Le riz, le soja, le blé et le maïs s’imposent au détriment d’autres
productions comme le millet, le manioc, le seigle, le sorgho, la patate
douce ou l’igname. Si l’alimentation dépend d’une petite série de
variétés de cultures, que se passera-t-il en cas de mauvaise récolte ou
de maladies ? Notre consommation de nourriture est-elle garantie ?
Nous allons vers un monde avec plus de nourriture mais moins de
diversité et plus d’insécurité alimentaire. Des aliments comme le soja,
dont la consommation était insignifiante jusqu’à il y a quelques années
encore, sont devenus indispensables pour les trois quarts de l’humanité.
D’autres, déjà importants dans le passé comme le blé ou le riz, se sont
généralisés à grande échelle et sont respectivement consommés
aujourd’hui par 97% et 91% de la population mondiale. C’est une
alimentation occidentalisée, « accro » à la consommation de viande, de
produits laitiers et de boissons sucrées qui s’impose ainsi. Des marchés
alimentaires où les intérêts des grandes entreprises sont évidents.
C’est ce qu’explique en détail une récente étude intitulée «
L’augmentation de l’homogénéité dans les chaînes alimentaires globales
et son implication pour la sécurité alimentaire », qui affirme que nous
nous acheminons vers un « régime alimentaire mondialisé ».
Un menu qui, d’après les auteurs du rapport, constitue « une menace
potentielle pour la sécurité alimentaire ». Pourquoi ? En premier lieu
parce qu’en dépit du fait que nous consommons plus de calories, de
protéines et de graisses qu’il y a cinquante ans, notre alimentation est
moins variée et il est donc plus difficile de digérer les
micronutriments nécessaires pour l’organisme. En outre, affirment les
auteurs, « la préférence pour les aliments énergétiquement denses et
basés sur un nombre limité de cultures agricoles globales et de produits
transformés est associée à l’augmentation de maladies non transmissibles
comme le diabète, les problèmes cardiaques ou certains types de cancer
». Notre santé est donc en jeu.
En second lieu, l’homogénéisation de ce que nous mangeons nous rend plus
vulnérables aux mauvaises récoltes ou aux maladies, dont on prévoit
qu’elles augmenteront avec l’intensification du changement climatique.
Nous sommes dépendants d’une poignée de cultures qui sont aux mains
d’une poignée d’entreprises produisant à grande échelle à l’autre bout
de la planète, imposant des conditions de travail précaires pratiquant
une déforestation intensive, la contamination des sols et des eaux et
l’utilisation systématique d’agents agrotoxiques. Pouvons-nous alors
choisir librement ce que nous mangeons dans de telles conditions ?
Il ne s’agir pas d’être contre un changement des habitudes alimentaires
en soi, le problème survient quand de tels changements sont imposés par
des intérêts économiques particuliers, en marge des besoins réels des
gens. Le « régime alimentaire mondialisé » est le résultat d’une «
production-distribution-consommation » mondialisée où ni les paysans ni
les consommateurs n’ont leur mot à dire. Nous pensons décider ce que
nous mangeons, mais ce n’est pas le cas. Comme l’affirmait le rapporteur
spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, Olivier de
Schutter, lors de la présentation du rapport « Le potentiel
transformateur du droit à l’alimentation » ; « La principale déficience
de l’économie alimentaire est l’absence de démocratie ». Et sans
démocratie dans les champs et à table, on ne choisi et on ne mange pas
correctement.
*Article publié sur le site Publico.es, 15/03/2014.
**Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera.