Hebdo L’Anticapitaliste - 658 (20/04/2023)
Par Paul Martial
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Les combattants djihadistes au Sahel avancent inexorablement, à tel point que des pays de la côte ouest de l’Afrique, jusque là épargnés, subissent des attaques. C’est le cas pour le Ghana, le Bénin et le Togo qui vient de renouveler son couvre-feu dans le nord du pays. Les juntes qui ont pris le pouvoir au Mali puis au Burkina Faso au prétexte d’améliorer la situation sécuritaire ne font guère mieux que leurs prédécesseurs.
Tactiques différentes
Les putschistes au Mali ont décidé d’intensifier les opérations militaires contre les groupes djihadistes avec l’aide des mercenaires de la compagnie russe Wagner. Résultat, le nombre de civils morts en 2022 a doublé. Parmi les victimes, un tiers a été assassiné par l’armée malienne et ses supplétifs russes.
Le Burkina Faso a emprunté une voie différente. La junte de ce pays a organisé un enrôlement de civils dans les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). Le résultat n’est guère probant puisque ces VDP ont tendance à se focaliser sur la communauté peule, les accusant de terrorisme. Ainsi dans le village d’Ouahigouya, militaires et VDP ont massacré dans des conditions atroces des adolescents et des enfants au seul motif qu’ils étaient Peuls.
Au Mali comme au Burkina Faso, la stratégie reste la même. Utiliser la force militaire pour régler la crise. C’est la même stratégie que l’armée française, avec Serval et Barkhane, a employée… avec le succès que l’on sait.
Des trois pays, le Niger est peut-être celui qui s’en sort le mieux. Le fait qu’il ait réussi à régler les rébellions touarègues dans les années 1990 a créé une situation pacifiée. Autre élément, la volonté affichée des autorités d’amorcer un dialogue avec tous les groupes armés y compris ceux de l’État islamique. Le but est de tenter une résolution politique du conflit.
Répression identique
La situation de guerre que connaissent les trois pays est l’alibi qui permet de restreindre les libertés démocratiques. Au Mali, les reproches contre la junte sont considérés comme des délits. Ainsi le Parti social-démocrate Africain est menacé de dissolution parce que son président Ismaël Sacko, lors d’une interview à RFI, avait tenu des propos « insultants à l’endroit des autorités de transition ». Omar Mariko, un des dirigeants de la gauche radicale, vit toujours dans la clandestinité. La presse se voit obligée de soutenir l’effort patriotique et la moindre critique est vue comme une trahison. Le gouvernement du Burkina Faso agit également à l’identique. Il a expulsé récemment deux journalistes suite au reportage sur le massacre de civils d’Ouahigouya. Des activistes de défense des droits humains sont incorporés de force dans les VDP.
Le Niger lui aussi n’est pas en reste dans ce cycle répressif. Abdoulaye Seydou, coordinateur de M62, plateforme des organisations de la société civile, a été arrêté.
Derrière la répression se joue la survie de ces régimes qui, faute de pouvoir honorer leur promesse d’une amélioration de la sécurité, maintiennent une pression sur les populations.
Souffrance des populations
Le Sahel connaît une augmentation des populations réfugiées. Elles sont prises en étau entre les forces régulières et les différents groupes armés djihadistes ou communautaires. Chacun mène des politiques de représailles en s’attaquant aux civilEs qui, selon leur ethnie, seraient censés appartenir à tel ou tel camp.
Certaines villes comme Sebba, Dori ou Djibo subissent un blocus de la part des djihadistes. Des crises alimentaires se profilent sur l’ensemble de la région. Les estimations du nombre de personnes souffrant de la faim s’élèvent à plus de 40 millions. Côté éducation, la situation n’est guère brillante. Les djihadistes ont imposé la fermeture de plus de 11 000 écoles sur les territoires qu’ils contrôlent. Des centaines de milliers d’enfants se retrouvent ainsi déscolariséEs, compromettant leur avenir. Le vivre-ensemble au Sahel est de plus en plus malmené. Mais retrouver une concorde entre communautés malgré les fortes difficultés reste possible.
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