David Corn, Mother Jones, 24 août 2016,
Traduction, Alexandra Cyr,
Donald Trump plaide pour la fermeture de la fondation. Ses supporteurs-trices en font tout un plat et crient qu’il y a là des preuves de corruption (…). Rudy Giuliani peut maintenant soutenir ses accusations voulant que la Fondation ait usé de « combines illégales ». C’est un terme légal plutôt dur dont l’ex procureur est familier. Les commentateurs dans les médias, dont Chris Cillizza du Washington Post, déclarent que ces révélations viennent s’ajouter aux supposées mauvaises analyses de la candidate.
La plupart des réactions sont surfaites. L’article ne contient aucune véritable allégation (possiblement des preuves) de quelque corruption que ce soit ou encore de manquements à l’éthique de la part de la Fondation Clinton. La plupart des rencontres avec la Secrétaire d’État auxquelles il est fait référence sont « normales ». Peut importe que la personne avec qui elle s’entretient soit un-e contributeur-rice à la Fondation ou non. L’article de l’AP s’arrête sur une rencontre qu’elle a eut avec le Prix Nobel Muhammad Yunus aussi donateur à la Fondation. Il s’agit du pionnier du micro crédit que Mme Clinton connait depuis 30 ans. L’article parle aussi d’une rencontre avec la tête dirigeante d’une fondation dédiée au SIDA qui développait des projets en Afrique de concert avec le Département d’État. Cette organisation a aussi fait des dons à la Fondation Clinton qui a longtemps été impliquée dans la lutte mondiale contre la maladie.
La distance entre la Fondation Clinton et le Département d’État aurait dû être plus importante quand Mme Clinton occupait le poste de secrétaire, qu’elle était la diplomate en chef. Mais l’article de l’AP, qui se concentre sur un petit enjeu, passe à côté du plus important : faire le bilan de ce que la Fondation Clinton a accompli. Il y a une bonne raison pour laquelle ce n’est pas fait ; c’est que c’est terriblement difficile à faire. C’est la même situation pour la plupart des organisations charitables. On peut les évaluer sur la base de leurs déclarations financières et d’impôt produites annuellement. On y retrouve des informations importantes sur leur transparence, les compensations dont elles bénéficient, le ratio entre l’administration et les dépenses de collectes de fonds et les dépenses de programmes. Mais tout cela ne nous dit pas ce qu’elles ont réellement fait. Certaines publient des rapports annuels très sophistiqués qui ne font état que de leurs succès. Habituellement, il n’y a pas de vérification externe. L’an dernier, le professeur Brian Mittendorf du Fisher College of Business de l’Ohio State University a publié un article dans le Chronicle of Philanthropy où il expliquait comment il était possible d’évaluer la Fondation Clinton comparativement à d’autres fondations. Mais il notait qu’il y en peu de la même espèce. Il insistait pour dire que c’est un processus compliqué.
Il y a quelques mois, j’ai demandé au professeur Mittendorf s’il était possible que quelqu’un sans expertise puisse déterminer si la Fondation Clinton faisait un bon travail en collectant et dépensant 2 milliards de dollars pour diverses sortes d’aide à travers le monde. Voici sa réponse :
Les organisations sans buts lucratifs font des efforts pour développer une manière systématique (et vérifiable) de mesurer leurs résultats. Il n’y a pas eu de progrès dans ce secteur. « Où est passé l’argent ? » reste la question la plus courante. Plusieurs vont faire état de leurs résultats mais c’est plus un moyen de maintenir son image qu’une réelle évaluation. La Fondation Clinton a examiné ses investissements dans le développement d’un outil pour mesurer ses propres évaluations de résultats. Mais je ne connais pas suffisamment leurs efforts en ce domaine pour parler de leur efficacité.
L’ampleur de leurs initiatives et leur manière plus subtile de mesurer leurs résultats rend l’évaluation de la Fondation Clinton encore plus difficile. Certains programmes comme le Clinton Health Access Initiative (CHAI) sont plus facile à mesurer. On peut évaluer la valeur des médicaments que l’organisation a réussi à obtenir pour les distribuer dans les endroits qui en ont besoin. Ce programme est d’ailleurs le plus important de la Fondation. D’autres programmes comme Too Small to Fail ou encore la Clinton Climate Initiative sont plus difficiles à évaluer en terme de résultats. On tente de mobiliser les secteurs publics et privés pour changer les perceptions publiques et effectuer des changements. La Clinton Global Initiative qui agit comme collecteur de fonds en faveur d’autres organismes est unique en son genre. Il est difficile de savoir ce qui aurait été donné même sans cette organisation et finalement ce qui a été accompli par celles qui ont reçu les fonds.
(…) Donc il ne s’agit pas d’une tâche facile. Le rapport annuel du CHAI pour 2015 est une histoire inspirante. Il a réussit à aider plus de 11 millions 800 mille personnes dans plus de 70 pays. Elles ont eut accès à des médicaments à bas prix pour le traitement du VIH ce qui a aussi permis au système mondial de santé d’épargner des milliards de dollars. Il a distribué des vaccins qui, sur une base annuelle, a aidé à sauver la vie de 138,000 personnes. En 2015, il a distribué 10 millions 500 mille contraceptifs de longue durée dans des pays pauvres et 13 millions 700 mille doses de médicaments contre la malaria ce qui a traité 2millions 100 mille personnes et sauvé la vie à 52,000 personnes. Il a aussi participé à la formation de sagefemmes en Éthiopie, développé un programme pour traité la malnutrition des enfants dans plusieurs pays et aidé à la fourniture de médicaments pour traiter la pneumonie et la diarrhée en Inde, au Kenya, en Ouganda et au Nigeria. C’est quelque chose si c’est exact. Est-ce que Donald Trump a jamais fait quoi que ce soit pour aider autant de gens ?
Mais, difficile de savoir si tout cela s’est vraiment passé. Peut-être totalement. Mais il n’y a aucun regard extérieur sur ces évaluations. Le professeur Mittendorf explique que : « La Fondation Clinton n’est pas la seule dans cette situation. La plupart des organisations charitables s’impliquent dans des activités qui sont difficiles à évaluer objectivement en terme d’accomplissements, peu importe le genre de vérifications. Nous nous retrouvons avec des rapports annuels qui donnent une image enjolivée du tableau mais peu de concret quand à ce qui a fonctionné ou non ».
Quelle frustration ! J’ai demandé à M. Mittendorf s’il pourrait faire quelque chose pour mieux comprendre le travail de ce programme. Voici sa réponse : « Ce que je peux dire des finances du CHAI c’est qu’il y a des dépenses mesurables sur des objectifs clés. Comme il a réussi à sécuriser les fournitures en médicaments et d’autres matériels il y a des résultats qu’il est possible de quantifier. Mais, en même temps, on peut aussi invoquer que ses ambitions sont grandes et qu’il n’est pas le plus simple des organismes dans ce champ d’intervention. Par exemple, CHAI emploie 55 personnes qui coûtent environ 100,000$. Comparativement, Task Force for Global Health en emploie 25 et Brothers Brother Fondation seulement 13. Ce n’est qu’un petit exemple mais il peut indiquer que l’organisation a besoin de plus d’employés-es que d’autres qui ont des objectifs comparables. Si vous examiné d’autres aspects, comme les conférences, les voyages, le coût du personnel en terme de pourcentage du total des dépenses et comparez avec d’autres organismes du même genre, cela vous permettra peut-être d’avoir une idée sur la manière dont l’organisation cherche à atteindre ses objectifs. Je me rends compte que ce sont des propos contradictoires mais je pense que vous trouveriez la même chose dans les organisations comparables : des succès avérés mais aussi une bureaucratie en place ».
Finalement ? Il n’y a pas qu’une (de ces organisations). Si CHAI n’a accompli qu’un partie ce qu’il prétend avoir fait il a fait beaucoup de bien et sauvé la vie de millions de personnes. Aurait-il pu faire mieux avec les mêmes ressources ? Est-ce qu’il a démarré des projets qui n’ont pas eu de succès ? Nous ne le savons pas. Est-ce qu’il y a beaucoup d’employés-es à haut salaire ? Oui ! Mais peut-être que cela se défend si les résultats sont à l’avenant. (Aucun des Clinton n’apparait sur la liste des employés-es et cela vaut aussi pour la Fondation Clinton). Mais arriver à une conclusion ferme est bien difficile. Un-e journaliste devrait aller dans une douzaine de pays ou plus, interviewer le personnel de la santé, des patients-es sur le terrain pour déterminer si le rapport annuel dit vrai.
Et le professeur Mittendorf note : « Mesurer les succès d’autres initiatives comme la Fondation Clinton est encore plus délicat. Les résultats sont encore plus impréci, souvent intitulés : changement de perceptions, modifier les politiques gouvernementales, développer des partenariats, etc….. ».
La Fondation Clinton est maintenant sur le champ de bataille politique. M. Giuliani la compare à la mafia. Donald Trump, qui n’a presque pas contribué à sa propre fondation mais a fait des dons à celle des Clinton, a réclamé que l’organisation cesse immédiatement ses activités sans états d’âme pour les gens qu’elle soutient. Les trolls conservateurs sur Twitter argumentent hystériquement que Mme Clinton fait parti d’une scène de crime et (que la Fondation) n’est rien d’autre qu’un outil pour l’enrichissement des Clinton. (La Fondation a annoncé que si Mme Clinton était élue à la Présidence, elle cesserait de collecter de l’argent de l’étranger et des entreprises. Sa présidente, Mme Donna Shalala a aussi déclaré que, dans ce cas, l’ampleur des programmes serait réduite).
Concrètement, la Fondation et ses programmes ont aidé des millions de personnes depuis plusieurs années. C’est vraiment dommage que, comme pour la plupart des organismes de charité, les résultats de ses efforts bien pensés ne soient pas complètement vérifiés pour se situer au-delà du combat politique.