Édition du 19 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec

Vous n'avez plus les moyens d'ignorer ce message

« Il y a deux manières de conquérir et d’asservir une nation : l’une par l’épée, l’autre par la dette. » - John Adams, 2e président des États-Unis.

C’est le 4 juin prochain que l’ère Couillard sous le signe de la responsabilité va supposément commencer. Les conservateurs de Harper promettent la même chose depuis 2004 et malgré qu’équilibrer le budget semblait être la seule mission dont ils voulaient remplir sur Terre, ils n’y sont finalement jamais arrivé.

Ce qui me fait le plus peur pour les quatre prochaines années, ce n’est pas de voir les libéraux vendre Hydro-Québec en morceau au privé ou qu’ils mettent la hache dans le modèle québécois. Non, c’est plutôt la malhonnêteté intellectuelle généralisée dans laquelle tout ceci va baigner qui me donne la nausée, et ce avant même que ça commence.

On connait déjà la réaction gouvernementale, toutes questions sur ces sujets seront répondues par des phrases préfabriquées, comme en campagne électorale, qui vont nous faire sentir, en six mots maximum pour la clip à LCN, que l’économie est au cœur des priorités de ce gouvernement et que la grande prospérité avec les fameuses jobs seront à nos portes au prochain trimestre, juste après les sacrifices nécessaires pour rassurer les agences de notation. Du côté des médias, ils vont faire ce qu’ils ont toujours fait, soit rapporter la nouvelle sans contexte ou contestation profonde en s’assurant de la mousser quand ça fera leur petit bonheur idéologiquement avec la ligne de pensée politique du média. J’ai par contre la certitude que les pires âneries colportées sur les sujets économiques et les décisions prises par Couillard le seront par la majorité de la population de tous les horizons politiques confondus...

N’ayons pas peur des mots, puisque les chiffres font si peur, eux. Une petite tape sur les doigts de temps à autre vous fera changement de toutes les flatteries courtisanes habituelles. Je sais que la grande majorité des gens sont complètement analphabètes quand vient le temps de décortiquer comment l’argent fonctionne, travail et évolue dans notre société. Je le sais, parce que je peux passer des heures à lire vos commentaires économiques par semaine et ce depuis fort longtemps. Je vous vois être complètement perdu devant vos écrans et devant vos problèmes d’argent de la vie de tous les jours avec ce système qui vous écrase toujours un petit peu plus contre le mur. Il y a aussi les problèmes plus large comme la dette, l’inflation ou le rôle des banques dans notre société où la confusion générale règne alors forcément les mauvaises solutions s’y accompagnent quand on s’approche de ces sujets, ce qui est rare la plupart tombe dans le piège de la facilité vendu par les médias.

Le pire, c’est ceux qui vous balancent avec un sourire nerveux les grands classiques comme « Hey ! L’argent ne pousse pas dans les arbres » pensant régler la question d’un trait ou « Qui paye ses dettes s’enrichit ! » pour continuer d’espérer comme un joueur de loterie. Le tout laissant bien transparaître l’inconfort que vous venez de les placer en leur faisant réaliser qu’ils utilisent l’argent chaque jour en n’ayant finalement aucune idée de la nature de la chose. Ensuite, ces mêmes gens sont frustrés quand l’essence augmente de deux sous le litre, mais ils vont encore une fois cette année, payer environ 9 milliards pour des intérêts sur une dette électronique qu’ils ont déjà remboursée, uniquement au Québec, en intérêt pris à même leur impôt.

D’ailleurs ce 9 milliards sera encore une fois la différence entre un budget positif et négatif. Un surplus de 6 milliards se transformera en déficit de 3 milliards qui nous fera emprunter encore plus avec intérêt pour que la roue tourne encore une fois. Ça fonctionne à tous les coups ce petit calcul. Vous vous souvenez de la chanson des Vulgaires Machins avec cette légendaire phrase : « Je fais de la poudre pour travailler plus pour faire plus d’argent pour faire plus de poudre » ? C’est exactement le même principe. Les banques devraient chanter : « Je fais de la dette public et privé, pour vous faire payer de l’intérêt et des impôts pour ensuite faire grossir la dette (ou le prix des maisons), pour faire plus de profit sur les intérêts. ». Et les banques ont toujours l’avantage d’être aussi le dealer et contrôler le taux d’intérêt. C’est très bien fait !

À quel point on est dans la merde ? Il n’y a plus de pilote dans l’avion et l’avion va assurément s’écraser, ce n’est qu’une question de temps. On voit tous les pays du monde continuer la même recette perdante ne sachant pas quoi faire et le problème ne date pas d’hier. Voici un extrait du livre Dette : 5000 ans d’histoire écrit par David Graeber, économiste et anthropologue :

En 1694, un consortium de banquiers anglais a consenti au roi un prêt de 1 200 000 livres. En échange, ils ont reçu un monopole royal sur l’émission de billets de banque. En pratique, cela signifie que, à tout habitant du royaume voulant leur emprunter de l’argent ou déposer son propre argent à la banque, ils avaient le droit de remettre des reconnaissances de dette d’une fraction du montant que le roi leur devait. Bref, ils étaient autorisés à mettre en circulation, à ’’monétairiser’’, la dette royale fraîchement créée. C’était une affaire en or pour les banquiers (ils facturaient au roi 8% d’intérêt annuel pour le prêt initial et facturaient simultanément d’autres intérêts sur le même argent aux clients qui l’empruntaient),, mais ce mécanisme fonctionnait tant que le prêt initial n’était pas remboursé. À ce jour, il n’a toujours pas été remboursé. Il ne peut l’être. S’il l’était, l’ensemble du système monétaire britannique cesserait d’exister.

Une arnaque vieille de plus de 300 ans qui a été perfectionnée par plusieurs petits malins et des réglementations gouvernementales au fil du temps, c’est ça notre système monétaire mondial. Alors, vous avez toujours envie de vous serrer la ceinture pour repayer la dette nationale ou pour équilibrer des budgets ? Vous avez toujours envie d’accuser 3-4 programmes sociaux d’être de trop, les régimes de retraite de la fonction publique ou les syndicats pour expliquer pourquoi l’économie va mal et qu’on manque d’argent ?

Celle-là a été écrite en 1950 et elle est doublement meilleure en 2014, puisque l’ignorance est encore quasi totale, mais la fin de la citation se matérialise sous vos yeux, spécialement depuis 2008 :

« Mais parmi tous les mécanismes concentrationnaires, il en est un plus subtil et plus puissant, dont l’ignorance était quasi totale il y a trente ans (donc, 1920). Aussi suis-je bien obligé de l’exposer en détail. C’est le mécanisme bancaire qui multiplie les méfaits de l’usure et du crédit. En effet, d’un côté, par l’addition des intérêts il double, puis quadruple toute dette en quinze puis trente ans, d’un autre côté, par le subterfuge du crédit et de la monnaie scripturale, il vampirise toutes les richesses mobilières et surtout immobilières d’une nation, puis du monde. » - Jean-Gaston Bardet, extrait de Demain, c’est l’an 2000 !

Vous ne pourriez jamais planifier une évasion de prison si vous n’êtes pas capable de voir les gardiens, toucher les barreaux de la cage et admettre une fois pour toutes que la bouffe est infecte. Comme vous ne pourrez jamais vraiment comprendre pourquoi et comment on s’est retrouvé dans cette position, que tous les États du monde et les gens sont endettés à un seuil critique, bien que la productivité soit toujours en hausse année après année, si vous n’êtes pas capable de comprendre le mécanisme monétaire ainsi que son piège de la dette impossible à rembourser. Ce qui arrive est pourtant normal, prévisible et va continuer jusqu’à l’éclatement (de votre colère et de votre confiance dans ce système) comme c’est arrivé des centaines de fois dans l’Histoire depuis 5000 ans

Eric Beaudry

Militant socialiste et blagueur sur Huffington Post Québec.

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