Édition du 17 septembre 2024

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Europe

Allemagne : Une nouvelle polarisation est nécessaire

Les résultats des élections régionales dans les États allemands de Saxe et de Thuringe le 1er septembre 2024 indiquent une augmentation du soutien à l’extrême droite aussi écrasante que dans de nombreux autres pays. Quel sentiment terrible que d’avoir à espérer que dans les deux Länder, l’Union chrétienne-démocrate (CDU) puisse rassembler un gouvernement pour faire face à l’Alternative für Deutschland (AfD), parti d’extrême-droite !

12 septembre 2024 | tiré du site inprecor.org
https://inprecor.fr/node/4274

Le soir des élections, les dirigeants de l’AfD ont pu affirmer avec un sourire moqueur que le gouvernement de coalition et les partis CDU/CSU avaient adopté leurs positions, en particulier sur la politique des réfugiés (mais qu’ils n’étaient pas en mesure de les mettre en œuvre). Ils continueront donc à « faire pression » sur les partis établis. En effet, le débat public est entièrement dominé par l’extrême droite. Plus les partis établis reprennent leurs idées, plus il est certain que davantage de personnes voteront pour l’extrême droite originelle à la prochaine occasion.

Les résultats électoraux à un chiffre des partis de la coalition gouvernementale sont une gifle retentissante pour eux et pour le chancelier Scholz (pour le parti social-démocrate, les Verts et, de manière particulièrement spectaculaire, pour les démocrates libres de Lindner). Peut-on s’en réjouir et demander de nouvelles élections au niveau fédéral ? La CDU sort de ces élections régionales avec les pertes les plus faibles, en première ou deuxième position. Selon les sondages, il est presque certain que les partis de l’Union seront la première force du gouvernement qui remplacera la Coalition. Mais cela signifie que nous tombons de Charybde en Scylla.

Une crise de gouvernement

Le nouveau parti Bündnis Sahra Wagenknech (BSW) a réussi à prendre des voix à tous les autres partis, mais avant tout à Die Linke - et enfin à l’AfD. Son existence est l’expression de la crise de la gauche. Sa position est plutôt ambiguë, et ce n’est pas seulement sur la question des réfugiés et son conservatisme en matière de politique culturelle qu’elle recoupe celle de l’AfD. Il est difficile de savoir dans quelle mesure ses positions plutôt à gauche sur la politique sociale et la distribution peuvent jouer un rôle positif.

Dans la mesure où il s’agit d’un modèle de fonctionnement vertical dépendant d’une personnalité charismatique, son avenir est incertain. De plus, la configuration des forces dans les deux nouveaux parlements régionaux l’obligera à faire des choix de « realpolitik ». En ces temps de grande instabilité politique, il pourrait facilement arriver que la BSW perde rapidement sa crédibilité et soit comptée dans la conscience collective des partis établis.

La crise de la coalition gouvernementale ne pourrait être accueillie favorablement que si la gauche - et donc Die Linke en termes électoraux - s’en trouvait renforcée. Comme chacun le sait, c’est le contraire qui se produit. Le parti de Bodo Ramelow, autrefois si fier de diriger la Thuringe, se retrouve aujourd’hui comme un poulet plumé. Il n’a pas été utile à Ramelow de capitaliser sur son aura personnelle et d’omettre le nom de son parti sur les affiches électorales. En Saxe, Die Linke est même passé sous la barre des 5 % et n’est revenu au Landtag que grâce à deux mandats directs. Dans les sondages, de nombreuses personnes ont justifié leur choix de voter pour la BSW (ou même l’AfD) par leur déception à l’égard de Die Linke. Bien sûr, il y a à nouveau des gens qui disent que Die Linke doit maintenant être définitivement rayé de la carte.

Mais attendez un peu...

Les échecs électoraux ne rendent pas Die Linke plus à droite, plus intégré au système ou plus bourgeois. Ce que j’ai déjà eu l’occasion de dire est plus vrai que jamais : toute personne qui est encore membre aujourd’hui, ou qui le deviendra à l’avenir, et toute personne qui continue à voter pour Die Linke, agit par conviction. Celle-ci a une grande valeur et ne doit pas être compromise à la légère. Bien entendu, la gauche dans son ensemble, dont Die Linke reste la force la plus puissante relativement, doit réfléchir à la manière dont elle peut sortir de sa crise et redevenir plus forte.
Die Linke a tout à gagner à combattre les fausses polarisations dans le débat public en leur opposant l’antagonisme de classe entre le travail et le capital. Aucune autre force politique audible en Allemagne n’exige systématiquement et à chaque occasion une rupture avec toutes les politiques menées par les partis établis et l’AfD dans l’intérêt du capital et contre les intérêts des travailleurs, des exploités et des défavorisés. L’absence d’une telle force pèse comme un cauchemar sur de nombreuses personnes qui, dans leur désespoir, se tournent vers les rabatteurs bruns peints en bleu.

Il n’y a pas de raccourci. Sans un enracinement profond dans les lieux de travail et les quartiers, la gauche ne retrouvera jamais sa force. La solidarité avec la Palestine plutôt que la raison d’État, l’internationalisme et l’antimilitarisme plutôt que le bellicisme et le pacifisme - il y a là « beaucoup de planches épaisses à percer ». Mais nous avons aussi besoin d’initiatives politiques audacieuses. Entre autres, prendre la mesure de la combativité qui subsiste dans les syndicats pour les impliquer dans une grande consultation sur la manière dont nous pouvons faire face au danger que représente l’extrême droite par des actions de masse qui débouchent sur une solidarité concrète.

Le 12 septembre 2024, publié par International Viewpoint.

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Manuel Kellner

Membre du syndicat allemand IG Metall.

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