Cette formule a été mise au point par le juge Ivan Rand en 1946 dans le règlement d’une grève chez Ford Motors. Le principe de base veut que tous ceux et toutes celles qui vont bénéficier des conventions collectives doivent contribuer au financement des syndicats.
L’action politique,
M. Poillievre est principalement motivé par son opposition aux actions politiques du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), le plus grand syndicat du secteur public fédéral. Depuis bon nombre d’années, ce syndicat a voté, lors de ses congrès, fédéraux, provinciaux et territoriaux, des sommes réservées à l’action politique et à la lutte pour la justice sociale. Il se sert de ces sommes pour évaluer et ensuite diffuser, lequel des partis politiques est le plus susceptible de ne pas menacer les intérêts de ses membres.
M. Poillievre est particulièrement dérangé par l’évaluation que le SCFP a faite au Québec et qui donnait le Parti québécois et Québec solidaire comme plus proche des intérêts de ses membres. Mais en fait, il lui importe peu de savoir quel parti est ainsi identifié ; il s’oppose absolument à ce que quelques sommes que ce soient, perçues par les syndicats en vertu de la formule Rand, soit consacrée à de l’action politique. Selon loi, elles ne devraient servir qu’aux problèmes dans les milieux de travail comme les salaires et les conditions de travail. Il s’est expliqué ainsi à Mme Kathryn May de l’Ottawa Citizen le 5 septembre dernier : « Les travailleurs et travailleuses ont le droit de se syndiquer, mais ils et elles ne sont pas obligéEs de le faire. La loi ne devrait donc pas les obliger à contribuer à l’appui de causes contre leur volonté ».
La position de ce député présente de nombreux problèmes. Évidemment ce n’est pas la loi qui fixe l’utilisation de l’argent des syndicats ; ce sont les membres dans des assemblées démocratiques lors des congrès du SCFP par exemple. C’est aussi hautement problématique de prétendre que des problèmes de négociation des conditions salariales et de travail puissent se mener sans lien avec les conditions politiques et économiques existantes dans la société.
Le lien entre les revendications ouvrières et les conditions politiques et économiques existantes a été reconnu dans un jugement de la Cour suprême du Canada (Lavigne vs Ontario Public Services Employees Union) en 1990. Le juge Laforest avait alors décidé qu’un des objectifs de la formule Rand est de s’assurer que : « les syndicats aient les ressources et le mandat pour qu’ils puissent jouer un rôle dans la structuration du contexte politique, économique et social à l’intérieur duquel chacune des conventions collectives et des différents dans les relations de travail devront être négociéEs et résoluEs ».
La possibilité pour un gouvernement d’imposer des lois pour mettre fin à des grèves illustre cette situation. Même des menaces de le faire sont une pression importante sur les capacités des syndicats à poursuivre des négociations. Mais ces capacités sont aussi affectées par une foule d’autres facteurs politiques dont l’appui des autres syndicats et du mouvement social, les conditions économiques existantes et le niveau de chômage.
C’est en vue de défendre adéquatement leurs membres que les syndicats, dont le SCFP, consacrent une partie de leur budget à « contribuer à la structuration du contexte politique, économique et social ». C’est un reflet de leur compréhension de leur mandat. D’autant plus que les gouvernements ont une tendance à passer des lois pour restreindre les droits de négociations et de grève. Cela augmente leur besoin d’agir sur ces conditions générales. La plus part des organisations syndicales le comprennent. Ce qui est moins clair, c’est comment le faire. Espérons que l’action de M. Poillievre pousse à de sérieuses discussions à ce sujet.