Eh bien c’est plus compliqué que ça. Dans la loi québécoise, les entreprises ne peuvent changer unilatéralement les conditions de travail entre la période d’accréditation du syndicat (la reconnaissance que celui-ci représente maintenant les employé·e·s) et la signature de la première convention collective. Mettre à la porte l’ensemble de la force de travail, voilà qui est radicalement changer les conditions de travail… Et encore une fois, c’est la Cour suprême qui l’a dit…
Les deux parties devront donc se retrouver de nouveau devant un arbitre, cette fois afin de déterminer quels seront les dédommagements et les pénalités que l’entreprise fautive devra payer. Une victoire pour le syndicat et la syndicalisation en général ? Ça dépend… Au moins, maintenant, les employé·e·s qui choisissent de se syndiquer et qui réussissent à passer l’étape de l’accréditation auront un sursis. Mais celui-ci pourrait être assez court puisque, maintenant, on sait qu’il faut fermer après la convention collective, pas avant.
Et il reste encore toutes les tactiques douteuses qu’utilisent les employeurs pour empêcher que leurs milieux de travail se rendent à l’accréditation. Filtrer les employé·e·s lors des entrevues pour éviter d’embaucher des personnes favorables aux syndicats ? Bien sûr. Engager des employé·e·s qui ont comme tâche principale de surveiller leurs collègues ? Sans problème. Demander aux gardes de sécurité de garder un œil sur les activités syndicales ? Pourquoi pas ! Utiliser le chantage et l’intimidation pour convaincre ses employé·e·s de ne pas signer la carte de membre du syndicat ? Suffisait d’y penser ! Et, cerise sur le sundae, si tout ça ne fonctionne pas, il existera toujours les tribunaux et leurs multiples instances pour prendre son temps pendant que les fonds de grève et de soutien juridique des syndicats se vident tranquillement. Les coffres de Walmart sont bien pleins.
Walmart refuse la syndicalisation de ses employé·e·s, pardon, associé·e·s, parce que, disent-ils, ils ne souhaitent pas avoir d’intermédiaires dans leur entreprise. Leur politique de la « porte ouverte » est supposée permettre à toute personne qui y travaille de pouvoir se plaindre de ses conditions de travail dans un climat familial et amical, sans avoir peur que des mesures soient par la suite prises contre elle. La réalité est différente. Les heures sont courtes, le salaire est bas et un climat de méfiance et de délation est encouragé. Souriez aux clients, mais gardez un œil sur votre collègue. C’est peut-être lui qui pourrait vous faire perdre le bonus annuel. Dans ce contexte, un syndicat voudrait dire une plus grande sécurité d’emploi, de meilleurs salaires, des conditions de travail plus sécuritaires (et un recours à la CSST plus systématique), mais surtout, un pouvoir de négociation et de représentation plus juste devant les moyens quasi infinis de la multinationale.
Si la Cour suprême reconnaît maintenant le droit de garder son emploi (ou d’en être compensé) entre le moment de l’accréditation et la signature de la convention collective, on peut bien se réjouir. Toutefois, c’est carrément d’une réforme du code du travail dont on aurait besoin, d’une réforme qui prendrait en compte les réalités des emplois d’aujourd’hui, des travailleuses et des travailleurs autonomes, précaires, atypiques, des outils technologiques disponibles et souvent nécessaires pour travailler, etc.… Avoir des conditions de travail saines et qui donnent un réel rapport de force aux employé·e·s permet l’amélioration de la qualité de vie de tous et toutes. C’est une des luttes des syndicats, mais, même sans adhérer à l’un d’entre eux, ce devrait être une réalité accessible à tout le monde.