Édition du 17 décembre 2024

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Féminisme

Aides familiales résidantes : L’exploitation érigée en système

Elles viennent travailler au Québec pour fuir le chômage et la pauvreté, et pour soutenir leur famille restée dans leur pays d’origine. Elles sont majoritairement d’origine philippine. Elles pensent pouvoir améliorer leur sort, mais elles sont confrontées à l’exploitation. L’Unité a rencontré l’Association des aides familiales du Québec pour faire le point sur la situation des femmes qui font du travail domestique en résidence privée. Le Programme des aides familiaux résidants a été créé en 1992 afin de combler des besoins de pénurie de main-d’oeuvre. On sait pourtant que la main-d’oeuvre canadienne a depuis longtemps délaissé ce secteur d’activité en raison des difficiles conditions de travail. Pénurie ou cheap labour ?

(Tiré du journal Unité, du Conseil central du Montréal Métropolitain de la CSN, mars 2014
volume 28, numéro 2)

Pour lever le voile sur la réalité de ces femmes, dont le travail consiste à prendre soin d’enfants, de personnes âgées ou handicapées et à effectuer des tâches ménagères, nous avons rencontré Margo Legault, coordonnatrice, et Myriam Dumont Robillard, présidente de l’association. Toutes deux pointent du doigt les strictes dispositions du programme pour expliquer les difficiles conditions de travail des aides familiales : l’obligation de résidence chez l’employeur, la nature nominative du permis de travail (rattaché à un seul employeur) et l’obligation de compléter 24 mois de travail sur une période de 48 mois pour obtenir la résidence permanente. Ces conditions rendent l’applicabilité des lois du travail presque impossible et exposent ces travailleuses aux abus.

Quels droits ?

« Les employeurs délinquants s’en tirent en toute impunité lorsqu’ils contreviennent au contrat de travail les liant aux aides familiales », s’insurge madame Dumont Robillard. Ce contrat prévu par le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles du Québec contient des clauses portant sur les protections en vertu de la loi sur les normes, comme la semaine de travail, le temps supplémentaire et le salaire minimum. L’une d’entre elles prévoit également une couverture d’assurance équivalente à la RAMQ pendant le délai de carence de trois mois imposé aux personnes immigrantes.

Très peu de travailleuses se prévalent de ces droits et peu de plaintes sont formulées devant la Commission des normes du travail. « L’inscription de l’employeur à la CSST étant volontaire, l’aide familiale est exclue de la couverture automatique et ne bénéficie pas de la protection accordée aux autres travailleuses et travailleurs du Québec », ajoute madame Legault. Elles cotisent à la caisse d’assurance-emploi et au Régime québécois d’assurance parentale, la semaine de travail, le temps supplémentaire et le salaire minimum. L’une d’entre elles prévoit également une couverture d’assurance équivalente à la RAMQ pendant le délai de carence de trois mois imposé aux personnes immigrantes.

Très peu de travailleuses se prévalent de ces droits et peu de plaintes sont formulées devant la Commission des normes du travail. « L’inscription de l’employeur à la CSST étant volontaire, l’aide familiale est exclue de la couverture automatique et ne bénéficie pas de la protection accordée aux autres travailleuses et travailleurs du Québec », ajoute madame Legault. Elles cotisent à la caisse d’assurance-emploi et au Régime québécois d’assurance parentale, mais hésitent à y avoir recours. Se prévaloir du congé de maternité et recourir au chômage ne font que créer un délai pour obtenir la résidence permanente sur une période limitée à 48 mois.

Vivre chez son employeur

Comme les aides familiales résident dans la maison privée de leur employeur, il est difficile de confronter celui-ci à ses responsabilités. Si elle perd son emploi, la travailleuse doit rapidement trouver un nouvel employeur pendant que le délai de 48 mois s’écoule. Elle court également le risque de se retrouver sans statut, se plaçant en situation de clandestinité, voire de traite humaine si elle ne trouve pas de travail. Dans le pire scénario, c’est l’expulsion du pays et un retour à la maison difficile puisque la famille dépend du succès de cette expérience de travail. Elle ne pourra changer d’employeur qu’une seule fois pendant la durée de son permis. Bien peu d’entre elles le font étant donné les risques que cela signifie. Dans un contexte où la ligne est mince entre le travail et la vie privée, le rapport de force leur est défavorable.

Agences de recrutement

Alors que les aides familiales font les frais d’un système d’exploitation, les agences de recrutement, qui se déploient un peu partout dans le monde, en tirent avantage. Comme l’obtention d’un permis de travail au Canada exige le jumelage entre un individu employeur (permis nominatif) et une aide familiale, les agences jouent un rôle central. Dans certains cas, elles vont jusqu’à afficher des offres d’emploi fictives afin de fournir un bassin de main-d’oeuvre disponible. Placée dans cette situation en arrivant au Canada, l’aide familiale se retrouve sans emploi, sans protection sociale et en situation d’illégalité.

On se doute également que les agences vendent leurs services à gros prix. Les frais représentent des sommes pouvant varier entre 3000 $ et 5000 $ pour l’aspirante aide familiale. Imaginons ce que cela peut représenter pour une famille philippine. Dans plusieurs cas, les agences prêteront de l’argent aux femmes qui n’ont pas les moyens de payer l’inscription. Ce fardeau économique ne fait que rajouter de la pression sur les épaules des travailleuses. Encore une fois, elles n’auront d’autres choix que d’accepter leurs difficiles conditions de travail et de vie.

Changer les règles

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qui dénonçait en 2012 la discrimination systémique dont sont victimes les travailleurs migrants, offre quelques pistes de réflexion. Entre autres, la commission propose au gouvernement du Québec de créer un programme d’immigration permanent plutôt que temporaire. De plus, elle souhaite l’établissement d’un recours en cas de rapatriement, ce qui est d’ailleurs revendiqué par plusieurs groupes, dont la CSN. Les recommandations de la commission donnent toute la latitude au gouvernement du Québec d’agir en vertu de ses champs de compétence.

Manon Perron

1re vice-présidente du CCMM–CS

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