a entraîné l’exposé de théories faisant de l’homme arabo-musulman un individu contenant en lui, comme un implacable héritage, un penchant violent contre la gent féminine. De telles thèses ne sont pas le seul fait de représentants de l’extrême droite. Professeure d’éthique à l’Université de Lund, en Suède, Ann Heberlein expliquait le 13 janvier, dans le quotidien libéral Expressen, que les agresseurs de Cologne et de Stockholm ont pour « dénominateur commun » d’être « originaires de pays dont les valeurs diffèrent fondamentalement des nôtres, où les femmes sont perçues comme inférieures aux hommes ».
De telles « interrogations » ou « affirmations » ont nourri un débat sur France Culture, en date du 20 janvier. Sous le titre « Après Cologne : les ressorts des violences faites aux femmes ». Etait invitée l’anthropologue des mondes contemporains Véronique Nahoum-Grappe, ancienne élève de Françoise Héritier qui a beaucoup travaillé sur la question des différences des sexes, sur la domination masculine et la violence faite aux femmes. Véronique Nahoum-Grappe a elle-même participé à un ouvrage collectif sur l’histoire des femmes sous la direction de Georges Duby et Michel Perrot. La rédaction de A l’Encontre a décrypté les interventions de Véronique Nahoum-Grappe, reproduites ci-dessous, avec, quelques fois, la « relance » de Caroline Broué et d’un journaliste présent. (Rédaction A l’Encontre)
Véronique Nahoum-Grappe : Ce sont des événements qui nous font vivre deux systèmes de fureur qui sont discordants et contradictoires entre eux. Soit l’immense dissymétrie au regard de l’action liberté entre les hommes et les femmes dans notre culture et peut-être dans la société.
Par exemple, sortir dehors, seule, sans être accompagnée, à toute heure du jour et de la nuit, ce fut et c’est une conquête. C’est une conquête magnifique et comme dans toutes les vraies grandes libertés elle intègre les heures les plus microscopiques de la vie quotidienne. C’est une vraie liberté.
Sortir la nuit entre copines pour la Saint Sylvestre, sans être protégée, sans se déguiser en homme, comme c’était le cas au XVIIIe siècle, etc., c’est une magnifique conquête et les hommes ne l’imaginent pas puisque pour les femmes elle est assez récente finalement. Mais elle est magnifique. Et cela a été touché et je dois dire fureur, fureur de fond. Parce que ça touche à la capacité d’être dehors en toute liberté. C’est une première chose.
La deuxième chose, c’est la question de la foule. Et la question peut-être de l’histoire de la criminalité. Il se trouve que, au cours de l’histoire, les différentes formes de criminalité s’adaptent et rentrent dans les failles du système général de présence sociale dans l’espace public. Ainsi, on pensait que les foules étaient protectrices puisqu’on est entouré – la solitude était menaçante pour les femmes –, les foules étaient liées entre elles. Il y avait parfois des pickpockets solitaires ou bien des « peloteurs » solitaires. Mais l’idée – et c’est neuf et terrifiant – d’une espèce d’organisation où la foule elle-même devient la muraille d’obscurité et, dès lors, de protection des violences, de la perversion violente qui utilise cette foule qui l’entoure et en fait une tactique. Et les femmes n’étaient pas préparées et je dirais que dans ces cas-là il faut être très objectif.
Sans doute mettre en péril la situation et l’organisation physique de la femme dans sa présence au monde en la pelotant pour lui voler son sac, qu’est-ce qui est premier : est-ce le vol mafieux, parce que c’est une espèce de ratonnade adaptée à son objet (le vol), qui rentre dans les failles possibles ? Cela n’avait pas encore été inventé et maintenant ce sera un risque, on a compris. Les mafieux rentrent dans toutes les failles. C’est une mafia proto-proxénète, puisque c’est à la fois sexuel et de rapt, de racket. C’est très important le racket.
On pense que c’est secondaire, mais c’est très important, c’est le nerf de la guerre. Il faut donc penser les choses en situation. Il y a un travail à faire, même les femmes entre elles. Comment fait-on ? Quelle est la réponse ? Quelle est l’anticipation, etc., sur le terrain.
Enfin, je dirais, dernière chose des fureurs contradictoires, cela arrive pour des raisons politiques et démographiques auxquelles nous ne pouvons rien. Des millions, 4 millions, ou plus, de gens qui quittent la Syrie, la Méditerranée remplie de macchabées, des enfants, des femmes. Et ne voilà-t-il pas que sur ces 4 millions ou sur ces populations un certain pourcentage sont des sales types.
Prenons les Français. Prenons 4 millions de Français. N’aura-t-on que des héros ? Et sur les 4 millions de réfugié·e·s, de religions et de cultures différentes, vous avez des femmes, des enfants, des vieux. Et vous avez des ordures – excusez-moi.
Caroline Broué : Ce ne sont pas que des Syriens ! Et pas que de réfugiés ! Cela on l’a compris au cours de l’enquête.
Non, bien sûr. J’ai entendu qu’il y avait même des personnes venues d’Europe orientale, d’Europe centrale, etc.
Caroline Broué : Un millier d’hommes, des milliers, et on parle de 14 Algériens, de 9 Marocains, on ne sait pas qui sont les 800-900 autres.
C’est un milieu d’une culture, potentiellement, autant mafieuse que celle de catholiques, que celle de musulmans ou peut-être, même de personnes « sans culture » du tout. C’est un système culturel masculin de prédation dont on voit la réalisation dans l’histoire dans des cas de figure culturellement extrêmement hétérogènes et religieux de même hétérogènes. Pour l’instant, je fais partie des gens qui disent : « attention, on ne va pas amalgamer. Je pense que tous les proxénètes français, anciennement catholiques, pensent qu’on peut rapter les femmes, les violer même si on n’a pas bu, en toute licité et sans toucher à « l’honneur masculin ».
Un journaliste : Sur ce qui s’est passé précisément. On est quand même frappé qu’au bout de maintenant presque trois semaines nous n’ayons pas des éléments clairs même sur les scénarios, sur est-ce que c’était organisé, qui sont précisément ces gens-là ? Alors qu’il y a eu un nombre de plaintes considérable, plusieurs centaines, alors qu’il y avait des caméras autour de cette gare. Est-ce que là il n’y a pas une question qui se pose ? Imaginez qu’il y ait eu un attentat quelque part, on aurait pu très rapidement identifier les personnes et comprendre ce qui s’était passé, le scénario…
Tout à fait et je suis assez sidérée. Ces violences, parce qu’elles sont faites aux femmes, on peut les cacher. C’est inouï. Alors que les mêmes violences faites à un groupe de jeunes par exemple, tout le monde … Heureusement, on ne va pas faire l’expérimentation. Comme disait Pierre Naville [sociologue, 1904-1993, avec une œuvre foisonnnante et d’un grand intérêt] l’histoire c’est l’expérimentation en sciences sociales, mais ça n’a lieu qu’une fois, ce n’est pas un laboratoire. Ce silence est troublant, gluant et dégoûtant, car c’est politically correct, ça gêne, on ne veut non plus pas dire non plus du mal de ces personnes migrantes, etc., en tant que telles, puisque la catastrophe c’est qu’on va en faire une généralité. Et, comme disait George Eliot [romancière britannique, 1819-1880 qui a choisi un nom masculin afin que ses œuvres ne soidnt pas interprétées comme des « simples histoires » d’amour, de son nom Mary Ann Evans] la généralisation c’est la supériorité dans le mal de l’homme sur l’animal. Bien sûr on va faire une généralité.
Mais le problème assez tragique c’est qu’on se rend compte que dans ce silence il y a à la fois un côté huileux politically correct, ne parlant pas de ce qui dérange comme au XIXe siècle, parce qu’il y a un désordre et c’est vrai qu’on ressent nous-mêmes entre les deux fureurs, fureur que des personnes migrantes soient stigmatisées et fureur contre l’atteinte aux droits des femmes. Ce sont deux fureurs que je ne concilie pas pour le moment. Donc on peut penser que ça peut produire du silence. Mais que ça se soit produit en « pleine démocratie », en Allemagne, dans ces pays, dans le confort des salons de télévision, des lieux comme ici, ce silence et cette non-divulgation, c’est pour moi inouï et très problématique pour la question du statut des violences faites aux femmes qui ne sont jamais perçues comme étant aussi violentes que celles faites à d’autres groupes de population.
Caroline Broué : Feriez-vous un lien entre une société violente, une société anxiogène et cette manifestation exacerbée de la violence où des hommes qui viennent de sociétés et de monde en guerre, extrêmement violente contre eux, s’en prennent à des plus faibles qu’eux pour montrer ce qui reste de leur supériorité pour le dire très basiquement ?
Je trouve toujours très difficile de mettre dans une même phrase des objets qui sont très différents, qui ont des scènes de réalisation sociale très différentes les unes des autres. On parle, ici, par exemple de quelque chose s’est passé à Cologne, dont on sent bien qu’il y a une échelle dans l’événement, qui bouge ; le cœur sera bougé dans la nouveauté des pratiques et notamment ce changement du statut de la foule. Je n’en tirerai pas des grandes conséquences sur une inquiétude généralisée sur quelque chose qui régresserait. Je pense que chaque forme de criminalité trouve les failles, invente. Tout à coup on invente des portables et on invente le vol de portables,en même temps.
La dimension sexuée est très troublante. Il y a une espèce de tactique puisque apparemment la chose, pour qu’elle soit aussi massive, est assez organisée et planifiée. Nous aurons un jour les informations. Mais sans doute qu’il est plus facile, si une femme est en talons hauts, habillée pour sortir, de faire qu’en la perturbant, en la déshabillant, en la pelotant de façon violente et obscène, elle lâche son sac à main évidemment. La question du pourquoi de la scène, c’est un racket formidable. Et je vois là une mentalité comme il en existe dans beaucoup de groupes.
Caroline Broué : Pour attaquer des femmes ou pour voler leurs biens ? Qu’est-ce qui est premier ?
Les deux vont ensemble. Le point central aussi, c’est une culture – on va les appeler, par commodité, des bandits – des hommes, jeunes, qui n’ont certainement pas « fait assez de sciences sociales » et qui pensent que l’honneur masculin est quelque chose qui a à voir avec la violence, avec la performance sexuelle et qui pensent que les femmes – et ça ce n’est pas forcément religieux, c’est quelque chose que l’on retrouve dans beaucoup d’endroits très hétérogènes relevant de systèmes de croyances et d’organisations culturelles extrêmement hétérogènes.
Ils pensent totalement sincèrement que l’honneur masculin n’est pas contredit s’ils tabassent une femme ; ils pensent que la femme doit rester à la maison ; ils pensent que celles qui sont dehors – sauf leur mère et leur sœur – sont des sortes de prostituées, etc. Donc il y a cette autorisation. Et même je dirais que l’homme ivre qui bat sa femme pense à jeun qu’il peut le faire. Des études ont montré que dans notre culture quelqu’un qui pense que battre sa femme n’est pas glorieux, il le fait quand il a bu, ensuite il va voir l’alcoologue car il a honte. Et là, le point central, c’est la question de la virilité. Sont rendus invisibles – donc une impunité vis-à-vis de soi-même, donc aucun remords, on dort bien – les crimes contre les femmes parce qu’on a construit la femme comme être méritant ce qu’on lui fait. Et c’est ça qui est central. Cela n’est pas religieux, on le trouve en France, on le trouve dans beaucoup de bandes. Disons qu’il y a des religions qui autorisent encore plus, bien évidemment. Je suis pour creuser la scène, creuser la situation. […]
Le XIXe siècle a été tragique pour les femmes. Avec toute cette démographie de femmes violées qui arrivent en ville, qui s’installent au 6e étage [chambres de bonnes], toute la domesticité et ses violences multiples. L’histoire des femmes a montré des fonctionnements terribles avec un chiffre noir plausible d’invisibilité des crimes commis contre les femmes à l’intérieur de la famille, des mondes professionnels […] Quand j’ai parlé de l’accès à la liberté de « sortir dehors », il faudrait la mettre en scène. Par exemple, dans la culture traditionnelle française, peut-être marquée par le XIXe, la jeune fille ne va pas toute seule au bal. Si elle va toute seule, même avec son frère, le pont s’effondre, elle risque la mort. Sortir pour aller s’amuser, c’est quelque chose dans les sociétés traditionnelles de très différent pour les garçons et les filles. « Sortez vos coqs, je garde mes poules ».
Les filles ne doivent pas y aller. Il y a cet ancien tabou de la virginité qui empêchait la sortie des femmes. Dans les milieux populaires, paysans ou ouvriers, même au XIXe, les femmes ont eu une liberté plus formidable que les femmes des milieux bourgeois, beaucoup plus enfermées, justement à cause de ce précieux trésor de garder cette sexualité pour l’organiser dans la sexualité légitime et faire coïncider reproduction physiologique et reproduction culturelle, sociale et patrimoniale. Ce qui est un moindre enjeu pour les couches populaires. Les historiens du féminisme et les historiens tout court ont toujours été stupéfaits de cette espèce de plus grande liberté des femmes des milieux populaire par rapport au dehors justement. C’est un point très important.
Mais, au fond, dans mon propos, je parlais de cette liberté assez précise, par exemple d’un groupe de filles entre elles qui vont faire l’enterrement de « leur vie de jeune fille », comme les garçons auparavant, sans hommes, et pour s’amuser. Pas pour aller au marché et revenir de la foire, etc. Le soir, la nuit, pour aller danser, pour aller s’amuser. C’est une liberté très particulière, très extraordinaire qui est liée aussi au fait qu’il y a beaucoup moins de risques culturels, moraux de la catastrophe identitaire de la perte de la virginité – ça c’est fini, on ne va pas le regretter. Cela fonde cette liberté. Et cette liberté n’est pas forcément conquise, elle est le résultat de toute une série de choses, mais qui est liée aussi aux autres libertés qui sont : décider de partir, décider de voyager, la nuit, le jour…
Et on n’est pas complètement égaux non plus, car vous verrez beaucoup moins de jeunes filles toutes seules se promener la nuit sous la lune pour le plaisir philosophique de la promenade que vous ne verrez de jeunes garçons errer la nuit. Donc, ce n’est pas encore égalitaire. C’est de cette liberté que je parlais. Elle est le résultat de choses assez compliquées, mais elle est totalement liée au fait d’une démocratie qui se veut de plus en plus démocratique – et parfois n’y arrive pas – et elle dépend complètement du système socio-culturel dans lequel nous baignons et des valeurs qu’on attribue aux pratiques les plus courantes.
La question hommes-femmes en tant qu’individus n’est pas tout à fait la question masculin-féminin. La question de la domination masculine ne recouvre pas la question des rapports individuels dans les trajectoires de vie des hommes et des femmes, de leurs amours, de leur corps, etc.
Des pratiques extrêmement cruelles de domination contre les femmes, par exemple l’excision, sont faites par des hommes et des femmes, car la société est mixte à tous ses niveaux. Au niveau du pouvoir, au niveau moral, dans toutes les classes sociales, un homme sur deux est une femme. On ne peut pas dire que les femmes soient plus « gentilles », aient un niveau éthique plus élevé que les hommes. Il y a des femmes aussi cinglées, aussi cruelles, aussi perverses, mais leur culture de la violence est différente et leur position n’est pas la même.
Il y a beaucoup d’hypothèses. J’en vois deux très vite. Ce n’est pas ma compétence, mais je trouve quand même que le travail de Mélanie Klein [1882-1960, psychanaliste britannique d’origine autrichienne dont l’œuvre est importante] est absolument génial. Il consiste à dire ce que l’on désire, ce sein maternel, ce lait, on le hait, et c’est pour cela que le nourrisson le dévore, l’emprisonne ; le désir met en suspens le désirant et il le hait.
Il y a cette espèce de dissymétrie qui naît des logiques désirantes hommes-femmes qui fait que les cheveux féminins ont un statut dans des cultures différentes très intéressant, le corps féminin est traité, on lui met un corset, on lui rapetisse les pieds, on lui couvre les cheveux, on lui rase les cheveux, on oblige à ce que les cheveux soient éclatants. Il y a une espèce – pour Françoise Héritier [auteure, entre autres, de Hommes, femmes : la construction de la différence, Paris, Ed. Le Pommier, 2010] et l’anthropologie culturelle un peu dans l’école française depuis Claude Lévi-Strauss – d’homologie entre deux traits culturels absolument symétriques inverses, entre la bouche d’ombre des Japonais, les dents noires, critères de mode au Japon au XVIIe siècle, et le sourire éclatant Colgate d’une actrice d’Hollywood riant aux éclats avec une armée de dents.
Il y a une espèce d’homologie, des réponses contradictoires à une même question. Il semblerait – donc je suis toujours la ligne de Mélanie Klein – que le corps de la femme dès qu’il est vu dans la rue met en danger, met en suspens les jeunes hommes et qu’il y a quelque chose là qui est d’emblée ambivalent. Et cette ambivalence, je ne la traiterai pas du tout moralement, mais vraiment dans la ligne d’une Mélanie Klein que des anthropologues et des historiens reliraient. C’est la première chose.
La deuxième chose, les anthropologues ont travaillé sur la question de la parenté, du système de dénomination. Et le grand apport scientifique de Françoise Héritier est d’avoir dit que, dans tous les cas de figure, il y a une dissymétrie entre frères et sœurs, c’est-à-dire l’exemple du couple non sexué, il y a là la question du lien social affectif, elle est centrale. Mais jamais on ne peut renverser de façon symétrique inverse au terme de relations de pouvoir tous ces vecteurs dans la société qui vous donne une bonne position, comme un bon jeu de cartes que vous auriez dans les mains. Elles n’ont pas le bon jeu de cartes et la question est pourquoi ce fait on le constate de façon transculturelle. Ce qui ne veut pas dire qu’il est universel.
La roue est un moyen confortable de porter des choses, mais n’a pas été inventée partout. Mais quand elle est inventée c’est agréable. On la retrouve quand même dans la majeure partie des façons de circuler inventées par l’humanité.
C’est un peu pareil avec le contrôle de la sexualité féminine. Les différences dans le système de procréation chez les mammifères font que pour que l’homme puisse penser que c’est son fils, il faut contrôler la sexualité féminine avant le mariage, pendant le mariage, etc. Et il faut contrôler sa mobilité, contrôler ce qu’elle fait.
Là, on a une piste de réflexion dans cette idée que toute société, femmes comprises, est tenue de mettre en place un système qui fait que par rapport à la reproduction purement physiologique aléatoire, la reproduction et transmission patrimoniale, sociale, culturelle, du nom, etc., du sang de la nation, que sais-je, doit passer de père en fils, plus que de mère en fils, et cela on le retrouve dans des sociétés très différentes les unes des autres. (20 janvier 2016)