Le retrait du monopole de la Commission canadienne du blé du rôle d’unique courtier pour les grains des fermiers de l’ouest canadien, donne au projet de Bunge un marché en or. Pourtant, le port de Vancouver s’agite sur la présomption qu’il continuera à transborder environ 250 bateaux par année comme il le fait en ce moment.
Vancouver n’est pas seul port canadien dans cette situation. Environ 350,000 wagons de grains sous le contrôle de la Commission canadienne du blé sont expédiés via ces ports. Pas seulement Vancouver, mais Prince Rupert en Colombie britannique, Churchill au Manitoba, et Montréal, Québec et Trois-Rivières au Québec, par la voie des Grands Lacs.
Rien ne devrait changer ? Comme c’est si souvent le cas avec le modèle économique de S. Harper arrimé aux exportations, c’est notre économie qui y passe. Dans cette histoire, ce qui profite aux Etats-Unis, au Japon, à la Corée du Sud, (et probablement à la Chine et aux Bermudes) ne rapporte pas grand-chose à la Colombie britannique et dans les Prairies.
Quand on examine cette situation, on a tendance à penser comme les gens de Vancouver et d’ailleurs, que la bataille autour du maintient ou non du monopole de la Commission canadienne du blé est une guerre intestine parmi les fermiers de l’ouest. Entre ceux qui vivent dans des régions où l’intervention de la Commission pour la mise en marché au meilleur prix de leurs céréales est essentielle pour leur exploitation et qui s’opposent à la décision conservatrice et ceux qui vivent près de la frontière américaine qui trouvent plus avantageux de ne plus être astreints à la Commission et qui sont d’accord avec le gouvernement. Ils l’ont ouvertement appuyé même dans ses platitudes économiques fondamentalistes à propos des vertus des marchés. Pourtant, quand le gouvernement adopte de telles politiques, il met l’économie canadienne dans les mains de grandes entreprises et dans ce cas particulier, il met les fermiers dans les mains d’entreprises étrangères.
Vraisemblablement, la plupart des producteurs de céréales canadiens ne profiteront pas du déplacement du centre de gravité du commerce de ce secteur vers les entreprises comme Bunge et Cargill. Mais il n’y aura pas de lutte contre ce changement tant que les habitants des villes n’y verront rien de mal et que les populations rurales continueront malgré tout à voter pour les conservateurs sans voir les impacts réels dans leur vie. Pourtant même certains producteurs qui célèbrent leur « libération de la tyrannie » de la Commission pourraient bien regretter leur choix. Nous l’aurons dit ici.
Il faut être conscient que quand nous regretterons l’excellente qualité de notre pain, de nos pâtes et de notre bière il ne sera pas facile de savoir si cela est imputable à des importations de céréales de faible qualité. Ce sera un autre effet du changement du mandat de la Commission. Selon des analyses sérieusesi, le démantèlement de la commission mènera à une baisse de la portion de grains canadiens de haute qualité dans la fabrication des produits mis en marché. Ces entreprises cherchent le meilleur rendement et se tournent vers les qualités moins chères même s’il faut aller les chercher en Ukraineii.
Et on ne verra probablement pas le lien quand nous serons tous et toutes appeléEs à soutenir, via nos impôts, des fermiers appauvris, du moins assez pour qu’ils continuent à voter Conservateur. Et en plus nous financerons des baisses d’impôts pour les multinationales de l’agro-business.
Mais, avec la fin du monopole de la Commission ce sont probablement les Britano-colombienNEs qui vont se rendre compte du lien le plus sûrement. La Commission ne pourra plus expédier le grain des prairies par le train et vers les ports de la côte ouest comme elle le faisait jusqu’à maintenant. Car, en plus du terminal de Longview, Legumex Walker Inc. construit, à Warden État de Washington, une installation de 110 millions de dollars américains pour l’exportation du canola. Résultat : quelques emplois de moins au Canada. C’était hors de portée de la Commission qui n’a jamais mis en marché les oléagineux. Mais l’idée que si le seul monopole de la Commission avait été annulé, cela aurait permis à des compagnies canadiennes de prendre la relève dans le pays, est complètement farfelue.
Pendant ce temps, à Longview, Bunge a engagé une bataille contre les syndicats dans le port. Et c’est cette installation qui fera sûrement perdre des bons emplois syndiqués à Vancouver. Rien pourtant dans les médias à ce sujetiii.
Pour les fondamentalistes des vertus du marché dans le gouvernement conservateur fédéral, tout va comme il se doit, dans le meilleur des mondes. Et si nous plaidons pour que les emplois canadiens restent au Canada, c’est que nous sommes de stupides antis libre-échange.
L’argent des entreprises est engagé pour financer les publicités vicieuses qui attaquent ceux et celles et les partis qui pourraient se battre du côté des fermiers, des travailleurs-euses et du développement économique. Et les britano-colombienNEs devront compter sur un ou deux oléoducs transportant le pétrole des sables bitumineux pour maintenir leur niveau économique.