Édition du 12 novembre 2024

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Le Monde

Vaccination dans le monde : la grande hypocrisie

Riccardo Petrella est l’auteur du texte suivant, appuyé par l’Agora des Habitants de la Terre-Québec (l’édition du texte est par Jean-Yves Proulx ; les autres membres de l’AHT-Québec sont Lucie Sauvé, Hélène Tremblay, Martine Chatelain, Philippe Giroul et Pierre Jasmin)

12 février 2020

Situation actuelle

Les multinationales se moquent du droit universel à la santé. Nous sommes confrontés à une double violence dramatique contre les droits humains de milliards de personnes et contre la souveraineté du peuple. [ce que l’article d’Émilie Nicolas dans le Devoir du 11 février révèle, bien résumé dans son titre Prise d’otages]. La vaccination en cours confirme les profondes mystifications qui sous-tendent la soi-disant « lutte mondiale contre le Coronavirus » exposées par les puissants de ce monde dès mars 2020.

Depuis deux mois, six vaccins sont en circulation, mais les dominants occidentaux ne parlent que de trois, ceux de Pfizer (USA), Moderna (USA) et Astra-Zeneca (Royaume-Uni et Suède). Les autres vaccins, déjà administrés en millions de doses dans différents pays du monde, sont le Spoutnik V russe, le Sinovac chinois et le Soberana cubain. Cuba, tout comme la Chine, a confirmé être prête à distribuer gratuitement le vaccin dans le monde entier. Eh bien, ces vaccins sont ignorés, voire dénigrés, parce qu’aux yeux des dominants, ils ne présentent pas les garanties scientifiques de sécurité nécessaires. La lutte contre la pandémie de Covid-19 est conçue et ainsi promue au sein des groupes forts des pays de l’économie dominante.

Au début, il y avait plus de 200 projets de vaccins. Aujourd’hui, il n’en reste plus qu’une douzaine. La logique est claire. Pour être rentable sur les marchés mondiaux, il faut qu’il y ait peu de vaccins. En concurrence les uns avec les autres, certains pouvoirs publics ont acheté des milliards de doses, avec des milliards de dollars payés d’avance. Et ce, même après avoir abondamment financé les dépenses de la recherche fondamentale et appliquée publique et privée pour la conception et le développement des vaccins par les entreprises privées.

Assez d’hypocrisie !

Ceux qui ont affirmé que « personne ne sera laissé pour compte » doivent abandonner la subordination de la concrétisation du droit à la santé à la condition mercantile de payer un prix de marché imposé par les entreprises et de remplacer le principe d’équité par le principe de justice. Les pouvoirs publics doivent favoriser une coopération et un partage forts des connaissances et des technologies au service du bien-être de tous les habitants de la terre.

La suspension provisoire de l’application des règles en matière de brevets dans le domaine des vaccins jusqu’à ce que l’immunité collective de la population mondiale contre la Covid-19 soit atteinte est une proposition raisonnable, conforme aux dispositions du traité ADPIC de l’Organisation mondiale du commerce.

Dans le système actuel, les règles de l’OMC, une organisation indépendante des Nations unies et dominée par les grandes puissances commerciales, industrielles et financières, notamment privées, prévalent, même dans le domaine de la santé, sur les dispositions de l’Organisation Mondiale de la Santé. Pour le système dominant, c’est tout à fait « normal », « logique », que le business (les « lois » du marché) compte plus que la santé des gens.

Le premier ministre italien Conte et la chancelière allemande Merkel ont été parmi les dirigeants politiques occidentaux les plus francs à soutenir l’argument selon lequel les vaccins anti-Covid-19 devraient être des biens publics. C’est pourquoi nous demandons, en tant que citoyens, aux gouvernements italien et allemand d’être cohérents avec leurs déclarations et de donner mandat à leurs représentants officiels dans l’UE pour approuver, lors du prochain Conseil général de l’OMC en mars, la résolution en faveur de la suspension provisoire des règles en matière de brevets dans le domaine des vaccins.

À l’heure actuelle, la proposition de suspension provisoire a reçu le soutien de plus de 120 pays membres sur les 162 de l’OMC.

Riccardo Petrella

Titulaire d’un doctorat en Sciences politiques et sociales, et du doctorat honoris causa de huit universités : Suède, Danemark, Belgique (x2), Canada, France (x2) et Argentine. Professeur émérite de l’Université catholique de Louvain (Belgique) ; Président de l’Institut européen de recherche sur la politique de l’eau (IERPE) à Bruxelles (www.ierpe.eu). Président de "l’Université du Bien Commun" (UBC), association à but non lucratif active à Anvers (Belgique) et à Sezano (VR-Italie). De 1978 à 1994, il a dirigé le département FAST, Forecasting and Assessment in Science and Technology à la Commission de la Communauté européenne à Bruxelles, et en 2005-2006, il a été Président de l’Aqueduc de la région de Puglia (Italie). Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur l’économie et les biens communs.

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