Dès 1973, les Chicago boys ont soutenu Pinochet et sa dictature. Leurs « réformes » se sont appliquées de façon croissante contre les idéaux sociaux des Trente Glorieuses. En 1990, Bush père avait mené sa première guerre contre l’Irak.
Samuel Huntington publiait en 1996 le « Clash des civilisations » : « Les trois questions suivantes résument les efforts de l’Occident sur la scène internationale : 1) le maintien de sa supériorité militaire par les politiques de non-prolifération et de contre-prolifération des armes nucléaires, biologiques et chimiques et des moyens de les utiliser ; 2) la promotion des valeurs politiques et des institutions occidentales en pressant les autres sociétés à respecter les droits humains tels qu’ils sont conçus à l’Ouest et à adopter la démocratie à l’occidentale ; 3) la protection de l’intégrité culturelle, sociale et ethnique des sociétés occidentales par la restriction du nombre des non-occidentaux admis comme immigrants ou réfugiés. »
Le 11 septembre ouvre une nouvelle période
Quelques semaines après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, Bush faisait voter une loi liberticide, le Patriot Act, et ouvrait le camp de concentration de Guantanamo. Il engageait la « guerre contre le terrorisme » en Afghanistan puis, le 20 mars 2003, l’invasion de l’Irak.
Le 11 Septembre, les kamikazes, les attentats criminels de Londres, Madrid et Bombay ont tracé la voie à une horrible rumeur : la révolte des « jeunes nés de l’immigration » n’aurait rien à voir avec l’explosion d’une colère qu’a couvée trois décennies de discriminations mais serait du racisme anti-blanc.
Le rouleau compresseur de l’islamophobie a remodelé le paysage politique et imposé l’image de migrant-e-s accusé-e-s d’attiser la crise sociale, de mettre en danger « nos » valeurs, de menacer « notre » indépendance. Il a gonflé un racisme identitaire et victimaire. Des idéologies nationalistes et racistes nées au temps des empires coloniaux connaissent une nouvelle jeunesse.
Et Durban, alors ?
« La lutte contre le racisme a été au cœur de la mission des Nations Unies depuis sa fondation à l’ombre des horreurs de la seconde guerre mondiale. Les auteurs de la Charte des Nations Unies se sont juré que jamais plus le monde ne serait témoin de persécutions fondées sur la race. Ils ont énoncé dans ce document historique que chacun, sans distinction de couleur, de sexe, de langue ou de religion, peut se prévaloir des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Que reste-t-il de cette vision cinquante ans plus tard ? […] les rêves n’ont été réalisés qu’à moitié.
Tandis que la technologie continue de rapprocher les populations du monde et que les barrières politiques s’effondrent, la discrimination raciale, la xénophobie et d’autres formes d’intolérance continuent de ravager nos sociétés » écrit Koffi Annan à la veille de la Conférence mondiale contre le racisme de Durban qui prit fin le 8 septembre 2001 avec d’inacceptables manifestations d’antisémitisme et la terreur du 11 septembre.
Une manipulation cynique
Ces circonstances ont permis de cacher les résultats de la conférence. Il faut être naïf pour ne pas le voir. Leur manipulation a permis de taire les avancées de la conférence concernant les méfaits du colonialisme, de la traite négrière et de la discrimination des migrants et des réfugiés.
Fin septembre 2000, Ariel Sharon avait investi l’esplanade des Mosquées avec sa garde prétorienne et orchestré la répression de la seconde Intifada.
Porté au printemps 2001 à la tête du gouvernement israélien, il fit ériger le Mur de la honte soi-disant nécessaire à la défense d’Israël. Les politiques islamophobes européennes recourront à la même rhétorique pour justifier la xénophobie et la « guerre démocratique » en Orient contre des peuples présentés comme des agresseurs aux cultures meurtrières.
Heureuse surprise cet antisémitisme, ces crimes. Les Etats-Unis surendettés s’efforceront de se maintenir à la force de leurs armes et d’autres puissances en recul, avides de pétrole, justifieront leurs violences.
Dialectique diabolique
Les gouvernements israéliens invoquent la shoah et la destruction des Juifs d’Europe pour justifier une politique colonialiste qui provoque la colère du peuple palestinien, qui la subit.
Comment certains ne penseraient-ils être antisémites lorsque le gouvernement israélien justifie leur oppression en prétendant combattre l’antisémitisme.
Comment ces derniers comprendraient-ils Guido Westerwelle, le ministre des Affaires Etrangères allemand, lorsqu’il déclare « Le conflit israélo-palestinien est l’un des nombreux conflits qui ont lieu autour du globe, et ne devrait pas être distingué dans un document sur le racisme » ou Dieter Graumann, le président du Conseil central des Juifs d’Allemagne, lorsqu’il demande à l’Allemagne de boycotter cette conférence parce que cette dernière doit comprendre qu’Israël continue à se battre pour l’existence.
Ah, vivement que l’Allemagne contemporaine et Israël poursuivent leur travail de mémoire. Qu’ils se rappellent que l’Allemagne sous Guillaume II, en 1904, avait voulu l’extermination des quelque 120 000 habitant-e-s de cette Afrique de l’Ouest qu’elle s’efforçait de coloniser.
Bien sûr, cette opinion désorientée est manipulée par des politiciens antisémites qui déclarent, comme Dieudonné, « Les Juifs ? Un peuple qui a bradé l’Holocauste, qui a vendu la souffrance et la mort, pour monter un pays et gagner de l’argent » (2002), des « négriers reconvertis dans la banque, le spectacle et l’action terroriste » qui auraient « fondé des empires et des fortunes sur la traite des noirs et l’esclavage » (2004).
L’auteur est membre de ACOR SOS Racisme
* A paraître dans « solidaritéS » 192, 9 septembre 2011, page 5