Des cités hautement affairées qui grattent le ciel, balafrées de rues asphaltobétonnées, serpentées et sanglées d’assourdissants boulevards qui égratignent nos oreilles, crevassées et surplombées d’autoroutes et submergées de chars avec en prime un smog accablant et sournois qui se cramponne insidieusement aux fragiles parois de nos gorges pour y graver de fiévreux graffitis de douleur pour ensuite se réfugier furtivement dans les catacombes profondes et sombres de nos cavités pulmonaires. Ce temps s’amuse maintenant à braquer ses phares aveuglants sur notre nouvelle et prévisible embrasée et dramatique réalité climatique.
Un temps où l’on parvient difficilement à pouvoir contempler les magnifiques canopées des forêts et le sommet des montagnes majestueusement chapeautées de leurs calottes de glace maintenant dégoulinantes, s’emmitoufler dans l’azur protecteur du ciel et embrasser d’un regard admiratif et humble les Pléiades de notre Voie Lactée qui rappellent notre infime place dans la fantastique incommensurabilité de l’Univers.
Un temps où la chaleur intense et douloureuse des rayons ardents du soleil accable et fragilise nos yeux, calcine et cancérise nos corps, assèche nos cours d’eau, incendie nos forêts et désertifie nos champs et nos terres.
Un temps où les saisons ne se reconnaissent plus entre elles, où les tempêtes, les tornades et les ouragans hurlent à tout vent leur furie en se déchaînant et fracassant tout sur leur passage et inondant les terres des campagnes et submergeant les rues sales des quartiers de nos cités transformées en véritables piscines que l’on a peine à vider. Le climat de la terre se réchauffe à une allure vertigineusement destructrice, l’eau des océans s’acidifie corrodant une flore marine et tuant ainsi toute une faune nourricière. L’augmentation du niveau des mers ravage et gruge les contreforts de nos continents, menace des villes portuaires et charrie depuis un certain temps déjà des vagues déferlantes de réfugié-e-s climatiques animé-e-s par un profond désespoir, gorgé-e-s d’une colère justifiée et pour l’instant contenue, mais qui, pour assurer leur survie, seront de plus en plus contraint-e-s d’envahir nos littoraux et de fracasser nos frontières et demander asile dans un monde de plus en plus fou.
Un temps où il est devenu de plus en plus ardu de saisir le jour, contempler et préserver les beautés du monde, penser la vie et panser l’espoir en rêvant à des temps meilleurs.
Un temps où la menaçante montée des dictatures et la renaissance des néofascismes aux visages multiples et fourbes déploient perfidement leur emprise tentaculaire et malicieuse sur les grands enjeux économiques, politiques et sociaux de l’heure. Tout cela accompagné de l’insatiable et indécente cupidité, de l’outrageante richesse échafaudée sur le dos voûté de la misère et les affres d’une pauvreté systémique. Les conflits patentés et les guerres injustifiées dynamitent et sabotent nos espérances de paix, la cupidité et la corruption gangrènent nos sociétés, les sentiers de la liberté sont outrageusement saccagés, nos discours charcutés ou muétisés et nos aspirations ligotées. L’état se désengage de ses obligations en matière de services publics pour les confier aux « bonnes œuvres » des fondations privés ayant pour conséquence que la charité débondieusée remplace dorénavant la solidarité. La santé publique est malade du privé, l’éducation s’est enchaînée au système capitaliste en s’inféodant aux diktats productivistes ainsi qu’au financement des entreprises et des industries. Nos libres consciences sont tétanisées, nos paroles muselées et quant au bonheur, on le baigne, on le savonne et on achève le tout en le noyant dans un océan de commandites mousseuses aux allures de doucereuses illusions. Le bien-vivre ensemble on le scrape à volonté afin de pouvoir mieux l’immoler sur l’autel sacré d’un individualisme triomphant et baignant dans un multiculturalisme fourre-tout dysfonctionnel et obsessionnel couplé d’une mondialisation néolibérale sans scrupules et sans limites.
Un temps où les humains, tels d’intrépides petits soldats de plomb dépossédés de leur âme, s’acharnent toujours à jouer à la guerre, se « kalachnikover » entre eux et massacrer sans raison d’innocentes victimes dites collatérales. Ils se refusent outrageusement à nourrir, loger, éduquer et soigner leurs semblables ainsi qu’à partager les ressources et les richesses de notre planète.
Pendant ce temps, le monde entier n’en continue pas moins de s’illusionner sur les promesses d’un avenir meilleur et préférant plutôt s’activer à se gaver de métadonnées provenant des supers et problématiques machines ventripotentes d’énergie qui parviendront peut-être un jour à supplanter indûment les humains et au final les laisseront faisander dans l’Ignorance et l’Agonie … Certes, l’IA générative, qui à ce jour n’est encadrée par aucune réglementation, augmentera la productivité des entreprises et favorisera sans doute un accroissement du PIB. Mais à terme, elle risque d’avoir des conséquences potentiellement néfastes et permanentes sur l’ensemble de l’économie et du monde du travail en faisant disparaître des emplois, en s’attaquant aux conditions de travail en plus d’entraîner une chute des salaires et de la demande de main-d’œuvre.
Un temps où les humains évolueront tant bien que mal dans un univers semblable à celui des poules et des coqs de basse-cour dépourvus de boussole intérieure, mais plutôt munis d’un GPS sociétal de location. Ainsi, ils se retrouveront encagés dans une sorte d’enclos miné par des essaims de caméras et harponnés par des drones de surveillance, grillagé de faux interdits où même les mots (c’est déjà commencé) seront menottés et mis aux arrêts. Les humains seront condamnés à perpète à devoir se satisfaire de picorer de fugaces morceaux de destinée saupoudrés çà et là afin de laisser de beaux et juteux restes savamment calculés pour le plus grand bien-être et la satisfaction des autocrates et des ploutocrates. Ceux-là même qui s’évertuent à viraliser les valeurs, régenter les destinées, infecter les sociétés de dogmes dénués de sens propagés à l’aide de millions de clics de « post-vérités ».
Un temps où les humains devront obligatoirement et essentiellement être gracieusement dotés d’un passeport de vie en société tout à l’image de celui du régime totalitaire chinois actuel de Xi Jinping. Dans un avenir rapproché, ce sera un passeport numérique prenant la forme de puces électroniques sous-cutanées offrant un nombre prédéterminé et surtout mérité de crédits sociaux. Grâce aux nouvelles technologies de reconnaissance faciale nous aurons une humanité protégée … et soumise à un destin sclérosant et scrupuleusement préprogrammé afin d’assurer la pérennité de régimes impitoyables qui continuent de carburer avec force aux énergies fossiles de la duperie, de la peur et de la violence.
Un temps où les cyberattaques de fieffés fourbes forbans se multiplieront et ne cesseront de mettre en péril les données confidentielles et sensibles de nos vies ainsi que celles de nos infrastructures et nos institutions. Ces hordes de hackers incarneront la nouvelle génération de corsaires du numérique à la solde de groupes criminels ou d’États voyous.
Ce temps effiloche déjà le fil cassé de nos horizons. Les humains seront bientôt casés dans un univers virtuel, constamment abreuvés et nourris aux mamelles contrôlantes de réseaux sociaux invasifs et obnubilés par une joviale et rassurante bien-pensance et une novlangue aseptisée à souhait. Ils auront la tête bien engoncée dans leur casque de réalité virtuelle et le cerveau encapsulé conformément à d’alléchants paradigmes trompeurs et absents de réelles finalités. Ainsi, au nom du contrôle et de la sacro-sainte sécurité, le Genre humain se verra alors échantillonné, digitalisé, codifié et marchandisé à travers les dédales abscons d’un système économique dévastateur et taré de l’intérieur et pour lequel, comme l’affirmait l’économiste Olivier Passet : « Seuls les fous (et les économistes) croient à une croissance sans fin ».
Ce temps où les humains, condamnés à demeurer de perpétuels fœtus, se retrouveront tout recroquevillés dans leur petit cocon confort et bien campés dans leurs coussinets achetés à crédit et livrés par des « amazones volantes », interdits de paroles et aux idéaux chloroformés, sans véritable destination, privés de leurs racines et fermement embastillés par la nouvelle doctrine plénipotentiaire de l’instantanéité pénitentiaire. Ils seront aveuglés par des nuées d’illusions ludiquement concoctées et judicieusement dystopiques. Ils se sentiront inlassablement déroutés, privés de boussole et à la terrible merci de courants idéologiques délibérément confus et oppressants, mais néanmoins toujours salvateurs pour le système. Ce temps tragique et asphyxiant pour nos libertés oxygénera les idéologies des droites extrémistes fascistes en ascension fulgurante et il essaiera de gazer le souffle des dernières démocraties qui tentent tant bien que mal de se maintenir debout et vivantes.
L’humanité assistera alors non pas au retour de l’Ère de la Vierge ou à la fin de celle du Verseau, mais elle sera plutôt assise sur un banc fragile et se tenant aux premières loges pour saluer l’avènement de l’Ère de la Catastrophe. Elle sera par la suite garrochée, voire propulsée à vive allure, et sans son consentement, vers des destinations non souhaitées et inconnues !
Actuellement, nous disposons des connaissances et des données nécessaires et lors des quatre dernières décennies perdues nous aurions pu et dû intervenir et ce non pas pour nous, mais pour le bien-être de nos enfants et pour la suite du monde. Nous avons maintenant l’obligation suprême de prendre la rue, de prendre la parole et de siéger et d’assiéger toutes les tribunes et d’agir en solidarité car le temps presse et l’humanité ne bénéficiera pas d’une seconde chance ! La planète terre veut vivre et nous chassera de sa surface si nous ne cessons pas de lui faire violence, de nous entretuer et si nous ne changeons pas notre mode de vie car la croissance sans fin est un funeste leurre et le système actuel avec son Olympisme scabreux ne nous sauverons pas de notre turpitude. Nous nous devons d’agir maintenant, sinon le temps ne passera plus …
Gaétan Roberge
9 septembre 2024
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