PBS NEWSHOUR, 13 avril 2018
Traduction et organisation du texte, Alexandra Cyr
Présentation
Depuis deux mois environ ces grèves et débrayages se sont multipliés dans plusieurs États. Aujourd’hui, des milliers d’enseignants.es du Kentucky ont convergé devant le Parlement de leur État dans la capitale Frankfort, avec des demandes d’investissements dans l’éducation et en protestation contre une nouvelle loi modifiant leur retraite. (…)
William Brangham creuse la question pour comprendre ce qui se tient derrière ces actions.
William Brangham : En Oklahoma, les enseignants.es et les employés.es du secteur de l’éducation retournent au travail à l’appel du plus grand syndicat d’enseignants.es de l’État. C’est la fin de 9 jours de débrayage.
Ces syndiqués.es ont obtenu des hausses de salaire mais la loi les introduisant avait été signée avant le débrayage. Il n’y aura pas plus d’argent pour les écoles. Le syndicat presse ses membres de voter pour des candidats.es qui sont en faveur de l’amélioration des conditions de travail et d’éducation lors des prochaines élections en novembre prochain.
On assiste à une vague de protestations de la part des enseignants.es aussi bien au Kentucky qu’en Arizona dans la foulée de celles de la Virginie occidentale qui ont gagné une hausse de salaires après 9 jours de débrayage.
Pour nous aider à comprendre ce phénomène, nous recevons Sarah Jaffe. Elle est auteure et journaliste du syndicalisme.
Qu’ont accepté les enseignants.es et le personnel des écoles ?
Sarah Jaffe : La majorité des enseignants.es. Car je dois dire qu’il y en avait encore un certain nombre au parlement aujourd’hui qui sont en désaccord avec ce qui a été accepté et qui ne veulent pas retourner au travail.
La majorité a accepté une loi qui avait déjà été adoptée avant la grève qui leur donne une augmentation de 6,000$ (annuelle) et qui ajoute quelques 400 millions de dollars au financement des écoles. C’est beaucoup mais c’est aussi un échec.
Les écoles sont sous financées. Ce fut une bataille dans le passé qui se poursuit aujourd’hui en Oklahoma. Il est important de noter que nous assistons à une sorte de résurrection du militantisme alors que les syndicats sont attaqués, qu’ils se débattent en ces temps où l’austérité a été la règle du jeu dans tous les États républicains comme démocrates partout au pays.
W. B. : Donc, nous avons vu ça en Oklahoma au Kentucky, en Virginie occidentale et en Arizona. (…) Que pensez-vous de ce mouvement naissant ? Qu’est-ce qui pousse à l’action ?
S.J. : Pour parler de ce phénomène, il faut revenir au Wiskonsin en 2011. On pouvait y voir le Parlement de l’État envahit par les enseignants.es portant des t-shirts rouges. Il faut se souvenir des protestations contre la loi 10 de Scott Walker (gouverneur de l’État). Ce fut une tentative fructueuse (pour le gouvernement de l’État) finalement : il a retiré le droit de négociation aux employés.es du secteur public dont un grand nombre d’enseignants.es.
Les enseignants.es qui mènent les batailles actuelles, par exemple en Virginie occidentale, luttent pour une augmentation de salaire mais pas seulement pour leur groupe, pour l’ensemble des fonctionnaires de l’État. Cela ressemble beaucoup à ce qui s’est passé au Wiskonsin en 2011.
Autre chose : l’autre grande grève dont nous devrions parler est celle de Chicago en 2012. Elle a changé les syndicats d’enseignants.es en profondeur.
Les enseignants.es de Chicago ont déclenché une grève. Dans cet État, il s’agissait de s’opposer à un maire démocrate, Rahm Emmanuel, qui avait travaillé auprès de B. Obama à la Maison blanche. La bataille a porté fruit : des gains substantiels ont été faits. Cette grève avait reçu un immense soutient de la part des familles et des étudiants.es du secteur.
Ça à encouragé le militantisme particulièrement dans les syndicats de l’éducation. Nous avons pu être témoins de beaucoup de victoires. D’autres n’ont pas eu à se rendre à la grève : les gouvernements des États et locaux ne voulaient pas de grèves de ce type à ce moment-là.
Donc, alors que (le syndicat) de Virginie occidentale annonçait une grève, celui du Minnesota avait déterminé une date butoir (pour déclencher la sienne). (Il a attendu cette date butoir) mais, avant même que la grève soit effective il l’a annulée. Il venait d’arriver à une entente avec le gouvernement de l’État à St-Paul.
Ce genre de situation s’est répété, particulièrement à Chicago. Ce qui est nouveau, c’est que ces syndicats ne sont pas du tout des syndicats forts. Il y a quelque chose de nouveau en Virginie occidentale, en Oklahoma et en Arizona : il n’y a pas eut là d’activités syndicales marquantes depuis plusieurs années.
W.B. : …et cela se passe principalement dans des États républicains même si on le voit aussi dans des États démocrates. Pensez-vous que cela est significatif et va avec le type de politiques des dirigeants.es de ces États ? Est-ce qu’il y a des chevauchements quelque part ?
S.J. : Je dirais qu’en Virginie occidentale et en Oklahoma particulièrement, les grévistes ont obtenu d’importantes concessions de la part de ce que mon amie Jane McAlevey appelle « la troïka des gouvernements républicains » c’est-à-dire quand les trois niveaux de gouvernement d’un État sont dominés par les Républicains.es.
(Les syndicats) tentent d’obtenir des financements importants de la part de ces élus.es. En Oklahoma, ils ont obtenu que les revenus d’une taxe sur l’essence et le gaz servent à ces financements. Cet État est un grand producteur de pétrole. Il faut souligner qu’il s’agit là d’une lutte contre ces industries alors même que la domination républicaine est aussi combattue.
Le fait, comme je l’ai déjà dit, que ces syndicats soient plutôt faibles, est aussi significatifs. Il y a des endroits où les conditions de travail des membres de ces organisations ne sont même pas inscrites dans la loi. Ce sont des syndicats qui agissent principalement comme des associations de lobbying. Et quand vous entendez leurs dirigeants.es dire, comme en Oklahoma, qu’il y aura un appel à cesser les arrêts de travail et à retourner au travail, (il n’y a pas à s’étonner) c’est ce qui se passe continuellement. C’est leur façon d’exercer leur pouvoir dans l’État. Ça ne se fait pas à la table de négociation parce que le droit de le faire là n’existe pour ainsi dire pas.
W.B. : Merci Sarah Jaffe……
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