tiré du Blogue solidaire.
Cat Boyd semblait contente de s’adresser au congrès de Québec solidaire, en mai dernier. Elle nous vivement marqué en nous parlant des succès politiques de la Radical Independence Campaign. Comme vous le savez, le Québec a vécu deux référendums sur l’indépendance. Nous avons perdu celui de 1995 par une faible marge, moins d’un pour cent, alors que le Oui ne recueillait que 35% des appuis un an plus tôt. Cette progression historique est largement attribuable aux partenaires de la souveraineté, des mouvements sociaux et populaires qui ont fait campagne pour le Oui et donné au projet de l’indépendance un caractère social essentiel.
Malheureusement, le Parti Québécois a depuis accéléré son virage à droite en implémentant une première ronde de mesures d’austérité. Il a ouvert la porte à 20 ans de reculs sociaux et de mauvaises nouvelles économiques pour les travailleurs, les employés de l’État et les secteurs marginalisés de la société québécoise. Le SNP écossais n’est pas immunisé contre cette tendance.
En 1997, les organisations de la gauche radicale ont commencé à se rapprocher. Des fusions ont été chapeautées par le conseil central de Montréal de la CSN. 2002 voit naitre un premier parti, l’Union des forces progressistes, fruit de la mobilisation de certains syndicats, du mouvement pour la paix et des altermondialistes. L’UFP s’inscrit dans un mouvement social d’importance contre la guerre en Irak.
En 2006, l’UFP rejoint un mouvement social important rallié autour d’une plateforme contre le néolibéralisme : Option Citoyenne. Deux ans plus tard, nous lancions Québec solidaire, le parti de la justice sociale, de l’égalité, du féminisme et de l’écologie. Le projet d’indépendance s’est à nouveau réconcilié avec un projet social capable d’envisager le dépassement du capitalisme.
Je vous raconte tout ça pour satisfaire votre curiosité internationaliste, mais aussi pour mettre en relief les parallèles entre l’Écosse et le Québec, leur dépendance historique à une puissance coloniale commune – et leur soumission présente aux forces centralisatrices de Westminster et Ottawa, qui s’opposent à l’émancipation de ces deux peuples. Comme vous, même après le lancement de Québec solidaire, nos efforts et nos succès ont été banalisés par les grands médias et certains leaders politiques. Nous obtenions 2 à 3% dans les intentions de vote, ce qui permettait à nos adversaires de la droite et du PQ de nous discréditer. Même quelques amis des syndicats, des groupes communautaires et des mouvements sociaux institutionnels n’y croyaient pas.
Nous avons remporté notre premier siège en 2008. Puis le deuxième en 2012. Seulement deux, devrais-je dire, parce que nous avions des attentes plus élevées. En 2012, nous venions de vivre le mouvement social le plus fort et le plus radical en 4 décennies. Deux sièges – et nous avons réalisé qu’il faut être patient pour briser l’inertie politique des habitudes de vote d’une bonne partie des gens ordinaires. De dépasser des décennies de loyauté à des partis sociodémocrates ou pire : des partis soi-disant socialistes qui prêtent aujourd’hui allégeance au néolibéralisme.
Votre détermination à lancer une alternative politique vous permettra de traverser tous ces obstacles. Au Québec, le « parti des urnes et de la rue » a réussi malgré tout à envoyer 3 députés à l’Assemblée nationale mais aussi à rassembler une dizaine de milliers de membres. Bon gré, mal gré, nous pouvons compter sur l’appui d’au moins 10% des gens dans les sondages. Nos propositions recueillent beaucoup plus d’appui quand les gens doivent choisir des solutions plutôt que des machines politiques.
J’admire l’organisation de RISE, cette intelligence et ce sens de l’initiative politique. Je sens que votre initiative sera couronnée de succès. Pas seulement sur le plan des votes et des sièges – parce que la question n’est pas là – mais pour changer la dynamique politique, donner de l’initiative à la gauche, porter les revendications des mouvements sociaux et renverser la balance du pouvoir.
Vos adversaires vont s’empresser de créer une fausse opposition entre votre projet et la tragédie du peuple grec. Ils vont vouloir écraser vos espoirs. Mais nous savons bien que ce qui a été imposé au peuple grec n’est pas une solution aux crises causées par l’austérité et la dictature des marchés en Europe. La colère des peuples ne peut être contenue très longtemps, ni en Espagne, ni au Portugal, en France, en Italie… La révolte du peuple grec a été la première vague de colère populaire et de révolte contre les élites financières de l’Europe.
Aujourd’hui, nous assistons à la naissance d’une internationale de la solidarité et de l’espoir.
J’ai redécouvert Émile Zola ces derniers temps. J’aimerais vous laisser en citant Germinal : « Encore, encore, de plus en plus distinctement, comme s’ils se fussent rapprochés du sol, les camarades tapaient. Aux rayons enflammés de l’astre, par cette matinée de jeunesse, c’était de cette rumeur que la campagne était grosse. Des hommes poussaient, une armée noire, vengeresse, qui germait lentement dans les sillons, grandissant pour les récoltes du siècle futur, et dont la germination allait faire bientôt éclater la terre. »
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